On a assez parlé, durant la longue aube de l'été olympique chinois, de la charge positive du chiffre « 8 ». Mais son successeur immédiat, le chiffre « 9 », a lui aussi sa portée symbolique, qui échappe moins que jamais aux dirigeants chinois. L'année qui s'ouvre est pour Pékin aussi riche en anniversaires qu'une classe d'écoliers. Il y a d'abord mars 1959 et le soulèvement tibétain. Puis juin 1989 et les tragiques événements de Tiananmen. Enfin, octobre 1949 et l'avènement de la République populaire.
2009, année sensible en Chine, donc. La première échéance sera printanière et tibétaine. Après la tribune offerte par les JO, ce cinquantième anniversaire de la fronde du 10 mars 1959 sera une autre grande occasion pour les activistes tibétains de faire entendre leur voix. Les dirigeants communistes le savent, et cela explique sans doute la virulence de leur réaction à l'égard de Nicolas Sarkozy lors de sa rencontre avec le dalaï-lama. Ils ont voulu signifier qu'ils ne toléreraient aucune fantaisie diplomatique. Un signal d'autant plus utile que les démocrates seront installés à la Maison-Blanche et qu'Obama reste une inconnue.
Le deuxième anniversaire, celui du bain de sang de la place Tiananmen du 4 juin 1989, est encore plus sensible. La période voit traditionnellement circuler des pétitions appelant à une démocratisation du système. Et aujourd'hui, les 250 millions d'internautes chinois qui tissent chaque jour la toile d'une société civile naissante offrent une caisse de résonance autrement plus sonore qu'il y a vingt ans. Là encore, Pékin vient d'adresser un signal clair. Les 300 signataires de la « Charte 08 » appelant à des réformes démocratiques, qui voulaient célébrer en décembre le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, sont depuis serrés de près par la police. L'un des plus connus parmi eux, le dissident Liu Xiaobo, a été placé en résidence surveillée. L'équipe au pouvoir profitera-t-elle des 20 ans de Tiananmen pour tourner cette page sombre ? Si des gestes sont possibles sur les dernières peines de prison, une relecture officielle des événements semble peu probable.
Viendra enfin l'automne et la commémoration des 60 ans de la République populaire de Chine, créée par Mao le 1er octobre 1949. Déjà, des internautes chinois se permettent de dire que la grande parade militaire sur la place Tiananmen ne dispensera pas d'une réflexion sur la voie à tracer pour les décennies qui viennent. Et ce d'autant que la Chine vient de fêter les 30 ans des réformes lancées par Deng Xiaoping en 1978. Il est peut-être temps, estiment certains, d'achever l'oeuvre révolutionnaire en donnant réellement le pouvoir au peuple, plutôt qu'aux millions de cadres locaux corrompus du parti...
Le président Hu Jintao est conscient de tout cela, et d'une donne compliquée par la contagion de la crise mondiale. Socialement, deux « masses » peuvent devenir critiques. Les millions de migrants jetés sur le pavé par l'enrouement des entreprises exportatrices qui retournent dans les provinces de l'intérieur, d'abord. Et cette classe moyenne, grande gagnante des années dorées de la croissance à deux chiffres, qui se trouve aujourd'hui fort désorientée par le plongeon de la Bourse de Shanghaï et la crise de l'immobilier. Politiquement, le clan conservateur, renforcé par les convulsions du capitalisme occidental, mène la vie dure à l'équipe en place.
La Chine doit se trouver un nouveau modèle de croissance, en jonglant toujours entre inventivité économique et verrouillage politique. Un jeu qui lui a pour le moment réussi, mais que les dirigeants communistes savent de plus en plus difficile à tenir. La phase lourde de transition économique entre socialisme planifié et capitalisme - même s'il reste particulier - est terminée, et les défis de demain imposent des recettes plus délicates.
ARNAUD DE LA GRANGE - Correspondant du « Figaro » à Pékin.
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