Sud Ouest - Vendredi 9 septembre 2011, p. Périgueux-C1_5
35e ANNIVERSAIRE Mort le 9 septembre 1976, Mao avait marqué son pays
Que reste-t-il de cette empreinte ?
Ce 9 septembre est une date qui compte en Chine, et pourtant un jour sur lequel les autorités gardent profil bas. Le 9 septembre 1976 trépassait l'homme qui, depuis cinquante ans, tenait le pays d'une main de fer. Après lui avoir infligé deux révolutions, une guerre civile et une autre internationale (en Corée), une famine (le « Grand Bond en avant »), et des décennies de terreur. Mais Mao Tsé-toung avait aussi réunifié le pays, avait bouté hors de son sol le nippon, l'avait doté de routes et de chemins de fer, d'un système de santé, d'une école publique. Surtout, il lui avait rendu sa fierté et une image mondiale. Trente-cinq ans après, que reste-t-il de cet héritage ?
Côté urbanisme, le symbole le plus attaché à Mao est ce réseau de boyaux antinucléaires de centaines de kilomètres qu'il avait fait creuser sous chaque ville de 1969 à 1979. Aujourd'hui, dans le tunnel sombre et malodorant au coeur du vieux Pékin, il ne reste plus que quelques meubles pourris, de l'eau jusqu'aux chevilles, des rats... Témoignage de la vanité de ce projet pharaonique, né de la croyance que la Troisième Guerre mondiale aurait lieu sur sol chinois, contre l'URSS, et que la Chine la gagnerait...
Le poids de la censure
En surface, le Pékin moderne est l'antithèse de celui de Mao, bas et gris, fait de HLM ou cours carrées, avec pour seul bruit le chuintement des vélos des millions de prolétaires. À présent, Pékin est haut, avec ses tours de 20 étages, multicolore, et les klaxons de 4 millions de voitures vocifèrent.
Sur le dictateur, les jeunes sont partagés : la plupart ignorent même son nom. Pourtant, à 20 ans, certains expriment la nostalgie de l'ère maoïste : « À l'époque, dit ce chauffeur de taxi (dont le rétroviseur arbore une breloque du leader, pour se protéger des accidents), il n'y avait ni milliardaires ni corruption »... Ces admirateurs collectionnent les reliques : « Petit Livre rouge » (la bible du régime), mugs, posters et badges au profil écarlate du Grand Timonier.
Les vieux, eux, taisent les années de violence dont ils furent tour à tour bourreaux et victimes. Mais ils gardent la ferveur de l'époque, et son aspect « grandes vacances », avec un emploi peu stressé dans la « danwei » (unité de travail), bien loin de la frénésie de 2011. Par dizaines, ils se retrouvent le soir dans les parcs pour entonner les chants révolutionnaires de leurs 20 ans.
Avec la « danwei » ont disparu tous les bonbons du socialisme à la papa : le centre de vacances gratuit, le logis à 0,3 par mois, le panier alimentaire offert une fois par mois, l'école et l'hôpital gratuits. Seul le vélo demeure. Chaque Chinois en possède un ou deux, mais les néglige toujours plus au profit du bus ou de la voiture.
Dans les années Mao, un bon socialiste, passé 18 heures, n'avait rien à faire hors de chez lui. Mais aujourd'hui, le soir, la jeunesse est dans les bars et cafés jusque tard, ou bien pendue à son GSM. Avec les parents, désormais, on n'a plus rien à se dire.
Ce qui reste de plus fort de l'ère Mao est le moins visible : la censure, qui emploie des millions de mouchards sur Internet, dans les journaux, et reçoit des fortunes du régime pour préserver son monopole de la pensée sur les corps sociaux. Peut-être le plus « maoïste » des leaders depuis vingt ans, l'actuel président Hu Jintao a veillé jalousement à renforcer le Parti, et surtout son lien avec la paysannerie et l'armée. Sur les 39 généraux promus depuis 2004, 19 étaient des commissaires politiques de leurs régions militaires. En 2011 comme du temps de Mao, le pouvoir chinois reste au bout du fusil !
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