Par Hervé Nathan; Emmanuel Lévy; Effy Tselikas à Athènes; Pascal Giberné à New York
Ils ont pris notre argent, ils ont ruiné l'économie, aujourd'hui ils s'attaquent aux Etats qui les ont sauvés de la déroute... Mais qui sont ces prédateurs qui continuent d'agir en toute impunité ? Enquête.
Un spectre, une ombre, un fantôme, hante les places financières européennes. Il s'appelle George Soros. En 1992, ce financier américain de " génie " avait provoqué la dévaluation de la livre sterling et l'explosion du système monétaire européen, ancêtre de l'euro. Il avait alors empoché, disait-on, 1,1 milliard de dollars de bénéfices. Dix-huit ans plus tard, les descendants de ce milliardaire octogénaire d'origine hongroise, inventeur des hedge funds dans les années 70, se portent à merveille. La crise, quelle crise ? Non seulement ils se sont multipliés, non seulement ils s'enrichissent comme jamais, mais ils agissent à visage découvert. Impunité. On les trouve à Wall Street, à Londres, à Paris. Ils peuplent les banques d'affaires, les fonds d'investissement spéculatifs et les agences de notation. Depuis quatre mois, ils ont trouvé un nouvel os, la dette - abyssale - de l'Etat grec. Sur les écrans des salles de marché, les obligations de l'Etat hellène sont bradées, les banquiers les achètent à 85 % de leur valeur, en attendant pis dans les semaines à venir. La méfiance s'étend à l'Espagne, au Portugal, à l'Irlande, pays que ces nouveaux prédateurs de la finance traitent comme les moutons noirs de l'Europe. Leurs dettes sont des " fardeaux ", leurs obligations sont " pourries " et le doute s'insinue partout. Pis, comme la livre sterling autrefois, l'euro serait lui-même menacé. Ne commence-t-il pas à baisser dangereusement par rapport au dollar ?
Le loup dans la bergerie
L'objet du délit, la fameuse dette grecque, pèse pourtant peu de chose : environ 330 milliards d'euros, en tout, alors que la France, à elle seule, emprunte 188 milliards chaque année. Une broutille si on la compare aux milliers de milliards de dollars que les Etats ont mobilisés pour sauver de la déroute ceux qui, aujourd'hui, banques d'affaires, fonds spéculatifs, agences de notation, les attaquent frontalement. D'ailleurs, la Grèce n'a pas toujours rebuté les financiers. Au contraire. Pour la plus grande banque mondiale, Goldman Sachs, ce berceau de la démocratie fut même une véritable vache à lait. L'histoire débute en 2001, lorsque l'avion de Gary Cohn, le président de la banque, est accueilli par des officiels grecs à l'aéroport Elefthérios Venizélos. Gary Cohn est attendu comme le Messie, car les Grecs ont un problème : ils ne parviennent pas à respecter les critères de Maastricht (un déficit public inférieur à 3 % du PIB et une dette publique ne dépassant pas 60 % du PIB), alors que, depuis deux ans, ils participent à la monnaie unique. Aussi, pour renflouer les milliards de dettes accumulés par son système de santé, Costas Simitis, le Premier ministre de l'époque, décide de faire entrer le loup dans la bergerie.
