jeudi 29 septembre 2011

Quand le yuan supplantera le dollar et l'euro - Emmanuel Lechypre

L'Expansion, no. 767 - Prévisions Centre de prévision de L'Expansion (CPE) Monde, octobre 2011, p. 37

Face au dollar et à l'euro englués dans la crise, la suprématie monétaire mondiale de la Chine risque d'être plus rapide que prévu.

Comme dans un grand jeu de bascule transatlantique, les investisseurs internationaux s'étaient habitués, depuis la création de l'Euroland, en 1999, à arbitrer dans leurs portefeuilles tantôt en faveur du dollar, tantôt en faveur de l'euro, au gré des fluctuations de la croissance et des taux d'intérêt de part et d'autre de l'Atlantique. Cette époque est sans doute en train de s'achever, les deux grandes monnaies du monde étant aujourd'hui, et simultanément, les deux qui sont le plus en difficulté.

Le billet vert est fragilisé par l'ampleur des déficits publics américains, que Barack Obama risque de creuser avec son nouveau plan de relance de 445 milliards de dollars. Il va pâtir, dans la foulée, de l'explosion de la dette publique, et du gouffre du commerce extérieur et de la dégradation du bilan de la Réserve fédérale, plombé par le recyclage massif d'actifs douteux.

Si les grands équilibres de la zone euro font bien meilleure figure, la monnaie unique est affaiblie par le risque de défaut de paiements d'un ou de plusieurs pays de l'Union, et par les erreurs de conception de l'architecture monétaire européenne. Surtout, l'action trop timide, trop tardive et trop lente des gouvernements pour résoudre la crise grecque fait craindre que les pays incapables de maîtriser leurs dépenses publiques ne tombent l'un après l'autre, comme des dominos.

Le yuan, bientôt monnaie de référence ?

Finalement, comme le note Goldman Sachs, l'euro et le dollar ne respectent que deux des cinq caractéristiques attribuées à une monnaie de référence : être la devise d'un pays qui prête au reste du monde, qui est politiquement et juridiquement stable, qui a une dette publique faible, tout en faisant l'objet d'un large volume de transactions sur le marché des changes.

Selon cette grille de lecture, seuls le franc suisse (qui remplit les cinq critères) et le yen (qui répond à quatre sur cinq) sont les vraies monnaies refuges des années à venir. Mais ils pourraient être rejoints à moyen terme par... le yuan. Quand Pékin aura ouvert son marché des changes et comblé quelques vides institutionnels. Ce qui pourrait arriver plus tôt qu'on ne le croit.

Car la Chine aura bientôt intérêt à une réévaluation de sa monnaie. Celle-ci incitera les entreprises à devenir plus efficaces et plus productives pour rester compétitives à l'échelle mondiale, et ainsi créer plus de richesses pour financer le vieillissement de la population. En outre, un yuan plus fort réduira la facture des importations, ce qui sera un atout non négligeable pour lutter contre l'inflation, augmenter le pouvoir d'achat et permettre aux entreprises de s'équiper à meilleur compte en machines étrangères. La longue marche de la Chine vers la suprématie monétaire mondiale sera peut-être plus rapide qu'on ne le pense...

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