lundi 13 juin 2011

DOSSIER - C'est reparti ! Affaire Bettencourt saison 2

Marianne, no. 738 - Événement, samedi 11 juin 2011, p. 12

Ils sont de retour. La mère, la fille, l'entourage de la milliardaire... On croyait close l'affaire Bettencourt. Elle redémarre, plus balzacienne que jamais. Cette fois, c'est l'avocat de l'héritière L'Oréal qui est visé. Les acteurs changent, mais le scénario, lui, reste le même. Enquête.

Quelle belle image ! Quel splendide cliché ! C'était le 24 janvier dernier, place Vendôme, à Paris, lors du défilé haute couture de la maison Armani. Liliane Bettencourt, l'héritière L'Oréal, 88 ans, et sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers, main dans la main, enfin réconciliées, prenant plaisir à se laisser photographier et filmer pour la postérité. Happy end glamour d'un feuilleton familial d'une rare violence, commencé fin 2007, auquel leurs avocats respectifs étaient finalement parvenus à mettre un terme, quelques semaines plutôt, le 6 décembre 2010.

Mère et fille avaient alors annoncé leur rapprochement et mis fin à trois années d'un âpre combat judiciaire, grâce à deux accords, l'un conclu entre elles, l'autre entre Françoise Bettencourt-Meyers et le photographe François-Marie Banier. Accusé d'abus de faiblesse envers la richissime octogénaire, qui lui avait tout de même offert près de 1 milliard d'euros au fil des ans (assurance vie, oeuvres d'art, immeubles, abandons de créances...), Banier avait accepté de renoncer aux 620 millions d'euros que lui promettaient deux contrats d'assurance vie signés à son bénéfice par Liliane Bettencourt. Un véritable accord de paix pour rabibocher la mère et la fille, mais aussi pour rassurer les marchés financiers sur la stabilité de l'actionnariat du groupe L'Oréal. Bref, le Camp David des Bettencourt !

Du conte de fées au cauchemar

En novembre dernier, la mère promettait pourtant de déshériter sa fille. En décembre, tout était oublié. Oubliés, la plainte contre Banier, les mots désobligeants, les histoires d'argent. Ecarté, le dandy artiste qui se cramponnait à la généreuse milliardaire comme le Picsou de Walt Disney à son tas d'or. Evincé, l'omniprésent gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, suspecté d'avoir tendu autour de sa patronne un véritable cordon sanitaire. Remerciés, ces médecins trop empressés au chevet de la vieille dame... Tout allait enfin pouvoir rentrer dans l'ordre. Les médias, qui s'étaient tant délectés de cette saga hors normes, symbole des excès et des dérives d'une époque - drame familial, consanguinité entre pouvoir politique et puissances d'argent, fraude fiscale à grande échelle, conflits d'intérêts avérés, trafic d'influence, financement politique illégal... -, les médias, donc, étaient sommés de croire au conte de fées, et l'opinion publique avec eux. Françoise retrouvait sa mère. Liliane régularisait sa situation fiscale. L'encombrant M. Woerth était "viré" du gouvernement. Florence, son épouse, avait démissionné de ses fonctions auprès de Mme Bettencourt mère. Même le bouclier fiscal de Nicolas Sarkozy ne serait bientôt plus qu'un lointain mauvais souvenir...

Et puis voilà que tout redémarre. Affaire Bettencourt, saison 2. Mardi 7 juin, Me Béatrice Weiss-Gout, l'une des avocates de Françoise Bettencourt-Meyers, a déposé, auprès de la juge des tutelles du tribunal d'instance de Courbevoie (Hauts-de-Seine), une nouvelle requête concernant les conditions d'exécution du mandat de protection future confié à Me Pascal Wilhelm, l'homme de confiance chargé de protéger les biens de Liliane Bettencourt (par ailleurs, l'un des avocats de Marianne SA, la société éditrice du journal). Associée à ses deux fils, Jean-Victor et Nicolas Meyers, Françoise Bettencourt-Meyers s'interroge sur la manière dont Me Wilhelm, à la fois mandataire et avocat de Liliane, exerce son mandat de protection. Et ce, alors même que la juge des tutelles a rendu, en mars dernier, une ordonnance constatant la nette altération des "facultés cognitives" de l'héritière L'Oréal, qui souffre, par ailleurs, d'une "maladie cérébrale et d'une grande surdité". En clair, lit-on dans cette requête dont le Monde a publié des extraits, "des inquiétudes sont apparues qui font craindre de nouvelles dérives contraires aux intérêts de Mme Liliane Bettencourt. Se reconstitue autour d'elle un cercle qui se prétend affectif au détriment de sa famille". Le même film qu'on aurait rembobiné. Certains acteurs ont changé, mais le scénario et les dialogues sont identiques.

