mercredi 8 avril 2009

La Chine joue les banquiers pour les pays producteurs de pétrole en difficulté

Les Echos, no. 20402 - Industrie, jeudi, 9 avril 2009, p. 19

La Chine multiplie les accords avec les pays producteurs de pétrole en quête de liquidité afin de diversifier son approvisionnement. Le pays va verser 4 milliards de dollars à un fonds d'investissement au Venezuela.

Pékin cherche à tirer parti de la nouvelle donne pétrolière. Depuis quelques mois, l'empire du Milieu multiplie les accords avec des pays producteurs en quête de liquidités afin de sécuriser ses réserves et de diversifier son approvisionnement. Dernier pays en date : le Venezuela. La Chine s'est engagée hier à verser 4 milliards de dollars (3 milliards d'euros) à un fonds d'investissement sino-vénézuélien destiné à financer des projets d'infrastructures. Pour le président du Venezuela, Hugo Chavez, le renforcement de la présence chinoise dans le secteur pétrolier fait figure de priorité. Le pays entend fournir 1 million de barils de pétrole par jour à la Chine en 2013 contre 380.000 l'an dernier. « Personne ne peut ignorer que le centre de gravité du monde s'est déplacé à Pékin », a déclaré hier le flamboyant président du Venezuela, lors d'une rencontre avec son homologue Hu Jintao.

Pour Pékin, ce resserrement des liens avec Caracas fait suite à la signature d'un accord pétrolier avec Moscou. En février, la Russie s'est engagée à livrer 300.000 barils par jour à la Chine pendant vingt ans en échange d'un prêt de 25 milliards de dollars aux groupes publics Rosneft et Transneft. Jusqu'à l'automne 2008, ces derniers n'avaient pas trouvé les conditions de crédit offertes par les Chinois satisfaisantes. Mais l'effondrement du prix du baril et l'ampleur de la crise économique ont changé la donne, forçant les pétroliers russes à recourir aux liquidités chinoises pour financer le développement de leurs nouveaux projets. Après avoir fait l'acsuidition de la plupart des actifs clefs de Ioukos en 2007, Rosneft est en effet endetté à hauteur de 19 milliards de dollars. « Avec 9 milliards de dollars de dettes arrivant à échéance cette année, Rosneft a d'autant plus besoin du prêt chinois que le gouvernement russe a le plus grand mal à financer ses entreprises les plus stratégiques », estime Thomas Grieder, analyste Asie-Pacifique au sein du cabinet IHS.

Réaction japonaise

La Chine a adopté une démarche similaire au Brésil. Fin février, ses deux géants, Sinopec et PetroChina, ont signé avec le groupe public Petrobras un protocole d'accord portant sur la fourniture de 100.000 barils à 160.000 barils de pétrole par jour en échange d'un prêt de l'ordre de 10 milliards de dollars. Pour le groupe brésilien, cet argent constitue une bouffée d'oxygène. Petrobras a lancé un énorme programme d'investissement de 174 milliards de dollars sur la période 2009-2013 afin de développer les gisements ultra-profonds situés au large des côtes de São Paulo. Ce programme aux allures de plan de relance peut difficilement être décalé alors que des élections sont prévues en 2010.

Dans ce contexte, Pékin, grâce aux recettes tirées de ses exportations, bénéficie d'un boulevard pour accroître son accès aux réserves mondiales de pétrole. Son offensive pousse d'ailleurs le Japon à réagir. L'Archipel, qui importe plus de 80 % de son pétrole du Moyen-Orient, a annoncé mardi qu'il allait investir 33,5 milliards de dollars au Venezuela dans le domaine du pétrole, du gaz naturel et de la pétrochimie. Les groupes Inpex et Mitsubishi ont signé des protocoles pour des projets d'exploration dans l'Orénoque, tandis que la compagnie nationale PDVSA recevait un prêt de 1,5 milliard de dollars.

EMMANUEL GRASLAND

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