La Tribune (France), no. 4812 - Économie | International, mercredi 21 septembre 2011, p. 6
Les investissements des pays émergents sur le continent sont en pleine expansion grâce à une approche plus souple que celle des pays occidentaux.
Les gens savent que la Chine et l'Inde, entre autres, font partie du paysage économique africain, mais réalisent-ils l'ampleur du phénomène, notamment en tant que partenaires économiques? " La question, posée dans le rapport 2011 de l'OCDE sur les perspectives économiques en Afrique, souligne à quel point le paysage des affaires a changé dans la décennie 2000-2010. De l'Égypte à l'Afrique du Sud, en passant par la Mauritanie, le Congo, la Côte d'Ivoire ou le Nigeria, les pays émergents ont fait du Continent noir leur nouveau terrain de jeu - et d'affaires. En dix ans, le volume des échanges de l'Afrique avec ses partenaires émergents a doublé en valeur nominale, pour atteindre 37 % des échanges totaux. Pas de quoi damner le pion aux partenaires dits " traditionnels ", c'est-à-dire l'Union européenne et les États-Unis, mais le mouvement est en marche. Le quintet de tête est composé, sans surprise, par la Chine, suivie par l'Inde, la Corée du Sud, le Brésil et la Turquie. Pékin pèse même 38,5 % du commerce du continent avec les émergents (contre 7,1 % pour le Brésil et 14,1 % pour l'Inde), jusqu'à doubler en 2009 les États-Unis sur le commerce en volume. Pour Mario Pezzini, le directeur du Centre de développement de l'OCDE, l'apparition et la consolidation des émergents est un processus amené à s'intensifier dans les années à venir. " Le centre de gravité de l'économie mondiale s'est déplacé et la croissance est maintenant du côté des pays émergents. L'Afrique reflète cette tendance. Le marché potentiel est de près de milliard de personnes et c'est le continent le plus riche du monde en matières premières ", a-t-il rappelé mardi lors du onzième Forum pour le développement économique de l'Afrique, à Paris.
Secteur privé favorisé
D'où le développement d'inégalités sur le continent. Selon un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) publié fin 2010, l'Afrique du Nord reçoit depuis 2004 entre 30 % et 50 % de tous les investissements directs étrangers (IDE) d'Afrique. À la recherche de matières premières pour développer leurs propres économies, les pays émergents, comme les pays industrialisés, privilégient les investissements dans les pays riches en hydrocarbures ou en minéraux, comme l'Égypte, la Libye, la Mauritanie, mais aussi le Bostwana, le Gabon, le Nigeria, l'Afrique du Sud ou le Soudan. Dans ces pays, les émergents investissent aussi dans le tourisme, les télécommunications, la construction, l'automobile, ou encore l'électronique. Selon l'organisme de l'ONU et sur la base du ministère chinois du Commerce, 76 % des IDE chinois en Afrique en 2009 ont été à destination des pays riches en matières premières. Mais cette proportion atteint 85 % dans les pays membres de l'OCDE.
Ainsi, les émergents préfèrent injecter directement leurs fonds dans les activités de commerce et d'investissement, tandis que les partenaires traditionnels préfèrent octroyer des subventions aux budgets fédéraux des États, quitte à augmenter les risques de détournement. Cette manière de procéder, qui favorise l'essor du secteur privé à défaut d'enrayer la corruption, est appréciée par les Etats africains. Gilbert Ondongo, le ministre des Finances de la République du Congo, fustige " la lenteur " et le "manque de souplesse " des pays occidentaux. Et de citer les accords avec la Chine, la Corée du Sud et le Brésil sur la création d'une zone industrielle, d'infrastructures énergétiques.
Néanmoins, la prise de pouvoir des émergents en Afrique n'est pas pour demain. Les partenaires traditionnels représentent toujours 80 % des flux d'IDE sur le continent, et fournissent la plupart de l'aide publique au développement (APD). Selon l'OCDE, les deux groupes de pays sont en réalité complémentaires. "Alors que les partenaires traditionnels ont axé leur aide essentiellement sur les APD, la lutte contre la pauvreté, la santé, l'éduction et la gouvernance, les partenaires émergents, et pas seulement la Chine, s'attaquent de préférence aux lacunes des infrastructures ". Pas sûr que cette orientation infléchisse la dynamique.
Par Sylvain Rolland
PHOTO - A Niger MENA supporter celebrates after his team wins the African Cup of Nations 2012 qualifying match against South Africa, in Niamey, on September 4, 2011. Niger's MENA won 2-1 to South Africa's BAFANA.
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