Un état de santé préoccupant

Pure coïncidence, cette nouvelle démarche juridique, qui a en réalité pour but de placer la richissime octogénaire sous tutelle, a été lancée le jour même où un juge d'instruction bordelais, Jean-Michel Gentil, se présentait à 8 heures du matin au domicile de Liliane Bettencourt, rue Labordère, à Neuilly, avec force policiers et médecins. Niant vouloir rompre l'accord de paix avec sa mère, Françoise Bettencourt-Meyers suspecte l'organisation d'une nouvelle muraille autour de la vieille dame, à laquelle participeraient cette fois son avocat, Me Pascal Wilhelm, mais aussi son médecin traitant, le Dr Christophe de Jaeger, et même l'infirmier personnel de la milliardaire, Alain Thurin. Le même cauchemar qui recommence...

Aussitôt, Me Wilhelm et son conseiller en communication, qui appartient au groupe Euro RSCG, organisent la riposte, sous la forme d'un entretien accordé par Mme Bettencourt au site lepoint.fr. Informée de cette nouvelle offensive, non pas dirigée contre elle mais contre son mandataire, la vieille dame se dit "ulcérée et malheureuse". "C'est épouvantable, ce qu'elle fait, assure-t-elle, en parlant de sa fille. Elle aura la monnaie de sa pièce, je ne veux pas me faire marcher dessus [...]. Elle ne veut pas me lâcher. Mais elle va se foutre par terre, elle va être très malheureuse et seule." Et d'ajouter, à propos de ses conseillers : "C'est un entourage que j'ai depuis plusieurs années. Vous pensez que je vais m'en défaire comme ça ? Je me déferai plus facilement de ma famille que de mon entourage qui me soutient." Pour faire bonne mesure, Liliane Bettencourt décide de dévoiler une partie de l'accord scellé avec sa fille en décembre dernier, au terme duquel elle s'engageait à verser 12 millions d'euros à celle-ci pour payer les honoraires de ses avocats. Dans la foulée, le bâtonnier de Paris, Jean Castelain, lance une "enquête déontologique" pour "éclairer" le rôle de Me Wilhelm auprès de Liliane Bettencourt. Celui-là dépose plainte à son tour devant le conseil de l'ordre contre les avocats de Françoise Bettencourt-Meyers.

La France entière croyait close l'affaire Bettencourt, elle repart, plus balzacienne que jamais. Que s'est-il donc passé pour que, six mois à peine après la grande réconciliation, les couteaux soient à nouveau tirés ? D'abord l'état de santé de Liliane Bettencourt. Des lecteurs de Marianne avaient pu être heurtés, voire offusqués, quand, au coeur de l'été 2010, notre journal s'était penché sur la santé de l'octogénaire et sur le rôle ambigu de certains de ses médecins. Aussi choquant que cela puisse paraître, cette question reste pourtant au centre de cette affaire. Dans un rapport médical daté du 17 décembre 2010, un expert en gériatrie, le Dr Jaeger, a en effet confirmé ce que sa fille et tant d'autres pressentaient : une altération des facultés cognitives, une désorientation dans le temps et dans l'espace et une perte de mémoire, aggravée par une chute nocturne qui lui a valu, depuis, un col du fémur cassé et deux mois d'hospitalisation à l'Hôpital américain de Neuilly. Une situation justifiant la mise en oeuvre d'un mandat de protection future, déclenché le 20 janvier dernier et confié, donc, à Me Wilhelm.

