Le Temps - International, jeudi 6 octobre 2011
La résolution présentée aux Nations unies s'est heurté aux vetos russe et chinois. L'opposition syrienne redoute la guerre civile.
Il a fallu cinq tentatives pour amener finalement une résolution devant le Conseil de sécurité des Nations unies mardi, en réplique à la répression du régime de Bachar el-Assad. Le texte, édulcoré, n'a pourtant pas passé la rampe. Les veto de la Russie et de la Chine ont réduit à néant des mois de négociations. L'inde, l'Afrique du Sud, le Brésil et le Liban se sont abstenus.
A Damas, Bouthaina Chaabane, conseillère politique du président Bachar el-Assad a évoqué «une journée historique, car la Russie et la Chine, en tant que nations, se sont placées aux côtés des peuples et contre les injustices».
«C'est un signal extrêmement négatif qui laisse la voie ouverte au régime syrien pour poursuivre son massacre», rétorque Radwan Ziadeh, directeur du bureau des affaires étrangères du Conseil national syrien (CNS). L'organisme, créé dimanche, réunit les principales composantes de l'opposition syrienne. L'activiste, en exil aux Etats-Unis, met en garde: le manque de pression de la communauté internationale risque d'amener les Syriens à se radicaliser et prendre les armes. «Après sept mois de répression, le peuple est en droit de se défendre. Le risque, c'est la guerre civile.»
La résolution, proposée par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Portugal et soutenue par les Etats-Unis, ne prévoyait pas d'imposer des sanctions dans l'immédiat. Elle condamnait les violations des droits de l'homme «graves» et «systématiques» commises en Syrie, ajoutant que, dans les trente jours, le Conseil de sécurité pourrait envisager l'adoption de «mesures ciblées» en vertu de l'article 41 de la Charte de Nations Unies. Lequel permet à l'ONU d'imposer des sanctions économiques et diplomatiques. Le texte appelait aussi les Etats à «restreindre» l'approvisionnement d'armes vers la Syrie.
«Je ne vois pas comment une résolution peut être plus faible, à moins de n'avoir plus aucune utilité», commente Andrea Bianchi, professeur de droit international à l'IHEID à Genève. Pour lui, cet échec clôt la voie de l'ONU.
Les réactions ne se sont pas fait attendre au sein de la communauté internationale. L'ambassadrice américaine de l'ONU a violemment condamné les veto chinois et russes, accusant ces pays de «préférer vendre des armes au régime syrien». Pour rappel, Moscou livre des armes à Damas et a investi dans la construction de bases militaires en Syrie depuis des décennies (LT du 1.9.11).
Rappelant les 2700 morts syriens recensés par l'ONU, l'ambassadeur de France a l'ONU, Gérard Araud, a quant à lui dénoncé «une expression de mépris pour les aspirations légitimes qui s'expriment courageusement en Syrie depuis cinq mois. C'est un rejet de ce formidable mouvement en faveur de la liberté et de la démocratie qu'est le Printemps arabe».
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont justifié leur position en invoquant le cas libyen. La résolution onusienne autorisant l'usage de la force pour protéger les civils en Libye a été, selon eux, détournée par l'OTAN pour amener à faire tomber le régime de Kadhafi. «Utiliser la responsabilité de protéger [ndlr: invoquée dans le cas libyen] de manière si sélective crée des dommages sur la perception du rôle de l'ONU et risque de décrédibiliser le Conseil de sécurité», décrypte Andrea Bianchi.
«Damas n'est pas exonéré pour autant, tempère Marwa Daoudy, chercheuse syrienne et professeur à l'Université d'Oxford et de Princeton. Ce sera à l'opposition interne de maintenir la mobilisation et d'appeler aux pressions diplomatiques bilatérales et régionales à l'encontre du régime afin que cesse la répression.»
Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a déjà annoncé des sanctions contre le régime syrien, selon l'agence de presse Anatolie. «La Turquie va jouer un rôle crucial, estime Marwa Daoudy. Mais les sanctions qui visent l'économie du pays, notamment le secteur pétrolier, sont contestables. Leurs effets se font sentir sur la population, déjà bien éprouvée, autant que le régime.»
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