Après avoir quantifié la " viabilité " de l'administration grecque, son crédit et la valeur de ses réserves, la banque d'investissement new-yorkaise réussit à corrompre le gouvernement grec, en lui affirmant que, désormais, il peut dépenser plus que ce qu'il possède. Comment ? Simple : Goldman Sachs va financer ses dépenses futures. " Ces banquiers ont dit au gouvernement grec qu'ils pouvaient vendre à des investisseurs l'espoir de futurs revenus, en jargon financier des futures qui seront engendrés par les taxes d'aéroport et la loterie nationale, explique à Marianne un financier de Wall Street. C'est un produit parfaitement légal que Goldman Sachs vend dans le monde entier. "
Goldman Sachs cautionne
Bingo ! La Grèce a ainsi pu contracter un crédit de 1 milliard de dollars grâce à Goldman Sachs, hors comptabilité européenne. La banque, elle, a empoché une commission de 300 millions de dollars sans jamais débourser le moindre centime. Le début des ennuis pour Athènes. A cette époque, et malgré les doutes sur la sincérité des comptes publics grecs, l'agence de notation Moody's rassure les investisseurs en délivrant une note A - la meilleure - à la dette grecque. Traduction : l'opération montée par Goldman Sachs est sans risque. Athènes, quoi qu'il arrive, remboursera ses emprunts. Dès lors, pourquoi ne pas recommencer année après année ? La dernière émission de ce type est lancée en 2008, sous le joli nom de Titlos. Valeur : 5,7 milliards de dollars. Pas besoin de se cacher pour monter une telle opération : " Tout s'est fait au grand jour. On en a même fait un des arguments de la campagne électorale de l'année 2004 ", plaisante Ciaran O'Hagan, spécialiste des dettes publiques à la Société générale. Car on peut reprocher aux Grecs d'avoir grandement minoré les chiffres officiels de la dette publique, mais pas de l'avoir cachée. Chaque année, la banque centrale de Grèce transmet un rapport à Francfort, dont Bruxelles a le double, qui présente la réalité du déficit public. Lorsque, en novembre 2009, à peine élu, le Premier ministre socialiste Georges Papandréou affiche enfin la vérité en " avouant " un déficit public non pas de 6 % mais de 12,7 %, et une dette publique à 125 % du PIB, personne dans les milieux financiers n'est surpris. Mais les agences de notation qui, jusqu'alors, ne trouvaient rien à redire, décident subitement de dégrader la note du pays. Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de l'agence Fitch, s'explique, embarrassé : " La Grèce n'a jamais véritablement respecté le pacte de stabilité économique européen. En même temps, c'est une économie où il y a beaucoup de choses pas tout à fait normales pour une économie moderne. " Pour les spéculateurs, ces anomalies ne sont pas un problème ; elles vont même leur permettre de gagner beaucoup d'argent.
A commencer par Goldman Sachs. Hier, la banque américaine aidait la Grèce en lui permettant de se surendetter plus que de raison ; aujourd'hui, elle lui fait payer la note au prix fort. Selon plusieurs traders new-yorkais contactés par Marianne, Goldman Sachs aurait joué sur les deux tableaux : " Les représentants de Goldman Sachs ont dû aller voir une société comme AIG, explique un trader, pour leur demander d'émettre des CDS, credit default swap, qui leur garantissaient de toucher de l'argent quand la Grèce se retrouverait en risque de défaut de paiement sur les titres créés par Goldman Sachs ", explique l'un d'entre eux.
Moralité, connaît pas
Une fois le dispositif en place, la banque d'investissement a patiemment attendu. Lorsque Athènes a dû admettre ses difficultés, ces CDS sur les obligations grecques ont pris de la valeur. CQFD ! " Je suis persuadé que Goldman Sachs a dû déjà empocher entre 1 et 3 milliards de dollars sur ce coup-là, poursuit notre expert. Les 300 millions de dollars de 2001, c'était juste un amuse-bouche. " Pourtant, à Wall Street, personne ne semble disposé à mettre Goldman Sachs sur le banc des accusés. " Il n'y a pas de loi contre la cupidité. L'objectif de Goldman Sachs est de faire de l'argent. Ils n'ont pas à se soucier de ce qui va arriver aux citoyens grecs. La moralité n'a pas sa place dans ce milieu. Si vous êtes suffisamment stupide pour écouter les sirènes d'une banque comme Goldman Sachs, alors c'est votre faute si vous perdez de l'argent. Il n'y a pas non plus de loi contre l'exploitation de la connerie des gens ", explique Amit Sarkar, un ancien trader de Citigroup, qui dirige aujourd'hui un fonds d'investissement. Une analyse qui a le don d'énerver un banquier parisien concurrent : " Depuis des semaines, Goldman Sachs joue la dette grecque à la baisse. C'est scandaleux. Elle est clairement initiée, puisqu'elle est depuis longtemps la banque conseil du gouvernement. Elle connaît autant, sinon mieux, que le nouveau gouvernement lui-même la réalité de la situation financière du pays. Et elle ne se prive d'aucune arme. Même les fausses rumeurs. Elle est par exemple à l'origine de celle qui prétend que l'Etat grec est tellement aux abois qu'il est allé mendier 25 milliards d'euros à la Chine. "
Pourquoi Goldman Sachs se gênerait-elle lorsqu'on sait que son homologue américaine JP Morgan, avec l'aide de la banque allemande Hypo-Vereinsbank, vient d'être prise la main dans le sac par le syndicat des fonctionnaires grecs Adedy. Selon ce syndicat, JP Morgan a réussi à souscrire pour 280 millions d'euros d'obligations grecques, aussitôt revendues le même jour avec un gain de 15 % à un fonds de retraite... grec. Le même genre d'affaire concernerait, pour 130 millions, la banque Calyon, filiale d'affaires du Crédit agricole...