Or, Françoise Bettencourt-Meyers déplore aujourd'hui que certains conseils, médecins et autres prestataires en aient profité pour envahir à nouveau l'intimité de sa mère et l'isoler de sa fille et de ses petits-enfants. Elle vise nommément Alain Thurin, le garde de nuit-infirmier de Liliane Bettencourt depuis plusieurs années, auquel elle reproche de ne pas avoir su empêcher la chute de sa mère et de ne l'avoir alertée de cet accident qu'après son hospitalisation. Françoise Bettencourt-Meyers s'étonne que l'employé prenne des photographies de sa mère, qu'il écoute leurs conversations derrière la porte quand elle lui rend visite et, surtout, que sa mère s'entête à l'appeler André, le prénom de son père. La fille cible également le Dr Jaeger, qu'elle avait pourtant choisi et dont elle s'étonne aujourd'hui que, lors des deux mois d'hospitalisation, il ait rendu visite à sa mère presque chaque jour, entre midi et 14 heures, pour déjeuner ou prendre le thé avec elle. Elle déplore les journées trop chargées de sa mère, au détriment de sa propre famille dont on contrôle et limite les visites. Bref, après la mise à l'écart de Banier, de De Maistre et de tous les profiteurs empressés, d'autres auraient pris leur place.

Conflit d'intérêts ?

Mais le véritable élément déclencheur de ce nouveau coup de théâtre familial est ailleurs. Il concerne le rôle que joue Me Pascal Wilhelm, à la fois avocat de Liliane Bettencourt et, en tant que mandataire, seul gestionnaire de son patrimoine personnel. Un cumul de fonctions, déplore-t-on dans l'entourage de Françoise Bettencourt-Meyers, qui conduit l'avocat Pascal Wilhelm à percevoir des honoraires dont il adresse les factures au mandataire Wilhelm Pascal. Plus troublant : la fille de la milliardaire a appris que sa mère avait acquis, pour 143 millions d'euros, 20 % de Lov Group Industrie, le holding de tête de l'homme d'affaires Stéphane Courbit, lui-même client... du cabinet Wilhelm & Associés. Et ce, au terme d'un protocole d'accord signé le 17 décembre 2010, c'est-à-dire le jour même où le certificat médical de l'expert constatait l'aggravation de l'état de santé de Liliane Bettencourt. Une opération financière montée, de surcroît, avec une banque partenaire, Messier, Maris & Associés, dont le PDG n'est autre que Jean-Marie Messier, lui aussi client de Me Wilhelm. Double conflit d'intérêts ?

Stéphane Courbit, lui, se dit "prêt à mettre tout sur la table". "Cet investissement est très sérieux et très blindé", insiste son entourage, qui souligne que Pascal Wilhelm n'est pas l'avocat du holding de Stéphane Courbit, mais uniquement de son site de jeux en ligne Betclic. Marianne a, en outre, appris que Stéphane Courbit avait bien rencontré Liliane Bettencourt en mai 2010 pour lui parler de cet investissement, bien avant la grande réconciliation mère-fille. Ils se sont vus de nouveau en septembre 2010 et, plus récemment, en mai 2011. Me Pascal Wilhelm nous a assuré que Me Didier Martin, avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, avait été prévenu de l'opération par échange de mails. "En réalité, tout cela est un conflit de famille de longue date, explique Me Wilhelm à Marianne. Pour ma part, je préfère me concentrer sur mes fonctions de mandataire et d'avocat de Liliane Bettencourt."

Tiens, revoilà de Maistre !

Pour se prémunir contre tout reproche, Me Wilhelm avait pris soin de créer un comité d'investissement chargé de donner son avis sur la gestion des avoirs personnels de Mme Bettencourt. Un comité auquel il a proposé, dit-il, à Jean-Pierre Meyers, le mari de Françoise, et à ses enfants d'assister. Ceux-ci auraient refusé pour ne pas être accusés d'ingérence dans les affaires personnelles de Liliane. Marianne s'est procuré les noms des trois membres permanents de ce comité, réputés pour leur probité et leurs compétences. Il s'agit, en l'occurrence, de Bertrand Méheut, PDG de Canal + ; de Georges Ralli, patron pour l'Europe de la banque Lazard ; et de Simon Robertson, ex-président de la banque Goldman Sachs Europe. L'ennui, c'est que le premier est lui aussi client du cabinet Wilhelm & Associés et que le deuxième est l'un des managers de la banque conseil de Stéphane Courbit. Un comité d'investissement dont, par ailleurs, Françoise Bettencourt-Meyers, assure son entourage, n'aurait été informée de l'existence qu'après sa mise en place. Le 25 avril dernier, selon nos informations, alors que sa création était déjà annoncée dans le Figaro daté du 21 avril ! Et ce n'est pas tout...

