lundi 13 juin 2011

La dette américaine objet de toutes les inquiétudes - Cécile Prudhomme

Le Monde - Economie, lundi 13 juin 2011, p. 15

Rien ne va plus. Avec la multiplication des crises économiques et financières, les instruments de bord des analystes que sont notamment les liens entre les cours des différents marchés financiers sont déréglés.

Le dollar australien et le dollar néo-zélandais en sont une illustration récente, selon David Bloom, le responsable de la stratégie sur les devises d'HSBC. Autrefois, ils progressaient au rythme de la santé de l'économie américaine, aujourd'hui ils évoluent en sens inverse. Depuis plusieurs semaines, ces deux monnaies s'apprécient alors que s'amplifient les craintes sur l'économie des Etats-Unis. Le dollar australien (l'aussie) a progressé de quasiment 9 % face au dollar américain, depuis la mi-mars, et le néo-zélandais de presque 15 %. M. Bloom estime qu'en ce moment l'Aussie " ignore les mauvaises nouvelles et célèbre les bonnes ".

Et du côté des Etats-Unis, les sources d'inquiétudes s'accumulent : le débat budgétaire sur la dette américaine n'avance pas et l'économie pourrait rechuter.

Le président de la Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke, a jugé, mardi 7 juin, que le maintien d'" une politique monétaire accommodante est toujours nécessaire " tant que la poussée d'inflation n'apparaît pas menaçante, pour doper une reprise économique " désespérément lente ".

Le rapport publié cette semaine par la Banque centrale - appelé Beige Book de la couleur de sa couverture -, montre que la croissance a même ralenti dans quelques régions, même si, dans son ensemble, elle continue de progresser.

Ajouté aux interrogations sur l'avenir de la croissance, le débat budgétaire américain suscite la crispation hors des frontières. Le Congrès américain ne parvient toujours pas à s'entendre sur un relèvement du plafond de la dette. La dette publique a atteint mi-mai la limite légale au-delà de laquelle l'Etat ne peut plus augmenter son endettement (14 294 milliards de dollars, soit 9 950 milliards d'euros). Les élus républicains commencent à faire passer l'idée qu'il pourrait être utile de mettre les Etats-Unis en défaut technique sur la dette, afin de forcer la main au gouvernement démocrate pour qu'il accepte davantage d'austérité budgétaire.

L'agence de notation Fitch a indiqué, jeudi, qu'elle abaisserait la note de solvabilité des Etats-Unis " dans le cas hautement improbable " d'un défaut de paiement du Trésor américain. Elle pourrait qualifier la dette en " défaut limité " si le Trésor ne remboursait pas certaines de ses obligations le 15 août.

" Déjà en situation de défaut "

La bataille politique américaine est prise très au sérieux en Chine, premier détenteur de bons du Trésor américain, avec 1 145 milliards de dollars investis. Un conseiller de la banque centrale chinoise, Li Daokui, a jugé jeudi que les Etats-Unis " jouaient avec le feu " en envisageant un défaut ponctuel. Un tel événement serait néfaste pour le dollar, a-t-il averti. Le porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hong Lei, a espéré " que les Etats-Unis pourront adopter des mesures efficaces pour améliorer leur situation budgétaire ".

Pour l'agence de notation chinoise Dagong, en tout cas, " les Etats-Unis sont d'ores et déjà en situation de défaut " sur leur dette, a jugé, vendredi, son président Guan Jianzhong. Selon lui, Washington a déjà fait défaut sur sa dette en autorisant le dollar à s'affaiblir par rapport aux autres devises, érodant d'autant le portefeuille des créditeurs des Etats-Unis, dont la Chine.

Les investisseurs n'ont, en tout cas pour le moment, pas déserté la dette américaine, comme le montre la baisse du taux à dix ans. Il a atteint vendredi 2,95 % contre quasiment 3 % une semaine avant.

Cécile Prudhomme

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1 commentaires:

Anonyme a dit…

"Les investisseurs n'ont, en tout cas pour le moment, pas déserté la dette américaine, comme le montre la baisse du taux à dix ans. Il a atteint vendredi 2,95 % contre quasiment 3 % une semaine avant."
Avez vous entendu parler madame qu'en fait d'investisseur, c'est la fed qui, via son programme de quantitative easing , rachète la plus grande part de l'émission de dette américaine ?