Le Monde - Economie, mercredi 17 août 2011, p. 12
Pas un marché d'actions asiatique n'a été aussi rudement frappé par la tempête financière de ce mois-ci que celui de la Corée du Sud, où l'indice de référence a reculé de 16 % depuis le 1er août. Comme le pays continue de dépendre fortement des exportations, les craintes d'une nouvelle récession aux Etats-Unis trouvent donc un puissant écho. De même que celles d'une crise en Europe, car les Sud-Coréens ont copieusement emprunté auprès des banques européennes.
Si l'on ajoute à cela des spéculations à haut risque de la part des investisseurs locaux en actions, sans doute quelques mauvaises nouvelles venues d'Occident suffiraient-elles alors à déclencher une nouvelle dégringolade.
La Corée du Sud est en effet au-dessus de deux lignes de faille potentielles. Ses exportations représentent la moitié de son produit intérieur brut (PIB). Elles sont donc, proportionnellement, supérieures à celles du Japon ou de la Chine. Aussi la perspective d'une récession aux Etats-Unis constitue-t-elle une grave menace pour les grands groupes industriels sud-coréens comme Samsung et Hyundai Motor.
La crise financière en Europe ne fait qu'accentuer ces inquiétudes. En Corée du Sud, le ratio de la dette extérieure au PIB est l'un des plus élevés d'Asie, une dette qui, pour plus de la moitié, vient des banques européennes. Les deux cinquièmes de la dette arrivent à échéance dans deux ans. Or les pertes de ces banques dans leurs pays d'origine pourraient les contraindre à réduire les crédits à l'étranger, ce qui entraînerait une crise de liquidité.
Les conséquences pourraient être accentuées par les manies des investisseurs. Beaucoup ont augmenté leur mise en achetant des actions avec des capitaux empruntés. Quand la dernière déroute a commencé, les investisseurs sud-coréens avaient acheté pour plus de 4,5 milliards de dollars d'actions (3,1 milliards d'euros) en utilisant des liquidités empruntées, soit plus que le pic d'avant la crise. Quand les cours baissent, ceux qui ont ce type de position doivent alors rembourser une partie de leur dette - ce qui peut les contraindre à liquider des actions et donc à accélérer la chute du marché.
Sur la ligne de fracture
Les investisseurs se sont aussi intéressés aux instruments dérivés. Le marché sud-coréen pour les dérivés sur actions (environ 19 milliards de dollars) est l'un des plus importants au monde. Une stratégie en vogue chez les particuliers est de vendre une option de vente à une banque, qui les oblige à acheter certains titres si leurs cours reculent en deçà d'un certain niveau. Pour couvrir ce coût, ils peuvent être contraints de céder d'autres actions par anticipation.
Séoul a déjà interdit les ventes à découvert, mais cela pourrait ne pas suffire à enrayer d'autres baisses vertigineuses. Si les conditions sur les marchés occidentaux empirent, la Corée du Sud est pile sur la ligne de fracture.
Wayne Arnold
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