Marianne, no. 753 - Événement, samedi 24 septembre 2011, p. 14Il est dans tous les coups tordusHomme de l'ombre, indispensable à Nicolas Sarkozy et si proche de lui, certains suspectent le ministre de l'Intérieur d'être de tous les coups fourrés. Mais, à sept mois de la présidentielle, ne ferait-il pas un bon fusible ?Claude est le meilleur", aime répéter Nicolas Sarkozy. "Nous ne servons qu'un seul Etat, nous ne servons qu'un seul homme", professe Claude Guéant, le bon élève. Quiconque, en sa présence, ose s'en prendre au président se fait remettre à sa place avec un brin d'humour. "Vous n'êtes pas satisfait ? Eh bien, partez, car ce n'est pas le chef de l'Etat qui partira." Or, ces jours-ci, la rumeur commence à s'installer. Et si Claude Guéant était le prochain fusible de ce pouvoir hésitant, qui navigue entre l'aggravation de la crise et les mauvais sondages ? Au gré des multiples costumes que Nicolas Sarkozy lui a fait endosser, le superpréfet s'est fait un maximum d'ennemis. Et la brochette de ses adversaires est prestigieuse : François Fillon, Alain Minc, Brice Hortefeux... Tous trop heureux aujourd'hui de pourrir la réputation du chouchou du président.
Affaibli, cet été, par une lourde intervention cardiaque, obligé d'annuler cette semaine encore son audition à l'Assemblée et un dîner au Crif, après une visite médicale à l'hôpital du Val-de-Grâce, mal à l'aise dans le rôle à contre-emploi de challenger du Front national, mis en cause pour les liens secrets qu'il a entretenus avec les fameux "facilitateurs" d'affaires Ziad Takieddine, Robert Bourgi et Alexandre Djouhri, dont les frasques font la une des gazettes, Claude Guéant n'est pas au mieux de sa forme. L'homme qui était présenté à la une du Point, au début du quinquennat, comme "le plus puissant de France" pourrait connaître l'ingratitude du prince. "A sept mois de la présidentielle, confie un ami de Nicolas Sarkozy, le président peut sacrifier tout le monde."
Fadettes, affaire d'Etat
Le coup de grâce pourrait être donné par la fameuse "affaire des fadettes" (relevés téléphoniques) du journaliste du Monde Gérard Davet, en passe de devenir une affaire d'Etat. Qui a donné l'ordre, le samedi 17 juillet 2010 en début d'après-midi, d'enquêter sur cette fuite malheureuse d'un procès-verbal dans l'instruction de l'affaire Bettencourt ? Le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, et le grand manitou du renseignement français, Bernard Squarcini, sont tous deux convoqués par la justice, mi-octobre, pour une probable mise en examen. Face aux coups de boutoir d'une presse qui croit avoir trouvé son Watergate, c'est "courage, fuyons !" au sommet de l'Etat.
Ce dossier pourrait provoquer une terrible déflagration pour l'ensemble des services de l'Etat. "Des réquisitions auprès des opérateurs téléphoniques pour consulter des fadettes, confie un grand flic du ministère de l'Intérieur, il y en a eu des centaines." En l'absence d'une réglementation claire, tous les grands services de renseignements français ont usé et abusé de ce procédé. En effet, Matignon a tardé, par la voie d'une circulaire du directeur de cabinet de François Fillon datée d'octobre 2010, à préciser la procédure à suivre sur la consultation de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS). L'avis émis dès 2009 par la CNCIS, qui limitait le pouvoir des services de renseignements de réquisitionner les fadettes (lire l'article, p. 20), avait-il une valeur contraignante ? C'est le débat juridique délicat auquel est confrontée la juge d'instruction Sylvie Zimmermann.
Dans l'ombre de Pasqua
Bien maladroitement, Claude Guéant a renvoyé pour l'instant la patate chaude vers Brice Hortefeux. "Je n'étais pas ministre de l'Intérieur à l'époque", se justifie-t-il, provoquant la colère de l'ex-locataire de la Place Beauvau. "Je ne vais pas laisser passer cela", hurle Hortefeux, dont les amis distillent les petites phrases assassines. "Claude Guéant, tranche l'un d'entre eux, fait penser au lapin face aux phares de la voiture. L'actuel ministre de l'Intérieur est moins un homme-orchestre qu'un Petit Chose qui a découvert le pouvoir et ses tentations."
