mercredi 24 août 2011

Le diamant, nouvelle valeur refuge - Marc Roche

Le Monde - Economie, mercredi 24 août 2011, p. 16

Diamonds are a girl's best friend ", chantait Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes (1953). Ces jours-ci, les précieuses gemmes sont aussi les meilleures amies des investisseurs : ceux qui cherchent un placement refuge, anonyme à l'achat comme à la vente, inaltérable et concentrant le maximum de valeur dans le minimum de poids, y trouvent leur compte.

Ainsi, le prix moyen d'une pierre d'un carat F d'un blanc exceptionnel a grimpé de 38 % au cours des douze derniers mois, sous l'effet conjugué de la tourmente boursière, de la crise de la zone euro, de la chute du dollar et de la montée de l'inflation. L'essor de la plus dure de toutes les pierres précieuses a permis au numéro un mondial, De Beers, de doubler ses profits au cours des six premiers mois de 2011. Le groupe Gem Diamonds, qui se concentre sur le haut de gamme, a décuplé ses bénéfices au premier semestre. Autre signe de l'engouement pour les pierres, la compagnie Rapaport, spécialisée dans les instruments financiers liés au négoce des joyaux de carbone, envisage de créer un grand fonds d'investissement diamantaire.

L'univers secret s'ouvre

Comme tous les métaux, le diamant profite d'une flambée de la demande et d'une raréfaction de l'offre. Les ventes de pierres taillées explosent en Chine et en Inde. Parallèlement, l'effet de l'arrêt des nouveaux investissements au cours de la crise, en 2009, se fait aujourd'hui sentir. Les mines s'épuisent. De Beers estime qu'à la fin de 2012 ses exploitations du cône sud de l'Afrique produiront à pleine capacité.

Mais à l'inverse du cuivre, soumis à des forces similaires, le diamant, comme l'or, est désormais un placement spéculatif très populaire auprès des investisseurs en quête d'avoirs tangibles.

Cet enthousiasme s'explique aussi par l'ouverture d'un univers secret, sous l'effet conjugué de la lutte contre le blanchiment, les " diamants de sang " et les positions dominantes. De surcroît, de nos jours, les ventes par Internet court-circuitent les intermédiaires attitrés, négociants, grossistes, courtiers ou bijoutiers.

Preuve que les lignes bougent dans ce monde de traditions et de conventions : pour la première fois de son histoire plus que centenaire, la De Beers a choisi un directeur général français, l'industriel Philippe Mellier, dépourvu en outre de toute expérience du secteur minier.

La prudence est toutefois de rigueur, préviennent bon nombre de conseillers financiers. Il n'existe pas de cours du diamant, puisqu'il n'y a pas deux pierres semblables. Poids, pureté, taille et couleur déterminent un prix moyen très aléatoire. La revente est difficile. D'énormes commissions peuvent " avaler " la plus-value éventuelle. Dans le passé, la vogue du diamant brut d'investissement a disparu aussi vite qu'elle était venue.

Les épargnants déçus auront au moins la consolation de pouvoir faire monter leurs pierres en une magnifique parure...

Marc Roche (Londres, correspondant)

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