En vérité, ce sont les banques d'affaires qui ont entraîné les hedge funds dans ce système de prédation. Quoi de plus naturel, puisqu'ils gravitent autour du même soleil (lire l'interview de Michel Aglietta, p. 26), l'argent ? John Paulson, manager d'un des plus puissants fonds de la planète, a ainsi été aperçu en Grèce par le Financial Times, la semaine dernière, et serait soupçonné d'avoir été l'un des plus actifs dans l'achat de CDS sur la dette grecque. John Paulson maîtrise ces produits financiers sur le bout des doigts : c'est grâce à eux qu'il a empoché l'an passé près de 3,5 milliards de dollars ! Propriétaire de quelque 2 millions d'actions de Goldman Sachs, il est évidemment réputé être cul et chemise avec cette banque...
De l'huile sur le feu
Mais c'est à Londres, dans le très chic quartier de Mayfair, qu'on trouve la plus grosse concentration de hedge funds. Entre Oxford Street, Park Lane et Picadilly, ces requins de la finance sont en permanence à l'affût. Depuis les émeutes de décembre 2008, qui avaient fait un mort, ils avaient un oeil sur Athènes. Ils savent que c'est un petit pays, endetté. Or, dette + fragilité sociale = cible idéale. D'autant qu'ils sont confortés par les idiots utiles de l'Europe qui s'évertuent à mettre de l'huile sur le feu avec une inconscience qui frise la bêtise. Le 6 janvier dernier, l'Allemand Jürgen Stark, membre du directoire de la Banque centrale européenne, affirme dans un journal italien : " Les marchés se font des illusions s'ils pensent qu'à un certain stade les autres Etats membres mettront la main au porte-monnaie pour sauver la Grèce. " Autant dire aux spéculateurs : " Foncez, il y a de l'argent à gagner. " Le 3 février, le commissaire européen à l'Economie, Joaquin Almunia, fait mieux : " Certains membres de la zone euro [...] partagent les mêmes problèmes " que la Grèce. Cette fois-ci, les emprunts espagnols, irlandais, italiens sont attaqués. En annonçant en une, le 28 janvier, que la Chine aurait refusé de souscrire pour 25 milliards d'euros d'emprunts grecs (information démentie), le Financial Times, journal officiel des marchés, a lui aussi attisé l'incendie.
Résumons : les fonds spéculatifs vendent à découvert les dettes grecque, portugaise et espagnole, pariant sur une baisse continue du cours des obligations. En même temps, ils acquièrent des CDS, qui servent à se " couvrir " d'un possible défaut de remboursement. Plus le prix du CDS est élevé, plus l'obligation baisse. Les fonds activistes comptent sur un effet boule de neige pour provoquer l'effondrement de la dette. Un système où, a priori, on gagne à tous les coups. Adeptes de la discrétion, les managers de ces fonds ne répondent à aucune question depuis qu'ils sont sur la sellette. Impossible, par exemple, de joindre North Asset Management qui a pourtant prêté la main à JP Morgan. Seul Hugh Hendry, du fonds Eclectica, a osé se présenter à un débat télévisé de la BBC. Au prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz qui lui reprochait de spéculer avec le seul but d'amasser de l'argent, il a répondu, plein de morgue : " Nous allons gagner des millions de livres, c'est vrai. Et alors ? " Pourquoi se gêner puisque tout ça est légal et que, malgré leurs promesses, les Etats n'ont rien fait pour réglementer le monde de la finance ?
