L'Amérique du Sud, terrain de chasse pour les hommes d'affaires chinois
IL Y A à peine plus d'une semaine, le sémillant Hugo Chavez était en Chine. Avec le sens de la nuance qu'on lui connaît, le président vénézuélien n'a pas hésité à enterrer l'hégémonie américaine, en déclarant que le « centre de gravité du monde s'est désormais déplacé à Pékin ». Moins exubérants de nature et soucieux de ne point trop fâcher Barack Obama, les dirigeants chinois ont répondu avec prudence à ces effusions, tout en réservant le meilleur accueil à celui qui dirige le premier pays producteur de pétrole d'Amérique du Sud.
Même dans ses rêves les plus fous de puissance montante et décomplexée, la Chine n'ambitionne pas de damer le pion à Washington dans son « arrière-cour ». Il n'empêche, si le tropisme africain de Pékin est connu depuis longtemps, le continent sud-américain s'affirme de plus en plus comme un terrain de jeu pour les diplomates et hommes d'affaires chinois. À la fin de l'année 2008, Pékin a d'ailleurs publié son premier livre blanc « éclairant ses objectifs envers l'Amérique latine et les Caraïbes ».
Le « grand frère » chinois
Il y a bien sûr les objectifs politiques, et notamment la compétition diplomatique avec Taïwan. Mais l'aspect économique est prégnant, avec la sécurisation d'approvisionnements en matières premières et l'accès à de nouveaux marchés. Le commerce entre la Chine et la région s'est élevé à plus 100 milliards de dollars l'an dernier, soit 100 fois plus qu'il y a trente ans. Et Pékin est désormais le troisième grand partenaire commercial de l'Amérique latine.
Il y a deux mois, le vice-président Xi Jinping a effectué une tournée de deux semaines en terres latino-américaines, avec des étapes stratégiques au Venezuela pétrolier, au Brésil, riche en fer, ainsi qu'au Mexique. Il a été fièrement annoncé que plus de soixante contrats et accords de coopération avaient été signés. Le président Hu Jintao avait lui-même effectué un voyage au Costa Rica, à Cuba et au Pérou en novembre 2008.
Les dirigeants chinois entendent profiter de la crise mondiale et des difficultés des pays occidentaux pour gagner du terrain dans les pays en développement, en se servant de leurs confortables finances. Ces dernières semaines, Pékin a ainsi doublé la mise pour un fonds de développement au Venezuela à hauteur de 12 milliards de dollars, a prêté 100 milliards de dollars à la compagnie nationale pétrolière du Brésil et a signé avec l'Argentine un accord d'échange de devises (swap) pour un montant de 10 milliards de dollars.
Sur deux tableaux
Après les attaques de Pékin contre la suprématie de la monnaie américaine, la presse chinoise a aussi fait grand cas de la proposition récemment faite par le président brésilien Lula à Hu Jintao, d'échanges commerciaux réalisés dorénavant en monnaie locale et non plus en dollars. Se fondant sur le statut de puissance émergente, la diplomatie chinoise sait continuer à jouer habilement sur les deux tableaux, un jour traitant d'égal à égal avec Barack Obama, le lendemain se posant en grand frère bienveillant des pays du Sud.
Arnaud de la Grange
PHOTO - 5e sommet des Amériques, 18 avril 2009 / Reuters
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