
La réforme du système de santé chinois et le vieillissement de la population devraient se traduire par un triplement des dépenses de santé d'ici à l'horizon de 2020.
Même dans un secteur aussi réglementé que celui de la santé, la Chine fait figure d'eldorado pour les groupes étrangers. Estimé à 50 milliards de dollars, le marché chinois des médicaments a progressé d'un peu plus de 20 % par an entre 2000 et 2010, et une croissance annuelle de 23 % est prévue pour les cinq prochaines années, selon l'Association des entreprises pharmaceutiques chinoises. Au total, le marché de la santé au sens large doit dépasser les 600 milliards de dollars en 2015 (contre 345 milliards cette année) et tendre vers 1.000 milliards en 2020, d'après les consultants de McKinsey. La première explication est démographique : la population chinoise vieillit de manière accélérée, sous l'effet d'une fertilité devenue extrêmement faible (« Les Echos » du 29 avril 2011). En 2020, le pays doit compter plus de 170 millions de personnes de plus de 50 ans supplémentaires, futurs clients des laboratoires.
Médecine traditionnelle

Le nouveau plan à cinq ans, approuvé en mars, fournit également des opportunités aux industriels puisqu'il fixe par exemple un objectif d'espérance de vie de 74,5 ans en 2015, contre 73,5 ans en 2010. Moins favorable aux groupes occidentaux est sa promotion de la médecine traditionnelle chinoise, clairement exposée (chapitre 34, section 6). Or cette médecine reste très répandue : sa part de marché est estimée à 70 % en volume (contre 30 % pour la médecine occidentale) et à 30 % en valeur.
« Les projets du gouvernement peuvent paraître contradictoires du point de vue des multinationales de la pharmacie : par exemple, comment concilier couverture universelle de traitements à bas coûts et promotion de l'innovation ? Comment continuer à convaincre les multinationales d'investir et bâtir des champions nationaux ? », avertit Franck Le Deu, associé chez McKinsey.
Législation perfectible
La réforme du système de santé peut ainsi être ambivalente : en établissant une « liste des médicaments essentiels », elle crée un marché de volume, mais oblige les laboratoires qui répondent aux appels d'offres à consentir des baisses de prix pouvant excéder les 50 %. Dans le cas du Smecta, Ipsen aurait dû accepter de voir le prix tomber de 23 à 16 yuans. « A ce stade, nous avons préféré ne pas faire figurer notre produit sur la liste », indique Eric Bouteiller, le responsable de la Chine chez Ipsen.
Par ailleurs, même s'il existe une liste nationale, chacune des 31 provinces du pays dispose d'une grande autonomie en matière de santé et les industriels doivent aussi négocier les prix au niveau de chaque région, voire de chaque hôpital. La législation est également perfectible. « Les licences nécessaires au démarrage d'une activité sont deux à trois fois plus longues à obtenir pour un industriel étranger que pour un chinois. Globalement, les critères d'évaluation ne sont pas très clairs et les procédures d'appel insuffisantes », pointe Dirk Moens, secrétaire général de la Chambre de commerce européenne en Chine.
Enfin, même si plusieurs sources font état de progrès réels, la corruption perdure. « L'un de nos clients a mis longtemps à enregistrer l'un de ses produits, un simple désinfectant, auprès du ministère de la Santé. Et avant qu'il n'accède au marché, on lui a demandé de payer un bakchich important, ce qu'il a refusé », témoigne un consultant.
Mais, confrontés à des croissances nulles ou limitées sur leurs marchés traditionnels, les laboratoires occidentaux ne peuvent que voir dans la Chine une immense opportunité : la progression des ventes de Pfizer dans le pays est par exemple estimée à 30 % cette année.
BRUNO TREVIDIC
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