" Même sans eux, Athènes aurait connu des problèmes avec sa dette, tempère un banquier basé à Londres. Mais le choc aurait sans doute eu lieu au mois de mai et non pas en février. Surtout, les conditions de financement auraient été bien plus favorables qu'elles ne le sont aujourd'hui. L'Etat grec va donc perdre beaucoup par leur faute. " Car le problème de Georges Papandréou est bien là : en présentant la Grèce comme un pays bien plus risqué que le Maroc ou le Vietnam, les spéculateurs ont réussi à doubler ou presque les taux d'intérêt qu'Athènes doit servir pour emprunter à dix ans. En janvier, Athènes a " levé " 8 milliards d'euros à 5,6 % (contre 3,5 % pour l'Allemagne). La prochaine adjudication, en mars ou avril, pourrait être plus lourde : au-delà de 7 %, promettent déjà les analystes. Le gouvernement, qui doit lever 53 milliards d'euros cette année, vit désormais sous la coupe des marchés, bien avant de subir la tutelle tatillonne de Bruxelles. Il doit afficher une politique de rigueur alors que, le 6 octobre 2009, il promettait de " remettre la Grèce debout. Redonner sa dignité au peuple grec. Tout faire pour faire revivre l'économie et arriver à une redistribution sociale juste de la richesse ".
Ce jour-là, Georges Papandréou avait compris qu'il était condamné à réussir une " minirévolution " sociale et culturelle autant qu'économique. " Pour réussir notre redressement économique et maîtriser nos déficits, nous nous baserons sur deux axes : le développement vert et un changement radical de la production de la richesse. " Cinq mois après, le Premier ministre promet des larmes et du sang : report de l'âge de la retraite, gel des salaires, des pensions et des recrutements des fonctionnaires, augmentation du prix des carburants, diminution des primes aux paysans... Un effort destiné à ramener le déficit à 8,5 % en un an. Le maximum admissible pour un pays promis à une récession prolongée. Les marchés exigent qu'un gouvernement conduise une politique exactement contraire au mandat qu'il vient de recevoir. Mieux, ils le tiennent sous surveillance politique. L'agence Standard & Poor's déclare qu'elle attend de savoir " si les syndicats, les entreprises et le gouvernement lui-même accepteront les conditions éventuelles posées par l'Union européenne " pour décider d'une révision de sa note. Les manifestants qui défileront le 24 février à Athènes en criant " Nous sommes plus importants que les marchés " sont prévenus !
Les solutions existent
Et pas question de miser sur la solidarité des Européens. Face à la menace sur l'euro, lors du sommet du 11 février à Bruxelles, Angela Merkel, plutôt que de combattre les spéculateurs, a préféré exiger de son collègue Papandréou une augmentation de la TVA. Jean-Claude Trichet, le président de la BCE, renchérit : la seule solution, c'est " une application ri-gou-reu-se du pacte de stabilité et de croissance ". On sent dans cette expression une forme de revanche contre ceux qui, en 2004, avaient assoupli les conditions du pacte sous la pression de la France et de l'Allemagne. Retour donc aux vieilles recettes de l'austérité budgétaire. " Mais n'est-ce pas le but de l'opération ? " s'interroge Jacques Reland, du Global Policy Institute (Londres). La crise grecque ne permet-elle pas, au fond, de concentrer " l'attention des responsables politiques sur la défense de l'euro plutôt que sur l'établissement d'une réelle régulation financière ? La spéculation a sa source en grande partie à Londres. Or la grande peur de la City, c'est justement l'établissement d'une réglementation de la finance au niveau européen ".