Que masque le fin sourire de Claude Guéant, toujours prêt à consoler les ego meurtris par les colères présidentielles ? Quels réseaux a-t-il développés à l'ombre de l'Elysée ? Pour quelles missions ? Quels coups tordus a-t-il manigancés ou couverts ? Pour comprendre le personnage, il faut s'attarder sur son passé, à l'ombre de Charles Pasqua. Car Claude Guéant a eu une vie avant de rencontrer Nicolas Sarkozy, en 2002, à 57 ans. Au conseil général des Hauts-de-Seine comme à la Place Beauvau, il a été formé à la rude école Pasqua. Lequel, en 2002, finit par souffler le nom de son fidèle collaborateur à un Nicolas Sarkozy en quête d'un directeur de cabinet à l'Intérieur.
Secrétaire général de l'assemblée des Hauts-de-Seine, fief de "môssieu Charles", où tous les élus de droite ont défrayé la chronique des affaires, Claude Guéant a été promu, en 1994, patron de la police. Ce sont les années où l'ancien vendeur de Ricard, devenu ministre d'Etat, consolide son formidable réseau d'influence au coeur de la République. Sur fond de rachats de casinos, de commissions sur les ventes d'armes et de réseaux africains. L'Angola et le Gabon font partie des tropismes du ministre d'Etat. Le nom de Pierre Falcone, l'homme clé du scandale de l'Angolagate, apparaît dans la nébuleuse de Charles Pasqua. Est-ce un hasard ? Lorsqu'il sera secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant fera tout pour sauver ce dernier des griffes de la justice.
"Claude est des nôtres", disait "môssieu Charles". Ainsi l'irréprochable préfet a appris à couvrir quelques très sérieux dérapages. C'est lui qui fut la cheville ouvrière, en 1995 et 1996, de l'enquête menée sur les auteurs des attentats intégristes. On le voit soutenir constamment le redoutable Roger Marion, autre homme de Pasqua et patron des services antiterroristes.
Dix ans plus tard, un livre de trois journalistes du Point, Place Beauvau, révèle que certaines arrestations opérées par Roger Marion avaient donné lieu à de véritables tortures. Directeur de cabinet de Sarkozy, Guéant déclenche une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) sur les accusations que contient le livre. Résultat : circulez, il n'y a rien à voir.
Claude Guéant n'est pas un ingrat. Aussi bien à l'Intérieur qu'à l'Elysée, il reçoit volontiers Daniel Léandri, l'homme de main de Pasqua chargé des dossiers sensibles (Corse, casinos...) qu'il utilise pour de discrètes missions. Sa fidélité à son ancien mentor sera totale en septembre 2004, lorsque le juge d'instruction Philippe Courroye convoque Charles Pasqua. Ce dernier n'est plus député européen et ne bénéficie plus d'aucune immunité. Sauve qui peut ! Sarkozy et Guéant demandent au procureur de Paris, Yves Bot, d'intervenir. Un coup de fil à Courroye : "Ce n'est pas opportun de convoquer Pasqua juste avant les sénatoriales, auxquelles il se présente. Attendez un peu... De toute façon, il ne sera pas élu." "Très bien, monsieur le Procureur, répond Courroye, mais je vous parie une bouteille de bon whisky qu'il sera sénateur dimanche." Pasqua est effectivement élu, donc hors de portée de tout contrôle judiciaire. Le lundi matin, le juge décroche son téléphone : "Monsieur le Procureur, je crois que vous me devez une bouteille."
C'est en 2005, année où Jacques Chirac refuse de nommer Claude Guéant à la tête de la prestigieuse Préfecture de police, que tout bascule. Pour lui, c'est un peu comme si on avait refusé à Richelieu le titre de cardinal. Comble de l'humiliation, on lui propose la présidence de Réseau ferré de France (RFF), un placard doré qu'il refuse. L'amertume est totale. Claude Guéant se trouve un bureau au conseil général des Hauts-de-Seine, auprès d'un Sarkozy devenu patron de l'UMP, et est même propulsé, avec l'appui de Cécilia, directeur de campagne du futur président en 2007.
Après sa nomination à l'Elysée, la machine Guéant s'emballe, sa boulimie n'a pas de limites, servie par sa capacité de travail et un emploi du temps millimétré. Tout en gardant la haute main sur le ministère de l'Intérieur (lire l'encadré, p. 17), Claude Guéant prétend contrôler les nominations, lors du déjeuner du lundi où ne sont conviés que quelques privilégiés, et cornaquer les maillons faibles du gouvernement (Rachida Dati ou Bernard Laporte, auquel il trouve un directeur de cabinet, son actuel conseiller spécial, Hugues Moutouh). On le voit aussi favoriser la carrière de jeunes conseillers ou de ministres comme Eric Woerth, à qui le secrétaire général de l'Elysée promettait un grand avenir, juste avant sa chute. "Autant de dossiers très nombreux, sans doute trop, pour un seul homme", constate un diplomate de ses amis.
