Les autorités chinoises ont vivement réagi aux attaques du président Barack Obama sur leur politique de change. Les tensions s'exacerbent entre les deux pays sur les questions commerciales, alors que l'administration américaine s'est fixé comme objectif de doubler d'ici à cinq ans ses exportations.
Si la guerre n'est pas officiellement déclarée, cela y ressemble. Hier matin, les autorités chinoises ont vivement réagi aux attaques du président américain, Barack Obama, sur leur politique de change, en particulier sur la sous-évaluation du yuan. « Les accusations et pressions infondées ne vont pas aider à résoudre la question », a ainsi déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ma Zhaoxu. Quelques heures auparavant, s'adressant à un groupe de sénateurs démocrates, le président américain avait ouvert les hostilités en indiquant qu'il faut « être plus dur en qui concerne la mise en oeuvre des règles commerciales en vigueur » et « exercer une pression constante sur la Chine et sur d'autres pays afin qu'ils ouvrent leur marché de façon équitable ». « Le cours des monnaies et leur justesse constituent l'un des défis que nous devons relever au plan international pour faire en sorte que les prix de nos produits ne soient pas gonflés artificiellement et ceux des leurs baissés tout aussi artificiellement », a-t-il poursuivi. Mais, pour Pékin, le taux de change du yuan n'est pas en cause pour expliquer l'importance du déficit commercial américain et les autorités chinoises appelent la partie américaine à considérer la question « sous un jour clair et objectif ».
Equipe interministérielle
Le débat ne date pas d'aujourd'hui et Pékin a régulièrement opposé une fin de non-recevoir aux demandes américaines et européennes de réévaluer sa monnaie, qui ne présenterait pas que des avantages pour la Chine.
Dès lors, l'administration Obama va-t-elle accroître ses pressions sur Pékin et désigner, en avril prochain, lors de l'examen des politiques commerciales des principaux partenaires des Etats-Unis, la Chine comme un pays manipulant sa monnaie ? Barack Obama s'y est refusé à deux reprises et son prédécesseur, George W. Bush, ne l'a jamais fait. Au sein du Sénat, certains parlementaires plaident en ce sens.
En attendant, l'administration américaine va mettre en place une équipe interministérielle et lancer un plan afin d'améliorer la compétitivité du pays et de lutter contre les barrières douanières, a révélé, hier, le secrétaire au Commerce américain, Gary Locke. Ce groupe de travail, qui rendra des comptes directement au président et à son cabinet, réunira des membres des départements américains d'Etat, du Commerce et de l'Agriculture et le représentant spécial du commerce américain, Ron Kirk. Son but s'inscrit dans l'objectif du président, divulgué lors de son discours sur l'état de l'Union, le 28 janvier, de doubler les exportations américaines d'ici à cinq ans.
L'Asie, marché cible
« L'accès aux marchés étrangers sera crucial », a affirmé Gary Locke, indiquant que le gouvernement tenterait de faire tomber les barrières empêchant les entreprises américaines d'obtenir un accès « libre et juste » à ces marchés, tout en continuant à négocier des traités de libre-échange. La veille, Barack Obama avait ciblé l'Asie comme une zone de croissance potentielle de ces exportations. Une légère augmentation des ventes de produits américains dans cette région pourrait aboutir « à la création de centaines de milliers, voire de millions d'emplois » aux Etats-Unis, avait-il souligné.
RICHARD HIAULT
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Sur un air de guerre froide - Mireille Duteil et Caroline Puel (à Pékin)
Le Point, no. 1951 - Monde, jeudi, 4 février 2010, p. 44,45
Prétexte. A l'occasion de la vente d'armes à Taïwan, Pékin et Washington montrent leurs muscles.
Les Etats-Unis ne sont pas en déclin et ne vont pas laisser Pékin leur dicter leur politique. Tel est le message implicite envoyé lundi par l'administration américaine aux dirigeants chinois. La « missive » a pris la forme de l'annonce d'un formidable contrat d'armes de 6,4 milliards de dollars à destination de Taïwan, l'île rebelle aux yeux de Pékin. Dans le lot : des missiles antimissiles Patriot, des navires chasseurs de mines sous-marines et des hélicoptères Black Hawk.
La réaction chinoise est à la mesure de l'annonce américaine : elle n'a jamais été aussi violente. Pékin a rompu son dialogue militaire avec les Etats-Unis et menacé de sanctions des entreprises américaines telles que Boeing. La raison ? Pour la première fois, la Chine se sent en position de force. Elle sait pertinemment que les Etats-Unis ont besoin d'elle. Pékin possède d'énormes liquidités et demeure l'un de ses plus gros prêteurs. Sur la scène internationale, Washington a aussi besoin de la Chine pour peser sur l'Iran et la Corée, deux puissances régionales aux tentations nucléaires évidentes.
Ce face-à-face de titans peut-il aller loin ? Une certitude : leur mauvaise humeur respective se manifeste depuis plusieurs mois. Lors du voyage de Barack Obama en Chine, en novembre, malgré la liste interminable des projets de coopération entre les deux gouvernements, les tensions étaient déjà perceptibles entre les deux pays. Depuis, elles ont empiré. La première manifestation visible de ce bras de fer fut le sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique, durant lequel Américains et Chinois ne parvinrent pas à s'entendre. Washington a même accusé Pékin d'avoir humilié Barack Obama. Puis, le 21 janvier, les Américains semblaient vouloir marquer un point. Alors que la querelle entre le géant informatique Google et la Chine montait en puissance, Hillary Clinton soutenait l'entreprise américaine au nom de la liberté d'expression. Un discours vu à Pékin comme une nouvelle croisade aux accents de guerre froide.
L'annonce des ventes d'armes à Taïwan par le Pentagone est donc, pour Pékin, la cerise sur un gâteau empoisonné. Elle a été faite - est-ce un hasard ? - le jour même où la secrétaire d'Etat Hillary Clinton s'en prenait aux dirigeants chinois, qui refusent de durcir leur position contre l'Iran. Téhéran est un fournisseur non négligeable de pétrole et de gaz pour l'ex-empire du Milieu, toujours à la recherche de matières premières. Alors que les Etats-Unis voudraient durcir les sanctions vis-à-vis de l'Iran, l'attitude de la Chine au Conseil de sécurité (abstention ou veto) sera un bon baromètre des futures relations sino-américaines.
La presse chinoise évoque un débat sur le dossier américain au sein des responsables politiques. Des articles condamnent les ventes d'armes à Taïwan, mais d'autres notent que ce contrat a été négocié entre l'administration Bush et l'ex-président taïwanais. Les deux capitales se testent sans rien commettre d'irréparable. Car jamais leurs deux économies n'ont été aussi imbriquées !
La lune : trop chère !
Signe des temps : les Etats-Unis renoncent à la Lune au moment même où la Chine projette d'y poser le pied. Présentant lundi les grandes lignes du budget 2011, Barack Obama a annoncé l'abandon du programme Constellation, qui prévoyait le retour de vols habités vers la Lune et la conquête de Mars : trop cher ! Lancé par George Bush en 2004, Constellation a déjà coûté près de 10 milliards de dollars et la facture finale aurait atteint 100 milliards. Il sera remplacé par un projet moins ambitieux et moins coûteux, axé sur la desserte de la Station spatiale internationale (ISS). Le budget fait en revanche la part belle à la défense, à la sécurité intérieure et à l'aide aux PME, afin de favoriser l'emploi.
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