Pourtant, les solutions ne manquent pas. Une émission commune d'obligations souscrites par les grands pays européens, puis revendues à Athènes, par exemple. Ou, plus simple : " Que la Banque centrale rachète massivement les emprunts grecs sur le marché pour faire remonter le cours. Les hedge funds seraient alors obligés de déboucler leurs positions en catastrophe et de supporter des pertes financières importantes ", avance un proche de l'exécutif européen. Casser les reins de ces spéculateurs ne protégerait pas seulement la Grèce, mais aussi les autres pays en apparence plus puissants. Le Portugal et l'Espagne ont déjà subi des attaques, d'autres pourraient suivre. " A partir du moment où la dette publique moyenne approche les 90 % du PIB, où les membres de l'Union comptent emprunter 2 600 milliards d'euros pour la seule année 2010, aucun pays n'est à l'abri ", rappelle Jacques Reland.
Après tout, le niveau de déficit et de dette de la Grèce est comparable à ceux de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. D'ailleurs, Joseph Stiglitz lui-même s'inquiète de la montée du prix des CDS sur le dollar : " Va-t-on nous faire croire que demain l'Amérique ne remboursera plus ses emprunts ? " Crise ou pas, la dictature de la finance dicte sa loi aux démocraties. La preuve : depuis plusieurs semaines, Alain Minc, conseiller officieux de Nicolas Sarkozy, plaide pour que la réforme des retraites soit " un signal de sérieux de la France vis-à-vis des marchés ". Et qu'importe, les dégâts collatéraux sur les futurs retraités français. Pourvu que les marchés soient contents...
Dans son célèbre opéra la Belle Hélène, Offenbach s'amuse : " C'est avec ces dames qu'Oreste/Fait danser l'argent à papa/Papa s'en fiche bien au reste/Car c'est la Grèce qui paiera. " Et sans doute nous avec !
Encadré(s) :
Lexique
" Hedge funds " : ces acteurs de la finance proposent des stratégies dites alternatives, en fait très spéculatives, afin d'obtenir des rendements supérieurs à ceux des Bourses traditionnelles. Les hedge funds travaillent plus avec de l'argent emprunté qu'avec leurs fonds propres. Ils sont pour cette raison sous la coupe des banques.
Vente à découvert : cette stratégie figure parmi les plus spéculatives. Son principe : vendre un actif que l'on ne possède pas. Cela est possible sur les marchés acceptant un laps de temps entre la vente et sa réalisation pratique. Aussi, peut-on promettre de vendre 100 € à telle date une obligation, avoir le temps d'attendre que son cours baisse à 80, acheter à ce prix puis vendre à 100 € au client final, en empochant un gain substantiel. Les autorités peuvent interdire cette pratique
Emprunt d'Etat : pour couvrir leur déficit, les Etats sont amenés à s'endetter. Ils se tournent alors vers les investisseurs en émettant de la dette qui sert un intérêt. Celle-ci est réputée de meilleure qualité que la dette des entreprises.
CDS (credit default swap) : forme d'assurance souscrite par un investisseur sur le risque de défaut d'un emprunteur. Si le risque de défaut de l'emprunteur est élevé, le prix du CDS l'est aussi, et cela contribue à augmenter l'intérêt que l'emprunteur doit servir. Mais on peut acheter des CDS sans être propriétaire d'un emprunt. C'est là que commence la spéculation.
Titrisation : revente des crédits (par exemple immobiliers) par les créanciers sous forme de paquets négociables sur les marchés. Le risque du crédit n'est plus porté par la banque, mais disséminé chez les épargnants. Le marché, non organisé, est énorme : environ 600 000 milliards de dollars.
Les prédateurs qui s'en mettent plein les poches...
Gary Cohn
Patron de Goldman Sachs en 2001. Il a proposé un montage financier au gouvernement grec, lui permettant de dissimuler un emprunt de 1 milliard de dollars aux autorités européennes. La banque aurait gagné 300 millions.