Alors que Patrice de Maistre, l'ancien gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, était censé avoir été écarté de l'entourage de l'héritière L'Oréal, son nom réapparaît au détour d'un cabinet d'expertise comptable dont Me Pascal Wilhelm utilise les services pour l'aider à gérer les affaires de Liliane Bettencourt (livre de comptes, budget...). Marianne a retrouvé le nom de ce cabinet d'expertise comptable qui, en réalité, travaillerait depuis près de dix ans pour Liliane Bettencourt. Il s'agit du cabinet Coexcom, dont le siège social se situe au 40, avenue Hoche, à Paris, mais qui dispose aussi de bureaux au 25, boulevard Notre-Dame, à Marseille. Or, dans l'immeuble du 40, avenue Hoche, sont domiciliées quatre sociétés (Vectra Développement, Eugénia, SCI Hoche 407 et Brinon Investissement), dont le gérant ou le président n'est autre que Patrice de Maistre. Autre coïncidence, au 25, boulevard Notre-Dame, à Marseille, se trouve une société, SCI Eugecor, dont les cogérants se nomment Guy Cornet (du cabinet Coexcom) et... Patrice de Maistre qui, voilà encore quelques mois, avait pour avocat Me Pascal Wilhelm. Ce dernier souligne, néanmoins, que tous les comptes de Liliane Bettencourt sont contrôlés par le célèbre cabinet de commissaires aux comptes Ricol, Lasteyrie & Associés et qu'un reporting trimestriel est adressé aux avocats de Françoise Bettencourt.

Quoi qu'il en soit, le feuilleton Bettencourt a bel et bien redémarré. Saison 2.

LAURENT NEUMANN

FRAUDE FISCALE
L'addition de Liliane Bettencourt ne devrait plus tarder

Voilà près de onze mois que Liliane Bettencourt discute, traite, négocie avec le fisc ! Début juillet 2010, après les révélations de Marianne sur la fraude fiscale avérée de la richissime héritière L'Oréal, celle-ci, par la voix de son avocat, Me Pascal Wilhelm, avait promis de régulariser sa situation avec les services de Bercy. François Baroin, ministre du Budget, avait même signifié qu'il enverrait au besoin des enquêteurs dans le monde entier pour faire la lumière sur les avoirs cachés de la richissime octogénaire.

On sait aujourd'hui que Liliane Bettencourt a d'ores et déjà récupéré la propriété de la fameuse île d'Arros, aux Seychelles. Elle paiera donc, sur cette île, un redressement au titre de l'ISF. Sauf que ça coince sur la valorisation exacte de ce petit paradis. Entre 300 et 500 millions d'euros, comme l'ont évalué les médias ? Deux cents millions d'euros, comme l'auraient suggéré les services de Bercy ? Moins, comme le prétend l'entourage de Liliane Bettencourt ? De ce chiffrage dépend évidemment la facture finale du fisc. De même, Liliane Bettencourt était censée détenir des comptes en Suisse évalués à 80 millions d'euros environ. En réalité, elle aurait rapatrié depuis l'été dernier en France près de 200 millions d'euros. Si tel était le cas, le redressement fiscal pour ces seuls avoirs s'élèverait à plus de 35 millions d'euros.

Marianne est en mesure de révéler que Liliane Bettencourt a déjà reçu une première addition de la part de Bercy et de ses services fiscaux. Elle comprend le montant total de son redressement fiscal au titre de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, ainsi que l'ensemble des pénalités de retard. Selon deux sources concordantes, cette addition, importante mais somme toute indolore au regard de l'immense fortune de la plus riche contribuable de France, serait passée entre les mains de François Baroin, ministre du Budget, mais aussi entre celles de Philippe Parini, directeur général des finances publiques, un proche de Nicolas Sarkozy qu'il a côtoyé au ministère du Budget et dans les Hauts-de-Seine, lorsqu'il en était le trésorier-payeur général de 1998 à 2002.

Les conseillers de Liliane Bettencourt, qui souhaitent mettre définitivement leur cliente en règle avec le fisc, ne contestent en aucune manière le redressement et les pénalités - qui portent sur dix ans d'impôts sur le revenu et trois années d'ISF -, mais, jusqu'ici, ils divergeaient sur la valorisation de ses biens. Ils ont jusqu'au 20 juillet prochain pour trouver un terrain d'accord avec les services fiscaux.

