mardi 14 juin 2011

Les Bourses chinoises semblent perdre une partie de leur aura


Les Echos, no. 20952 - Marchés, mardi 14 juin 2011, p. 33

Les levées de fonds à Shanghai et Shenzhen suscitent des réactions mitigées. Le contexte économique pèse, mais les faiblesses structurelles de ces marchés se révèlent également.

Grande première en Chine. Nanning Baling Technology, une société qui produit des systèmes thermiques pour l'automobile, a abandonné son projet d'introduction en Bourse faute d'avoir su intéresser un nombre suffisant d'investisseurs. Le cas de Nanning Baling est évidemment spécifique : le timing de l'IPO n'était pas bon - en plein jour férié chinois -et les investisseurs semblent s'être méfiés de la trop forte dépendance de cette entreprise vis-à-vis d'un de ses fournisseurs.

Il n'empêche. Les Bourses de Chine continentale - Shanghai et Shenzhen -ne sont plus ce qu'elles étaient. Sur Chinext, la Bourse de Shenzhen, le rapport entre le bénéfice des sociétés et la valeur des titres (PER) est au plus bas depuis vingt-deux mois. Les IPO s'y font aujourd'hui, en moyenne, à un prix égal à 30 fois le résultat annuel, contre un rapport de 70 il y a douze mois. En mai, l'équivalent de 4 milliards de dollars ont été levés au cours des 27 introductions, soit une baisse de 40 % par rapport à l'année dernière. Et si l'on en croit « Money Week », sur les 184 sociétés qui se sont introduites depuis novembre 2010, 133 ont terminé leur première journée de cotation à un cours plus bas que celui du matin. La principale raison invoquée par les analystes est la poussée d'inflation en Chine, qui contraint la banque centrale à limiter l'accès au crédit. « Il y a actuellement un sentiment de flou autour de l'économie chinoise », résume ainsi Song Shaofeng, chez Great Wall Securities.

Mais l'économie n'explique pas tout. Réputées, jusqu'à récemment, pour les valorisations exceptionnelles qu'elles permettaient, les Bourses chinoises pâtissent de la trop grande proportion d'investisseurs particuliers qui y interviennent. Contrairement aux institutionnels, ces derniers ne gèrent que rarement leur portefeuille de façon rationnelle. C'est le point de vue de cet ex-employé en Chine d'une grande banque d'affaires américaine qui ne cache pas son inquiétude devant la Bourse de Shanghai, « qui fluctue au gré de l'ambiance et de la spéculation, et au mépris des fondamentaux économiques ». Celui-ci s'apprête à déconseiller à une entreprise chinoise de s'introduire à Shanghai, en dépit des montants substantiels qu'elle pourrait y obtenir. « En Chine, la Bourse convient à ceux qui aiment jouer au casino. Mais si vous voulez placer votre argent pour l'avenir de vos enfants, ce n'est pas la bonne option », estime-t-il.

Un recul de 73 %

La nouveauté est que ce constat semble peu à peu s'être imposé dans les esprits, depuis que l'indice composite de la Bourse de Shanghai a perdu 73 % de sa valeur après la crise financière. Au même moment, le marché immobilier ne cessait de grimper dans tout le pays, apparaissant comme le seul placement solide. Résultat, « le gâteau n'augmente plus vraiment, alors qu'il y a de plus en plus d'entreprises qui en veulent une part », estime Song Shaofeng. Au point que certains s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir la cotation, présentée comme imminente, de sociétés étrangères à Shanghai. Dans un système de vases communicants, il y a un risque de ruée vers ces sociétés, aux normes comptables plus solides, et d'effondrement consécutif des cours des entreprises chinoises.

GABRIEL GRESILLON

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