Hugh Hendry
Responsable du hedge fund londonien Eclectica. Il est un des rares à accepter le débat. Il déclare à la BBC : " Oui, nous allons gagner des millions, et alors ? "
James Dimon
Patron de la banque JP Morgan. Celle-ci est accusée par le syndicat des fonctionnaires grecs d'avoir empoché des dizaines de millions d'euros de bénéfices en revendant des obligations d'Etat.
John Paulson
Manager d'un des fonds spéculatifs les plus puissants de la planète. Gros actionnaire de la banque Goldman Sachs, il est soupçonné de travailler avec elle sur la dette grecque.
... et leurs complices
Marc Ladreit de Lacharrière
Propriétaire l'agence de notation Fitch qui a dégradé la note des emprunts grecs en décembre 2009. Aujourd'hui, il déclare : " Il faut aider la Grèce ! "
Deven Sharma
Président de l'agence de notation américaine Standard & Poor's. Pour déterminer sa notation, l'agence prend en compte les politiques des gouvernements et aussi l'acceptation des mesures de rigueur par les syndicats.
Raymond McDaniel
Propriétaire de l'agence de notation Moody's. Après avoir, comme les autres, dégradé la Grèce, l'agence a brusquement déclaré le 10 février que " le risque de défaut d'Athènes est très faible " !
Les idiots utiles de la spéculation
Jürgen Stark
Membre du directoire de la BCE. Il attise la spéculation début janvier en déclarant : " Les marchés se font des illusions s'ils pensent qu'à un certain stade les autres Etats membres [de l'UE] mettront la main au porte-monnaie pour sauver la Grèce. "
Joaquin Almunia
Commissaire européen à l'Economie. Il désigne l'Espagne et le Portugal en disant : " certains membres de la zone euro [...] partagent les mêmes problèmes " avec la Grèce.
Jean-Claude Trichet
Président de la Banque centrale européenne. Plutôt que de contrer l'offensive des spéculateurs, il ne veut qu'une chose : " une application ri-gou-reu-se du pacte de stabilité et de croissance ".
Alan Howard, le spéculateur invisible
Tristan de Bourbon
Alan Howard n'aime pas la publicité. Il refuse les photographies, il n'a accordé qu'une seule interview enregistrée (l'an dernier avec Bloomberg) et n'accepte que rarement de répondre aux journalistes. " Nous sommes une société qui préfère garder profil bas ", justifiait-il l'année dernière. Pourtant, son hedge fund, Brevan Howard, est devenu en 2008 le plus important d'Europe avec une gestion d'actifs estimé à 27,4 milliards.
Ses récents succès proviennent surtout de la décision de vendre au début de l'année 2008 la plupart de ses positions afin d'engranger les bénéfices et de disposer d'un maximum de liquidité. " Comme tous les bons traders, Alan connaît la valeur du risque, combien de risques il peut prendre et la disponibilité du capital, explique James Waters, le président de Salomon McKinley Associates, l'un de ses anciens collègues. Et c'est ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais trader. Lui était exceptionnel. " " Il faut être pragmatique et s'ajuster au marché, précise Alan Howard. Je n'aime pas ça, mais c'est comme ça ! " En 2008, le groupe a empoché des retours sur investissement de 20,4 % contre des pertes de 19 % pour l'ensemble du secteur.
Cette réussite ne se fait pas sans accroc avec ses employés. Lorsqu'un des traders de Brevan Howard perd 4 %, il est convoqué et voit son portefeuille réduit. A 12 %, il est viré. " Ici, lorsque l'on tient deux ans, c'est qu'on a été bon ", raconte un de ses employés. Le grand patron ne nie pas ces pratiques pour le moins extrêmes : " Comme nous avons des standards élevés, parfois il faut faire des changements. "
2010 s'annonce tout aussi favorable : après l'énorme intérêt suscité par ses opérations, Alan Howard a dû refuser des clients.
PHOTO - Jeff Hutchens / Getty Images
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