lundi 18 mai 2009

Les raisons d'une embellie en Chine - Dominique Bari

l'Humanité - Économie Des clés pour comprendre, mardi, 12 mai 2009, p. 10

Avec un taux de croissance de 6,1 % au premier trimestre, Pékin semble cueillir les fruits de ses nouvelles orientations économiques.

En pleine crise internationale, la foire de Canton, traditionnel baromètre du commerce extérieur chinois (1), a reflété cette année les nouvelles grandes orientations économiques de la Chine. Pour la première fois depuis sa longue existence (cent cinq ans), acheteurs et entrepreneurs chinois (ces derniers initialement tournés vers l'exportation) y ont été autorisés à se rencontrer. Une mesure prise pour compenser la baisse des exportations chinoises et développer le marché intérieur, une des orientations phares définies par le plan de relance gouvernemental adopté en automne dernier pour faire face à la débâcle financière mondiale.

Signe des temps difficiles, le nombre total de participants étrangers a baissé de 5,2 % et ce sont surtout les acheteurs américains (15 %) et européens (30 %) qui ont fait défaut. La présence africaine était, elle, à la hausse, représentant (10 %) de la clientèle étrangère, mais la foire a aussi confirmé l'intégration asiatique de la province. La chute des exportations vers les États-Unis et l'Europe s'est accélérée ces derniers mois (30 % en moyenne depuis décembre) entraînant la fermeture de plusieurs dizaines de milliers d'usines, laissant des millions d'ouvriers précaires venus des campagnes sans emploi. Dans le même temps, les exportations vers les pays de l'ASEAN (2) ont cru de 4,5 %. Le développement des échanges commerciaux avec le Vietnam en est sans doute l'exemple le plus probant. En 2008, ils ont atteint 3,36 milliards de dollars, soit une hausse de 37 %. En 2007, ils avaient déjà fait un bond de 45 %.

En sens inverse, les importations asiatiques vers la Chine profitent de la reprise de la croissance qui y est constatée ces dernières semaines, tirée par les dépenses publiques et le crédit. Au premier trimestre, l'économie chinoise a progressé de 6,1 %, selon les statistiques officielles. De nombreux indicateurs avancés confirment cette embellie : les productions de biens intermédiaires et l'investissement en construction sont repartis (+ 70 % en un an en mars 2009 avec les programmes d'infrastructures publiques), d'où un redémarrage du PIB qui avait stagné au quatrième trimestre 2008. La quantité d'électricité utilisée en mars s'est accrue de 13,8 % à Shanghai et de 26 % dans le Guangdong.

Certains observateurs estiment qu'on ne peut pas à proprement parler de crise en Chine mais qu'il y a eu ralentissement de l'activité économique, en train d'être jugulé. « Le rôle de l'État a été déterminant. Deux mois après la mise en application du plan de relance de 460 milliards d'euros, on en a vu les effets. Les entreprises publiques et collectives ont eu accès au crédit, et les investissements dans les grands projets d'infrastructure portent leurs fruits », estime un expatrié français de Shanghai.

Pour réussir son pari, Pékin sait qu'il doit parer au plus pressé, l'urgence sociale, tout en menant à bien une transformation en profondeur du pays pour corriger les déséquilibres gigantesques dus au modèle de croissance de ces dernières décennies. En assurant, dans ce plan de relance, un budget de 40 milliards d'euros pour la santé et de 15 milliards pour l'éducation, le gouvernement espère restaurer la confiance des Chinois et drainer leur épargne vers la consommation. Un projet accompagné par ailleurs, pour les ruraux, par des subventions sur les achats de produits électroménagers. Le gouvernement chinois parle aujourd'hui avec prudence de la reprise. Sera-t-elle durable ? Elle pourrait s'étendre dans ce cas au reste de l'Asie, compte tenu des liens commerciaux avec la Chine. En tout état de cause, la question se poserait de savoir si elle sera suffisante pour faire repartir l'économie mondiale.

(1) Elle s'est tenue durant trois semaines jusqu'au 7 mai.

(2) ASEAN. L'association des pays du Sud-Est asiatique.

Canton, Shanghai, envoyée spéciale.

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