Etranges visiteurs du soir...
Parallèlement, Claude Guéant se plonge avec délice dans les eaux troubles du renseignement, de la diplomatie, des gros contrats. Parmi les visiteurs du soir qui viennent voir discrètement Claude Guéant, se trouvent plusieurs cadors du renseignement : le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Erard Corbin de Mangoux, un ancien collaborateur de l'Elysée qui a travaillé comme directeur des services dans les Hauts-de-Seine ; Alain Chouet, ex-chef de la sécurité et du renseignement à la DGSE et récemment auteur d'un livre, Au coeur des services spéciaux (La Découverte) ; Philippe Caduc, patron de l'Adit, un organisme créé par Michel Rocard pour établir des passerelles entre le monde des affaires et celui du renseignement ; Alain Bauer, criminologue et ancien patron du Grand Orient. Que du beau linge...
Autant de contacts réguliers qui fournissent au grand vizir des notes ciblées et qui parfois lui permettent de mener, avec brio, des opérations délicates de libération d'otages. Le plus grand succès à mettre à l'actif de Claude Guéant est la libération de Clotilde Reiss, une étudiante détenue à Téhéran. Durant l'été 2009, Michel Rocard organisa, à la demande de Claude Guéant, une rencontre entre ce dernier et l'ambassadeur d'Iran, Seyed Mehdi Miraboutabeli. Au grand désespoir de Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique de Sarkozy avec lequel le chaouch de Sarkozy ne s'entend guère. Ces pourparlers furent suivis, à l'initiative de Guéant, par plusieurs missions à Damas, Dakar et Téhéran, qui aboutirent finalement à la libération de la jeune Française.
Chemin faisant vers l'Orient compliqué, Claude Guéant va épouser les logiques des services de renseignements français, qui sont au mieux avec les services secrets syriens, libyens et algériens. Pas de chance pour Claude Guéant et sa diplomatie parallèle, le printemps arabe devait mettre à mal ces points d'appui traditionnels de la France dans cette région du monde. Le 7 mars 2011, une réunion est organisée à l'Elysée, en présence de Nicolas Sarkozy, sur "les flux migratoires en Méditerranée". Alain Juppé, patron du Quai d'Orsay, et Claude Guéant, ministre de l'Intérieur depuis deux mois, sont présents. Ce dernier débute un exposé sur ce sujet d'actualité, depuis l'arrivée de migrants tunisiens sur les côtes italiennes. Très vite, le chef de l'Etat l'interrompt pour annoncer que l'armée française va intervenir en Libye. Guéant ne prendra plus la parole. Seuls Juppé et Sarkozy animent la réunion. Une page est tournée.
Ces dernières années, Claude Guéant va prendre l'habitude de recevoir quelques grands patrons français : ainsi Henri Proglio, PDG d'EDF, François Roussely, un ancien collaborateur de Pierre Joxe devenu banquier, Philippe Bohn, haut cadre d'EADS, ou encore Yazid Sabeg, responsable de la Compagnie des signaux, qu'il connaît depuis le début des années 90. Claude Guéant, qui réfute toute appartenance à une obédience maçonnique, compte pourtant beaucoup d'amis à la Grande Loge nationale française (GLNF), marquée à droite. Ainsi Yazid Sabeg reconnaît-il volontiers son appartenance à la GLNF. "Est-ce le cas, insiste-t-on, de beaucoup de proches de Guéant ?" Sabeg part d'un grand éclat de rire, mais il n'en dira pas plus.
Là où sans doute Claude Guéant a endossé un costume trop large pour lui, c'est quand il a commencé à monter des Meccano industriels avec ses propres réseaux. Ainsi va-t-il, en compagnie d'Henri Proglio et de Yazid Sabeg, imaginer la réorganisation de la filière nucléaire française. Etait-ce son rôle de chasser Anne Lauvergeon d'Areva et de pousser, d'ailleurs sans succès, son ami Sabeg à la tête du groupe ? Cette fois, le cardinal Guéant a manqué de doigté.
