vendredi 3 juin 2011

En Chine, une sécheresse exceptionnelle aggrave la crise de l'eau

Le Monde - Environnement & Sciences, vendredi 3 juin 2011, p. 8

Ce sont les deux plus grands lacs de Chine, mais sur des centaines de kilomètres carrés, ils ne donnent plus à voir qu'une plaine craquelée, parsemée de bateaux de pêche échoués. En leur centre, les eaux encerclent ce que les habitants décrivent comme une sorte de steppe.

Le Poyang Hu, dans le Jiangxi, et le Dongting Hu, dans le Hunan, lacs immenses et peu profonds qui jouent un rôle-clé dans le système hydrographique du fleuve Yangzi, " rétrécissent " chaque hiver - la saison sèche en Chine - comme une peau de chagrin. Mais, cette année, leur superficie est inférieure de 30 % à 80 %, selon les estimations, à ce qu'elle est habituellement en cette fin de printemps, quand les précipitations sont en principe fréquentes et quand ces régions se préparent à subir les inondations du début de la saison des pluies.

Les deux provinces comptent parmi les plus touchées par la sécheresse qui sévit depuis la fin de l'hiver dans le bassin médian et inférieur du Yangzi, le plus long et le plus généreux fleuve de Chine. Le Hunan n'aurait jamais connu pareille sécheresse depuis 1910. La province du Hubei, au nord du lac Dongting et en aval de l'immense retenue du barrage des Trois-Gorges, est généralement épargnée par le manque d'eau. Cette fois, la " région aux milles lacs " est durement touchée. Dans l'Anhui, 269 cours d'eau et 266 petits réservoirs seraient à sec, selon le Bureau de contrôle des inondations et de la sécheresse de la province.

Quelque 35 millions de personnes sont touchées par la sécheresse dans ces trois provinces, ainsi que dans celle du Jiangsu, au nord de Shanghaï, selon le ministère des affaires civiles.

Le désastre n'affecterait toutefois que 5 % des terres agricoles chinoises, et l'alerte n'a pour l'instant pas dépassé le niveau jaune, deux crans en dessous du degré d'urgence maximal. Des pluies sont attendues du vendredi 3 au lundi 6 juin. Elles ne devraient pas inverser radicalement la tendance, même si certaines autorités locales s'inquiètent des risques accrus d'inondation et de glissement de terrain en raison de l'état des sols, trop secs.

Les surplus céréaliers, issus notamment de la récolte d'hiver, sont suffisants cette année, ont prévenu les autorités. Toutefois, des tensions sont attendues sur les marchés mondiaux, la Chine étant importatrice de maïs depuis 2010. En Chine, la plupart des économistes s'attendent à une reprise de l'inflation sur les produits alimentaires - surtout les légumes et les poissons - en mai, après un fléchissement en avril. Cinquante villes chinoises auraient enregistré des " augmentations significatives " de prix en mai pour certains produits alimentaires, a prévenu le Bureau national des statistiques.

Une combinaison de facteurs explique la situation actuelle : le changement climatique et les effets du phénomène météorologique La Niña sont invoqués, mais aussi la retenue des Trois-Gorges, dont l'impact provoque un débat depuis la reconnaissance par le gouvernement, il y a deux semaines, que toute une série de variables environnementales et hydrographiques étaient affectées en aval. Les vannes du barrage ont été ouvertes plus rapidement que prévu : le niveau d'eau, qui atteint 175 mètres en hiver, s'établissait à 150 mètres mardi. Il atteint en principe le niveau minimal de 145 mètres autour du 10 juin, quand le barrage se prépare à absorber les surplus de la mousson.

L'explosion de la consommation en eau, suite au développement industriel et à la hausse du niveau de vie dans des régions à très forte croissance, a fragilisé bien plus vite que prévu, selon les écologistes, le système hydrographique du bassin du Yangzi.

Dans les zones industrielles du Hunan ou du Jiangsu, la pollution a également exacerbé la crise de l'eau, structurelle dans les régions du nord et du nord-est. Au lac Taihu, troisième plus grand lac de Chine et le plus en aval des grands lacs du Yangzi, " la pollution existe toujours, rien n'est résolu ", affirme Wu Lihong, autrefois emprisonné pour avoir défendu le lac, qui a subi une marée verte désastreuse en 2007.

Le Yangzi, sollicité pour réhydrater le nord-est de la Chine par le moyen de deux canaux de diversion des eaux du sud vers le nord, est-il surexploité et en péril ? " Ces sécheresses fréquentes tirent la sonnette d'alarme. On a fait trop d'erreurs dans la gestion des fleuves, que l'on barre ou que l'on détourne selon nos caprices ", estime Wang Yongchen, fondatrice de l'organisation non gouvernementale Green Earth Volonteers.

" Avec une telle quantité de barrages en amont, les conséquences ne sont pas seulement localisées, elles se généralisent très loin en aval, explique cette ancienne journaliste. Il y aura 356 centrales hydroélectriques sur la rivière Dadu - un affluent indirect du Yangzi, dans le Sichuan - . Douze barrages géants sont prévus sur le haut Yangzi; huit barrent déjà le fleuve, et certains chantiers ont commencé sans évaluation d'impact environnemental. "

Brice Pedroletti

PHOTO - Withered wheat plants are seen in a dry field on the outskirts of Luanchen County, Hebei province February 18, 2011. Most of China will see rain or snow in the next few days, which could help to relieve the severe drought that has hit many of China's wheat growing provinces, the Xinhua news agency reported on Wednesday, citing the country's weather bureau. Picture taken February 18, 2011.

© 2011 SA Le Monde. Tous droits réservés.

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Et en Europe on continue à utiliser 30L/personne/jour d'eau potable pour les toilettes.