Le Monde.fr - Jeudi 6 octobre 2011
Pour Pékin, l'attribution du Nobel de la paix au dissident emprisonné Liu Xiaobo en 2010 est un prix qui ne passe pas. Les autorités chinoises ont répliqué en s'en prenant au... saumon norvégien. Un an après, les exportations sont en chute libre. Déplorant que le Nobel récompense un "criminel" et affirmant que cela allait "nuire" aux relations bilatérales, la Chine a manifesté son courroux en décrétant des contrôles vétérinaires renforcés sur le saumon norvégien. Des analyses si tatillonnes que le poisson frais finissait par pourrir dans les entrepôts, selon les professionnels.
"On s'attendait à une augmentation de 30 à 40 % de nos exportations vers la Chine cette année. Cela ne s'est pas produit", explique Christian Chramer, porte-parole du Centre des produits de la mer de Norvège. Une litote puisque les ventes de saumon frais norvégien vers la Chine continentale se sont écroulées de moitié sur les huit premiers mois de l'année. Signe qui ne trompe pas, la chute est particulièrement lourde au lendemain de la cérémonie Nobel en décembre 2010. Après plus de 1 000 tonnes ce mois-là, les exportations sont tombées à 315 tonnes en janvier, puis à 75 tonnes en février.
Pour contourner les obstacles, les pisciculteurs ont d'abord fait transiter leurs produits à destination de la Chine continentale via Hongkong. Mais cette porte s'est aussi refermée. Impuissant, le gouvernement norvégien a indiqué qu'il pourrait porter l'affaire devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
LE SAUMON ÉCOSSAIS PROFITE
En ciblant le saumon, la Chine s'en est prise à un produit emblématique du pays scandinave, une attaque indolore pour elle qui peut à la place se tourner vers le poisson écossais. Certains groupes cherchent d'ailleurs à compenser la chute de leurs exportations vers la Chine par une recrudescence des ventes de poisson venant de leurs élevages dans des pays tiers. Mais cela ne compense "pas totalement", affirme-t-on chez Marine Harvest, leader mondial du secteur avec des fermes aquacoles dans six pays. "La consommation chinoise de saumon augmente et ce sont les autres producteurs qui accroissent leurs ventes", souligne Joergen Christiansen, porte-parole du groupe qui élève un quart des saumons de l'Atlantique produits dans le monde.
PAS D'AUTRE IMPACT
Si le marché chinois est encore plutôt modeste par rapport à des pays comme la France et la Russie, il croît rapidement et devrait devenir à terme un débouché important. Hormis le poisson, les échanges économiques bilatéraux n'ont enregistré "aucun effet Nobel pour l'instant", selon une étude du Bureau central de statistiques (SSB) norvégien parue au début de septembre. Au premier semestre, les importations chinoises en provenance de Norvège ont augmenté de 16 %, notamment du fait du renchérissement des matières premières dont le pays nordique est riche, tandis que, dans l'autre sens, les exportations progressaient de 43 %.
La mauvaise humeur des Chinois est en revanche patente au niveau politique : Pékin a suspendu sine die des négociations en vue d'un accord de libre-échange avec Oslo et exclu tout contact diplomatique de haut niveau. Seule petite avancée, le ministre de l'énergie norvégien a pu participer le 22 septembre à une conférence internationale à Pékin aux côtés de hauts responsables chinois, un développement dans lequel les Norvégiens voudraient voir les prémices d'un dégel.
LEMONDE.FR avec AFP
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