De douteux intermédiaires
Dans ces contacts avec le monde industriel, Claude Guéant met en avant la nécessité pour l'Elysée d'aider l'industrie française à conquérir de nouveaux marchés. Louable initiative ! Mais ce faisant, notre superpréfet va sortir du rôle normal d'un secrétaire général. Les intermédiaires à la réputation sulfureuse qu'il rencontre dans sa nouvelle vie ne sont pas les interlocuteurs normaux, attendus du plus proche collaborateur du chef de l'Etat. Robert Bourgi a raconté dans le Journal du dimanche son dur métier de porteur de valises entre l'Afrique et Paris ; Ziad Takieddine a été mis en examen récemment par le juge Renaud Van Ruymbeke ; enfin, Alexandre Djouhri est le héros au passé opaque du dernier livre de Pierre Péan, les Mallettes de la République. Avec de telles relations, Claude Guéant est soupçonné d'avoir franchi la ligne jaune.
Longtemps, Claude Guéant rencontrait ces hommes de l'ombre au bar discret d'un charmant petit hôtel rue d'Astorg, à deux pas de l'Elysée et de la Place Beauvau. Du moins quand il ne dînait pas au palace Le Bristol avec le président de la République et Alexandre Djouhri, comme il l'a reconnu lui-même !
Le plus fidèle de ces mauvais garçons est sans doute Robert Bourgi. Déçu par Villepin en 2005, "Bob la Limace" - le surnom de Bourgi à la DGSE - rejoint Guéant et Sarkozy avec armes et bagages. C'est ainsi que Guéant découvre le monde de la presse. Son nouvel ami Robert lui fait connaître un des grands rédacteurs en chef parisiens, qui possédait jusque-là, grâce à Bourgi, ses entrées chez Villepin. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy est présent et la discussion roule sur le financement des biens immobiliers de Villepin. Cela change notre superpréfet des chiffres sur la délinquance et des négociations avec les syndicats policiers.
Plus tard, lorsque Claude Guéant est installé à l'Elysée, l'ami Robert débarque dans une superbe Maserati qu'il laisse, warnings allumés, devant le perron. En 2008, le secrétaire général met tout son poids dans la balance pour évincer Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération, dont le feu président gabonais Omar Bongo ne veut plus. "J'ai en tête un ami très proche pour remplacer Bockel, explique à l'époque Sarkozy à Robert Bourgi, mais il ne connaît rien à l'Afrique, Alain Joyandet. Nous l'initierons, toi, Claude et moi." Et, effectivement, Claude Guéant et Alain Joyandet partiront ensemble à Libreville, très vite après la formation du nouveau gouvernement. A l'arrivée à Libreville, comme le racontent Christian Duplan et Bernard Pellegrin dans leur livre intitulé Claude Guéant, l'homme qui murmure à l'oreille de Sarkozy, l'homme de confiance du président français parle en tête à tête avec Bongo, Joyandet fait antichambre pendant une heure. De l'inédit !
A la recherche de nouveaux talents, Sarkozy et Guéant rencontrent, dès 2002, Ziad Takieddine, qui est bien introduit en Arabie saoudite. Ce Libanais entreprenant leur organise plusieurs voyages à Riyad et Djedda pour obtenir l'accord du prince Naief, ministre de l'Intérieur, seul capable d'entériner le dossier Miksa de défense des frontières. Hélas pour eux, cette tentative va se heurter au veto de Jacques Chirac. "Le contrat saoudien qui oppose M. Chirac et M. Sarkozy", titre le Monde à la une, évoquant le "dessaisissement" du ministre de l'Intérieur. La guerre d'intox n'est pas loin entre chiraquiens et sarkozystes, et le montage des vrais-faux listings Clearstream non plus.
Claude Guéant ira répétant que cette machination a été imaginée par le préfet Philippe Massoni et l'ex-patron des Renseignements généraux (RG) Yves Bertrand, les grands flics proches de Chirac. Ce qui ne l'empêche pas de rencontrer Bertrand plusieurs fois durant l'année 2006, comme en témoignent les agendas de ce dernier, saisis par la justice. Le Guéant secret est tout entier dans cette duplicité.
Enfin, les relations avec Alexandre Djouhri, alias "M. Alexandre", qu'il rencontre très régulièrement, ont fait l'objet de l'enquête de Pierre Péan. La plus grave accusation du journaliste porte sur une commission de 12 millions d'euros qu'EADS, sur ordre de l'Elysée, aurait été obligé de verser à ce proche d'Henri Proglio et de Yazid Sabeg, une autre relation de Claude Guéant. Pour l'instant, EADS a démenti, Claude Guéant aussi. Les tribunaux trancheront...
