Le Temps - Economie, mercredi 2 novembre 2011
Nous prenons en exemple une aide du Brésil en faveur du Portugal.
La crise que traverse l'Europe ne pourra se résoudre que par l'addition de deux facteurs: la prise de décision politique nécessaire à résoudre le problème de la dépense, et l'apport de financement afin de détendre le marché du crédit et d'investir pour soutenir la croissance. Si le premier de ces deux éléments est endogène, le second peut dépendre d'une aide extérieure. Mais alors quelles pourraient être ces aides et quelles en seraient les conséquences macroéconomiques? Afin d'illustrer nos propos, nous prenons en exemple une aide du Brésil en faveur du Portugal.
La première, très souvent citée, concerne l'achat d'obligations d'Etat par la banque centrale et permet de faciliter l'accès au financement. La seconde passe par des accords de commerce pour faciliter les exportations. Cette mesure a pour objectif de stimuler la demande externe (étrangère) afin de compenser la baisse de la demande interne, effet néfaste des plans d'austérité. Et enfin, une mesure qui dépend également du secteur privé consiste à augmenter les investissements directs étrangers. Cela permet de bénéficier d'investissements, avec leurs effets multiplicateurs sur la croissance, à un moment où les investissements domestiques se font plus rares.
Cette mesure impliquerait un achat massif d'obligations d'Etat portugaises par la Banque centrale du Brésil (BCB). De ce fait, cela faciliterait l'accès au marché du crédit pour le gouvernement de Lisbonne et améliorerait son taux d'emprunt. Ce mécanisme réduirait son coût de financement et lui permettrait de rééquilibrer ses finances dans un délai plus confortable. Les risques d'une telle opération demeurent plus importants pour le Brésil, car le Portugal deviendrait un débiteur non négligeable. De plus, un placement conséquent des réserves de change, à long terme, compliquerait la gestion par la BCB de sa liquidité disponible pour son économie et réduirait ses possibilités de lutte contre l'inflation. Enfin, si ses réserves en euros n'étaient pas suffisamment importantes, la BCB devrait changer du dollar US contre de l'euro. Une telle opération pourrait induire un risque de change.
La conclusion d'accords commerciaux entre Brasilia et Lisbonne apporterait une aide non négligeable à l'industrie d'exportation portugaise. Tant le développement de leur coopération, facilitant la vente et l'acheminement de marchandises (telles que du vin ou du ciment par exemple), ou encore la signature de contrats (comme l'achat de bateaux pour la marine brésilienne) apporteraient un soutien au PIB portugais. D'un point de vue macroéconomique, cette mesure contribuerait à rééquilibrer la balance commerciale portugaise, laquelle est chroniquement déficitaire depuis de nombreuses années.
Lisbonne doit donc retrouver l'équilibre entre sa politique de change (exportations - importations) et sa politique budgétaire (revenus de l'Etat - dépenses publiques), faute de quoi cela impliquerait un déséquilibre de la politique monétaire, l'épargne n'étant plus égale aux investissements.
On peut en déduire que, de 2001 à 2008, l'épargne était inférieure aux investissements alors que pour 2008 et 2009 il y a un surplus d'épargne.
Pour le Brésil, cette hypothèse induirait une augmentation de ses réserves de change en EUR. Cet effet le rendra donc plus dépendant de l'évolution de la devise européenne et par conséquent de la politique monétaire de la BCE.
Un autre moyen de soutien passerait par les investissements directs étrangers. Ceux-ci regroupent à la fois les investissements réalisés par le secteur privé et le secteur public. Leurs effets seraient dans un premier temps positifs pour le Portugal pour les raisons suivantes: s'ils s'opèrent sous forme de rachat d'infrastructures ou de capitaux existants, ces investissements engendreront une entrée de liquidités pour le vendeur, état ou entreprises, donc une réduction de l'endettement. Cependant, dans un deuxième temps, cela correspond à une baisse des revenus. En effet, si le Portugal revend des concessions d'infrastructure ou des parts de capital de sociétés, il n'en touchera plus les dividendes futurs. Nous revenons donc sur le point précédent et la nécessité de tendre vers l'équilibre entre la politique de change et la politique budgétaire. Cette nouvelle baisse de revenus doit se compenser par une baisse des dépenses ou une compensation entre les exportations et les importations.
Une autre forme d'investissements directs peut se faire sous la forme de construction de nouvelles infrastructures, par exemple une entreprise brésilienne qui établirait un site de production au Portugal. Ce phénomène induirait tous les effets positifs des investissements sur la croissance, notamment la création d'emplois. Toutefois, si la demande ne peut consommer la production de ces nouvelles capacités de production, la loi de l'offre et de la demande reprendra le dessus et impliquera un retour à l'équilibre.
Un soutien du Brésil en faveur du Portugal n'est pas hypothétique puisque, comme la Chine, le Brésil a déjà manifesté son intérêt. En revanche, les avantages de chacun divergent et il est donc très important de faire preuve d'une grande prudence dans la pondération des différentes possibilités évoquées. Le cas échéant, le risque serait de produire des effets néfastes qui appauvriraient le Portugal; auquel le Brésil aurait lié sa fortune ainsi qu'à l'évolution du change entre l'euro et le real.
Le Brésil n'est guère intéressé par un soutien en participant à l'EFSF. Celui-ci offre plus de sûreté pour le prêteur, mais il lui fait perdre l'avantage d'orienter son aide sur ses intérêts économiques. Quelle sera l'attitude de la Chine? La question reste ouverte.
Xavier Pannatier, Economiste d'entreprise ES, Financière Mermod SA, Lausanne
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