Le Monde - Culture, vendredi 10 juin 2011, p. 25
SM Entertainment « fabrique » des groupes à succès qui se produiront les 10 et 11 juin au Zénith
Après avoir conquis l'Asie, la K-pop s'attaque au marché européen. Les 10 et 11 juin, 14 000 fans européens de la musique pop coréenne vibreront au Zénith de Paris au son de mélodies aussi rythmées que formatées des groupes SHINee, f (x) ou encore Girls'Generation, des ensembles de garçons ou de filles imaginés par des sociétés de production ayant fait de la musique un produit d'exportation, avec le soutien actif des autorités sud-coréennes, qui voient là un moyen de vendre une image positive et dynamique du pays.
Le spectacle présenté à Paris, SMTown, a été conçu par SM Entertainment, entreprise créée en 1995 par Lee Soo-man, chanteur populaire des années 1970 devenu entrepreneur. La société a déjà produit des stars, comme la chanteuse BoA, qui ont conquis la Corée du Sud, mais aussi le Japon, la Chine ou l'Asie du Sud-Est et sont visibles aux Etats-Unis. Pionnière dans ce milieu, SM Entertainment est aujourd'hui concurrencée par JYP Entertainment ou YG Entertainment.
Avec 170 salariés, pour une soixantaine de groupes et chanteurs, SM Entertainment suit une politique bien rodée. « En imaginant les concepts de groupes, nous pensons aux jeunes du monde entier », explique Kim Young-min, l'actuel PDG. Le processus de création des formations est réglé au millimètre : une sélection impitoyable au fil d'auditions qui attirent chaque année 10 000 candidats. Puis une formation de trois à cinq ans au sein de la SM Academy. Cours de chant, de danse, de théâtre et même de langue. « Durant cette formation, nous faisons tout pour maximiser le trait dominant du caractère de chacun », signale Kim Young-min. Cela n'exclut pas certaines extrémités, comme le recours à la chirurgie esthétique. « Nous imaginons les concepts à concrétiser en environ deux ans. Nous observons la vingtaine d'étudiants en formation. Nous cherchons celui ou celle quicorrespond le mieux à l'idée et qui a la capacité de s'inscrire dans la tendance du moment. Si nous voulons faire un groupe, nous déterminons qui peut aller avec qui. » Une démarche est également menée auprès de partenaires de la mode pour créer l'image de la nouvelle formation. Selon M. Kim, « entre l'entrée à l'académie et la sortie du premier titre, la création d'un nouveau concept coûte entre 150 et 200 millions de wons ».
Cette véritable politique marketing donne au final des ensembles au look très travaillé, au style facilement identifiable, à la durée de vie parfois limitée à quelques années. SHINee, imaginé à partir du concept de « boys band » contemporain, réunit cinq jeunes hommes de 18 à 22 ans. Les compositions empruntent au répertoire de la R & B, tendance dominante de la musique actuelle, transmettent des messages positifs et consensuels, destinés à toucher un public le plus large possible.
Soucieuse d'internationalisation, SM Entertainment recourt à des talents étrangers. Parmi les cinq filles de f (x) figure Victoria, jeune Chinoise ex-danseuse classique originaire de Tsingtao, intégrée pour faciliter l'implantation en Chine et à Taïwan.
La tendance se répand en Europe grâce aux réseaux sociaux, qui ont permis aux amateurs, malgré l'absence de publicité, de découvrir sur cette musique venue d'ailleurs. Un mouvement facilité par la mise à disposition d'informations en anglais. Souvent, les fans viennent à la K-Pop après avoir goûté aux charmes de la culture populaire japonaise. « Je lisais des mangas, explique Jessica Fulrad, de Thionville (Moselle). J'ai ensuite découvert les séries télévisées coréennes et puis la musique. » Ce qui lui plaît dans la K-Pop, ce sont « les performances plus marquantes, l'ambiance plus américaine et le style moins costumé qu'au Japon ». Sa passion, vécue depuis six ans, l'incite aujourd'hui à apprendre le coréen.
M. Kim se dit surpris par l'intérêt rencontré en Europe pour ce style musical - le Midem 2010 avait accueilli un stand K-Pop. En avril, un groupe de Français fans de K-Pop est venu en Corée à la rencontre de leurs stars préférées, un voyage aux allures promotionnelles en partie financé par l'office du tourisme sud-coréen, partenaire des concerts au travers de sa campagne « Visit Korea ».
Korean Connection, association créée à Paris pour les amateurs de culture coréenne, a pris en charge l'organisation. Son président, Maxime Paquet, proche de SM Entertainment, a joué un rôle important pour l'organisation des concerts de juin. « Fin 2010, nous avons lancé une pétition sur Facebook pour qu'un concert soit organisé. En cinq jours, il y avait déjà 3 000 soutiens de toute l'Europe, et même des Etats-Unis. L'initiative a convaincu SM Entertainment d'organiser la venue au Zénith. » Les places de concert se sont arrachées en quelques minutes. Une date était prévue, une deuxième a été ajoutée.
Pour les autorités, la K-pop est le moyen de mieux faire connaître un pays qui se sent à l'étroit entre ses voisins japonais et chinois, et dont l'économie vit sous haute dépendance des exportations de voitures, de produits de l'électronique... et maintenant de culture.
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