mercredi 24 août 2011

Les investisseurs poussent l'or vers les 2 000 dollars - Alain Faujas

Le Monde - Economie, mercredi 24 août 2011, p. 16

L'once d'or a battu un nouveau record à Hongkong, mardi 23 août, en atteignant le niveau de 1 915,50 dollars, en raison d'une forte nervosité des marchés financiers. " Avec une nouvelle salve d'indicateurs macroéconomiques aux Etats-Unis cette semaine, la menace d'indicateurs en berne sur les commandes de biens durables ou le produit intérieur brut devrait probablement peser sur l'humeur des investisseurs ", a commenté lundi 22 août James Moore, analyste chez Fast Markets cité par l'AFP.

Le cours de l'or a progressé de près de 50 % depuis le début de l'année sous l'effet des inquiétudes concernant les dettes publiques américaines et européennes, mais aussi des craintes d'une reprise de l'inflation et d'une défiance à l'égard des monnaies. Tout a été prétexte à se tourner vers l'or : le séisme et le tsunami japonais du 11 mars, les révolutions arabes menaçant l'approvisionnement en pétrole, la mollesse confirmée des économies occidentales, l'annonce d'un ralentissement en Chine ou encore la dégradation de la note de la dette américaine.

Il est significatif de constater que l'accélération du renchérissement de l'or s'est produite au moment où les investisseurs ont commencé à manifester une aversion au risque en se dégageant des marchés boursiers et des marchés des matières premières, à la fin du mois d'avril. Ils ont préféré la liquidité, malgré les bonnes prévisions de résultats des entreprises. A la recherche de placements sûrs pour ces liquidités, ils ont donc misé en priorité sur les métaux précieux et sur les bons du Trésor américain.

Au deuxième trimestre 2011, la demande d'or a atteint 919,8 tonnes (+ 17 %) pour une valeur de 44,5 milliards de dollars (30 milliards d'euros), selon le World Gold Council (WGC). Une fois de plus, les marchés indien et chinois ont été déterminants : ils ont représenté à eux deux 52 % des achats de lingots et de pièces et 55 % de la demande de la joaillerie en raison de l'enrichissement accéléré de leurs classes moyennes. De nouvelles clientèles font en effet leur apparition, particulières en Asie et notamment en Indonésie et au Vietnam, où les taux d'inflation frisent ou dépassent les 10 %.

Les banques centrales ont aussi redécouvert les vertus de l'or. Une partie des 403,3 tonnes qui avaient été vendues par le Fonds monétaire international (FMI) à partir de 2009 pour redresser ses comptes avaient été acquises par les banques centrales d'Inde, de Maurice et du Sri Lanka. Cette diversification de leurs réserves se poursuit et les banques centrales ont acheté, au deuxième trimestre, 69,4 tonnes du métal précieux.

La préférence des particuliers pour les placements en or a été considérablement favorisée par la création, depuis trois ans, de produits financiers gagés sur ce métal. Il ne s'agit plus d'acheter des lingots ou des pièces, mais des parts d'un stock physique dont un ETF (Exchange Traded Fund) assure l'achat, la vente et la conservation. D'abord créés à Londres et à New York, ces fonds adossés à de tels stocks ont essaimé en Asie, achetant de plus en plus de métal précieux. Selon le WGC, en juillet 2008, le lancement du premier fonds avait cumulé 10 milliards de dollars; fin juin 2011, la valorisation s'est élevée à 428 milliards de dollars.

Demande industrielle

La demande industrielle a, certes, ralenti avec l'activité et ne progresse plus que de 2 % en rythme annuel, mais de 28 % en valeur (à 5,7 milliards de dollars). Avec une demande de 83,8 tonnes, c'est le secteur électronique qui se taille la plus grande part, car la demande pour les smartphones, les tablettes et les ebooks ne se dément pas, malgré le coup de frein donné par la paralysie des entreprises japonaises du secteur après le séisme.

Seule la demande pour les usages dentaires poursuit son irrésistible recul avec une diminution de 12 % en rythme annuel, en raison de l'usage de plus en plus répandu de produits de substitution qui sont moins onéreux, comme l'alliage cobalt-chrome, la porcelaine ou les résines.

Alain Faujas

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