vendredi 24 juin 2011

Pékin soutient son partenaire commercial, mais s'inquiète en tant qu'investisseur

Le Monde - Economie, mercredi 22 juin 2011, p. 15

La crise de la dette publique en Europe - Le marasme grec illustre la défaillance du leadership européen. Une crise à l'échelle européenne aurait un impact sur la croissance chinoise

La Chine suit de près l'évolution de la situation de la Grèce et navigue entre soutien infaillible du partenaire et inquiétude de l'investisseur. La vice-ministre des affaires étrangères, Fu Ying, a expliqué, le 17 juin, qu'il est d'une « importance vitale » pour la deuxième économie mondiale que les Etats européens parviennent à surmonter leurs difficultés et à échapper à la crise.

Lors d'une visite à Athènes, en octobre 2010, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, faisait part de sa confiance en assurant que Pékin continuerait de financer la dette grecque. Il proposait aussi comme remède de doubler le volume des échanges commerciaux entre les deux pays en cinq ans et offrait une ligne de crédit de 5 milliards de dollars aux armateurs grecs afin qu'ils s'offrent des navires chinois. Le premier ministre grec, Georges Papandréou, proposait aux entreprises chinoises de faire de la Grèce leur « tremplin » d'accès à l'Europe. La visite en Hongrie, au Royaume-Uni et en Allemagne de Wen Jiabao, du 24 au 28 juin, devrait être l'occasion de réitérer le soutien chinois à l'économie grecque et à la zone euro.

Cela n'interdit pas à la Chine de s'enquérir, en investisseur rationnel et lucide, de la situation de l'Union européenne, son premier partenaire commercial. Dans un rapport sur la stabilité financière mondiale du 14 juin, la banque centrale chinoise constate : « La cause profonde qui a provoqué la crise de la dette souveraine n'a pas été résolue », en référence à l'endettement chronique des Etats européens qui ronge la confiance des marchés et menace de voir la crise grecque « se répandre et se détériorer ».

« Désir de diversification »

« Oui, le gouvernement chinois s'inquiète de l'évolution de la crise européenne », explique Zhang Ming, chercheur à l'Institut d'économie et de politique internationale de l'Académie chinoise des sciences sociales. Un affaiblissement de la demande européenne freinerait les exportations chinoises, donc la croissance et l'emploi. Selon lui, le yuan serait davantage sous pression en cas de dépréciation de l'euro face au dollar.

Surtout, il serait plus difficile pour la banque centrale de continuer la diversification de ses réserves de change. Toutes ces raisons poussent Pékin à ne pas abandonner l'Europe. « Toutefois, acheter des bons de la Grèce ou du Portugal devient risqué du fait de la possibilité de défaut. C'est pourquoi le gouvernement devrait envisager d'investir davantage dans le Fonds européen pour la stabilité ou dans le Fonds monétaire international, qui offrent de meilleures garanties », relève le professeur Zhang.

L'équation revient pour la Chine à évaluer la priorité entre sa volonté de diversifier le placement de ses réserves de change - 3 044 milliards de dollars (2 117 milliards d'euros) en mars, surtout en bons du Trésor américain - et son inquiétude envers la sûreté de la dette des différents Etats européens.

Hors Etats-Unis, « l'Europe est le seul marché assez profond pour absorber une part significative des 200 milliards de dollars de nouvelles réserves accumulées entre janvier et avril » relèvent les économistes de la banque Standard Chartered dans une note publiée lundi 20 juin. Ils estiment que la part de dette européenne détenue par la Chine augmente, d'autant que les rendements offerts en Europe sont meilleurs. La banque juge donc que « le désir de diversification de Pékin pourrait peser plus lourd que les questionnements sur les difficultés actuelles de l'Europe ».

Harold Thibault

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