La Chine compte commercialiser d'ici à deux ans du lait de vache contenant des protéines humaines. Le ministère de l'agriculture a donné son feu vert pour des tests de production de lait enrichi en lactalbumine, en lactoferrine et en lysozyme, par des vaches génétiquement modifiées.
Où en sont les recherches ?
Le lait de vache contient déjà ces trois protéines, mais en faible quantité. Pour l'enrichir, les chercheurs modifient le code génétique des vaches. Au stade embryonnaire, ils introduisent des morceaux de chromosomes humains capables de déclencher une production abondante des protéines souhaitées. En Chine, ces recherches sont menées par l'université agricole de Pékin, sous la direction du chercheur Li Ning.
Les Chinois ont été précédés par les Pays-Bas et la Californie. « Depuis quinze ans, les Hollandais modifient des vaches qui produisent du lait enrichi en lactoferrine, indique Louis-Marie Houdebine, directeur de recherche honoraire à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Mais ils ont dû freiner, face à une forte opposition des anti-OGM. » De leur côté, les Californiens enrichissent du lait de chèvre en lysozyme depuis environ six ans. « La Chine s'y est mise depuis trois ou quatre ans, assure le généticien. L'équipe de Li Ning fait du bon travail mais ne s'embarrasse pas des anti-OGM » et surtout des questions éthiques que ces recherches soulèvent.
Quelles sont les vertus de ce lait ?
La lactoferrine et le lysozyme sont antibactériens. « Ils peuvent empêcher certaines épidémies », précise Louis-Marie Houdebine. Par ailleurs, des études confèrent à la lactalbumine des propriétés anticancéreuses.
La lactoferrine d'origine bovine est déjà commercialisée en comprimés mais son extraction nécessite de grandes quantités de lait. « Avec le lait chinois enrichi, l'extraction ne sera sans doute plus nécessaire. Les quantités présentes dans le lait suffiront », anticipe Louis-Marie Houdebine. Selon Li Ning, les ventes annuelles de lactoferrine pourraient atteindre 5 milliards de dollars (3,4 milliards d'euros) dans le monde.
Sera-t-il commercialisé en France ?
Ce lait de vache chinois n'arrivera pas en France à moyen terme. Il devra d'abord être examiné par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en France, et par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Aesa) à l'échelle continentale. « Cela peut durer très longtemps », prédit Louis-Marie Houdebine.
Depuis le scandale du lait frelaté en 2008, les produits laitiers chinois n'ont pas la cote. « Le lait chinois enrichi en protéines humaines ne présente pas de danger », estime toutefois le chercheur français, tout en préconisant d'observer ses conséquences à long terme sur la flore intestinale.
Jean-Philippe CHOGNOT
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