La mise en cause de Bourgi, de Djouhri et de Takieddine dans la presse et par la justice tombe bien mal. Claude Guéant est sommé de toute part de rendre des comptes sur ces relations opaques. Et il l'a fait, sans brio, dans un entretien avec les journalistes de Libération. Sur Bourgi, le ministre de l'Intérieur reste vague : "La rumeur disait qu'il existait des financements occultes, mais elle ne disait pas qui portait les valises." A propos de Takieddine, Claude Guéant est amnésique : "Pendant l'affaire des infirmières bulgares, il est arrivé à Takieddine de me téléphoner pour me donner des éléments d'ambiance." Sur Djouhri, il est particulièrement élogieux : "J'ai des relations amicales avec lui. C'est quelqu'un de très séduisant. Intéressant !" On reste, malgré tout, sur sa faim.
Claude Guéant s'est rêvé en Richelieu et il lui faut sans doute méditer le Testament politique du cardinal : "Ceux-là mêmes qui se sauveraient comme personnes privées se damnent comme personnes publiques." N.B.
Encadré(s) :
BIO EXPRESS
Janvier 1945 : naissance à Vimy (Pas-de-Calais).
1993 : directeur de cabinet adjoint de Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur.
1994 : directeur général de la police nationale (DGPN) au ministère de l'Intérieur.
2002 : directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur.
2007 : secrétaire général de l'Elysée.
2011 : ministre de l'Intérieur.
MINISTRE PERMANENT DE L'INTÉRIEUR
Frédéric Ploquin
"Claude Guéant, c'est celui qui sait faire. Il sait mettre en oeuvre les volontés de Sarkozy, les traduire en langage administratif. Cela a toujours été son avantage sur Brice Hortefeux : le savoir-faire, c'est lui qui le détient." Dans la bouche du préfet qui s'exprime, il s'agit d'un compliment. Dans la réalité, cela signifie que Claude Guéant n'a jamais vraiment quitté l'Intérieur depuis sa promotion comme secrétaire général de l'Elysée, en 2007. Et que tout ce qui touche de près ou de loin à ce que le député socialiste Jean-Jacques Urvoas appelle "les affaires du prince", de Liliane Bettencourt (L'Oréal) à Zyad Takieddine (porteur de valises), passe par son bureau.
Michèle Alliot-Marie l'a compris à ses dépens, cernée qu'elle était par des patrons de la police placés là par Claude Guéant et systématiquement doublée, lorsqu'elle était Place Beauvau, par ces hommes qui rendaient compte directement au Château. Le "vrai" ministre de l'Intérieur, celui qui validait les nominations, c'était lui. Il n'avait pas qu'un oeil sur la "maison", mais les deux. Et lorsque MAM s'est retrouvée avec la menace d'une forte agitation sociale dans la police, fin 2008, c'est Guéant qui a pris les choses en main.
Avec Hortefeux, c'était plus simple : l'ami de trente ans du président ne risquait pas de jouer perso. Aussitôt, Nicolas Sarkozy traverse la rue pour venir galvaniser quelques directeurs rassemblés Place Beauvau, avant de recevoir à l'Elysée, pour un déjeuner historique (et en compagnie de Claude Guéant), l'ensemble des leaders syndicaux de la police (le 21 avril 2010). Plusieurs fois, il a fallu cependant "recadrer" le ministre, par exemple lorsqu'il a annoncé un peu vite la disparition des Uteq (police de quartier) ou la fermeture de compagnies de CRS.
"Sa force, c'est sa longévité dans le milieu, il a fait et défait les carrières", observe un connaisseur. Claude Guéant a en effet un avantage sur tous les autres : il est dans la place depuis la fin des années 70. Détecté sous Giscard, mis en selle sous Pasqua et intronisé sous Sarkozy, il sait pouvoir traiter en confiance avec ceux qui comptent, du directeur général de la police (Frédéric Péchenard) à celui du renseignement intérieur (Bernard Squarcini) en passant par son complice et ami Michel Gaudin, préfet de police de Paris, et Erard Corbin de Mangoux, patron de la DGSE. En ligne directe avec eux, convaincu que personne ne le contredira, il peut remplir l'une de ses missions principales : protéger la "famille royale". Au risque de mélanger basse et haute police.
© 2011 Marianne. Tous droits réservés.
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