FLORENCE WOERTH VEUT LE MILLION

Chez les Woerth, on n'a pas froid aux yeux. Pendant des semaines, Eric Woerth a expliqué qu'il ne voyait nul conflit d'intérêts à être à la fois ministre du Budget et trésorier de l'UMP et de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Aucun conflit d'intérêts à être chargé de pourchasser les fraudeurs du fisc tout en recueillant l'argent des membres du fameux Premier Cercle de l'UMP, dont certains sont des exilés fiscaux notoires. Aucun conflit d'intérêts non plus à porter cette double casquette alors que sa femme, Florence Woerth, était directrice des investissements de la société Clymène, chargée de gérer la fortune de Liliane Bettencourt. Acculé par ces révélations tout autant que par ses mensonges, Eric Woerth avait fini par admettre que son épouse devait quitter ses fonctions. Or, Florence Woerth vient de saisir les prud'hommes de Nanterre pour faire requalifier sa démission en un licenciement abusif "sans cause réelle et sérieuse". Elle réclame aujourd'hui à son ancien employeur plus de 1 million d'euros de dommages et intérêts, dont 529 000 € pour "rupture abusive". L'audience de conciliation avec son ancien employeur ayant échoué, les prud'hommes se pencheront sur son cas en mars 2013. Pour le million, il faudra encore patienter.

ERIC WOERTH N'EST PAS SORTI D'AFFAIRE

Les juges d'instruction de Bordeaux, où l'ensemble des volets de l'affaire Woerth-Bettencourt a désormais été dépaysé, travaillent d'arrache-pied. Début février, ils ont d'abord mené une perquisition au domicile d'Eric Woerth. L'ancien ministre du Budget, en effet, est toujours impliqué à double titre dans cette affaire tentaculaire. D'abord dans le volet "trafic d'influence" du dossier, pour avoir remis la Légion d'honneur à Patrice de Maistre, alors employeur de sa femme au sein de la structure financière qui gère les actifs de Liliane Bettencourt et, à ce titre, informé de l'évasion fiscale de la milliardaire. Ensuite, à propos d'un éventuel financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, dont il était le trésorier. L'ancienne comptable des époux Bettencourt Claire Thibout a en effet affirmé à plusieurs reprises devant les policiers et les juges avoir remis en janvier 2007 une enveloppe contenant 150 000 € en espèces au même Patrice de Maistre pour qu'il la transmette à Eric Woerth. L'été dernier, Marianne avait notamment publié un extrait de l'agenda de la comptable dans lequel ce rendez-vous, en présence de Liliane Bettencourt, était dûment noté. Le 10 février 2011, ces mêmes juges d'instruction ont demandé aux policiers de la brigade financière d'interroger l'ancien conseiller pour la justice de Nicolas Sarkozy, Patrick Ouart, cité dans les enregistrements clandestins que le majordome a effectués au domicile de Liliane Bettencourt. Début mars, sous la conduite des magistrats instructeurs bordelais Jean-Michel Gentil, Cécile Ramonatxo et Valérie Noël, la brigade financière a fouillé les deux résidences, à Paris et en province, de Renaud Donnedieu de Vabres, ancien trésorier du Parti républicain et actuel conseiller municipal (UMP) de Tours. Après deux convocations infructueuses le 26 mai et le 6 juin, le juge bordelais Jean-Michel Gentil a déployé les grands moyens en se présentant à l'aube, chez Liliane Bettencourt, à Neuilly, accompagné de policiers et de cinq médecins experts pour vérifier son état de santé. Dans la foulée, ils auraient effectué des perquisitions chez son médecin traitant et dans une clinique... Or, c'est au moment où l'instruction accélère enfin que les avocats de Françoise et de Liliane Bettencourt veulent la stopper. Tout le dossier repose en effet sur les fameuses bandes pirates du majordome. Soucieux de pouvoir avancer, les juges d'instruction ont demandé à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux de dire s'ils pouvaient continuer à exploiter ces bandes. Oui, a fait savoir le parquet général. Or, les avocats de la mère et de la famille veulent désormais les faire annuler. Me Pascal Wilhelm et Me Bertrand Favereau, au nom de Liliane Bettencourt, ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en défendant l'idée que la liberté de la preuve en matière pénale trouvait sa limite dans l'obligation constitutionnelle de respect de la vie privée. De son côté, Me Olivier Metzner, pour sa cliente Françoise Bettencourt-Meyers, fait valoir que le procureur Courroye aurait diligenté une enquête préliminaire pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" avant même qu'une plainte ne soit déposée. Une erreur de procédure qui, si elle était avérée, pourrait conduire à l'annulation de toutes les procédures et à la fin - irréversible cette fois - de ce que l'on a appelé jusqu'alors... l'affaire Woerth-Bettencourt.


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