mardi 1 juin 2010

Haier cherche sa croissance dans les campagnes chinoises - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20689 - Industrie, mercredi, 2 juin 2010, p. 20

Le géant chinois de l'électroménager tente de doper ses ventes à l'étranger. Mais il réalise toujours l'essentiel de sa croissance dans les zones rurales de Chine, où le gouvernement subventionne un généreux programme d'équipement en réfrigérateurs et machines à laver.

Les souris de la province chinoise du Shandong sont de plus en plus petites. Si dans les grandes villes, cette évolution n'a pas bouleversé la population, les habitants des villages les plus reculés, eux, sont confrontés à la férocité des petits rongeurs qui s'introduisent dans les appareils électriques pour en ronger les câbles, profitant de leur petite taille. En réponse à ces attaques qui provoquent des accidents domestiques, Haier, le leader chinois de l'électroménager, a développé l'an dernier sa gamme de machines à laver et de réfrigérateurs « antisouris » aux carcasses pratiquement hermétiques. Le succès a été immédiat. « L'an dernier, nos ventes à la campagne ont bondi de 50 % et représentent désormais la moitié de nos ventes en Chine », résume Zhang Tieyan, la directrice marketing du groupe. Ce dernier a enregistré en 2009 une progression d'environ 10 % de ses revenus totaux par rapport aux 119 milliards de yuans (17,4 milliards de dollars) de 2008.

Des produits très innovants

Confrontée à la crise en Occident, où elle peine à se développer, l'entreprise a réorienté sa stratégie sur ces zones rurales qui profitent du plan de relance toujours alimenté par Pékin. Pour maintenir l'activité de ses champions et soutenir la consommation chez les plus pauvres, le pouvoir communiste alimente depuis février 2009 un généreux système de subventions qui permet aux paysans de se faire rembourser une partie de leurs achats de réfrigérateurs, de téléviseurs, de réchauds à gaz, de lave-linge ou encore de téléphones portables. Sur le premier trimestre 2010, les ventes d'électroménager ont encore bondi de_ 690 % pour atteindre 31,67 milliards de yuans (4,64 milliards de dollars). « Nous étions parfaitement prêts pour profiter de ce programme, car nous disposions déjà des réseaux de vente et de logistique », explique Zhang Tieyan

Ainsi, à Qingdao, sur la côte est du pays, les cadres de Haier présentent les téléphones portables équipés de mini-paratonnerre pour cultivateurs, et les très populaires machines à laver résistant à la pluie et au grand froid pour les 40 % de familles rurales qui conservent, faute de place ou de réseau d'eau adapté, leurs appareils à l'extérieur de la maison. Une salle plus loin, Felix Qin, l'un des responsables des ventes en Europe, assure que Haier a développé autant de produits innovants pour l'occident.

Changer l'image de marque

Les ingénieurs de la société ont par exemple inventé un miroir de salle de bains qui reconnaît les visages et adapte, en fonction, la température de l'eau. Egalement dans les cartons, un téléviseur qui ne peut être activé par les enfants que s'ils répondent juste à une question de mathématique. « Ca marche aussi avec des questions de culture générale », insiste Felix Qin. « L'idée est bien de changer notre image de marque et de monter progressivement en gamme », résume Yang Xiaodong, un directeur commercial.

Haier, qui souffre encore sur les marchés occidentaux de la faiblesse de son réseau de distribution et de l'image « bas de gamme » des produits chinois, espère que ses investissements dans le design et la recherche - il anime plusieurs centres de R&D en Europe et aux Etats-Unis -, lui permettront bientôt de refaire son retard, hors de Chine, sur les géants Whirpool, LG ou Siemens, qu'il dominerait déjà, selon Euromonitor International, en volume de ventes.

Le groupe reconnaît cependant que la crise européenne et l'effondrement de l'euro vont compliquer cette stratégie à court terme même si l'usine italienne permettra d'absorber une partie de ces problèmes de change. « Nous savons qu'il nous faudra du temps pour être reconnu à l'étranger. Il a bien fallu trente ans aux marques coréennes pour s'imposer. Nous espérons juste que cela ira un peu plus vite pour nous », sourit Zhang Tieyan.

YANN ROUSSEAU

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