Les Echos, no. 20924 - High-tech & Médias, mardi 3 mai 2011, p. 26
En revendiquant son appartenance au camp des défenseurs de la propriété intellectuelle, il veut montrer patte blanche en Europe et surtout aux Etats-Unis.
Deux sociétés chinoises en conflit devant des tribunaux européens, ça n'est pas banal. Comment le régime pourrait-il tolérer une rupture si évidente de « l'harmonie » ? Et pourtant, jeudi dernier, Huawei a annoncé qu'il portait plainte contre son compatriote ZTE. Ce concurrent aurait violé une dizaine de ses brevets sur le LTE (la norme de quatrième génération de téléphonie mobile) et utilisé sans en avoir le droit une marque déposée par Huawei pour ses clefs 3G. Celui-ci a attaqué à Paris, en Hongrie et en Allemagne. ZTE, qui plaide non-coupable, a aussitôt menacé d'en découdre.
Pourquoi l'Europe, et non la Chine ? La 4G n'est déployée dans aucun des pays en question. La situation est tout autre pour les clefs 3G, un marché dont Huawei détient près de la moitié au niveau mondial et qui est trusté par les deux groupes chinois en Europe. « Il est indéniable que ZTE y vend une grande quantité de produits violant notre propriété intellectuelle », explique le directeur juridique de Huawei, Song Liuping, dans un entretien avec « Les Echos ». La marque litigieuse a en effet été déposée dans plusieurs pays européens, mais pas à Pékin.
Montrer patte blanche
En portant plainte en Occident, Huawei a surtout choisi de revendiquer haut et fort sa présence dans le camp de la propriété intellectuelle. Les actions en justice font l'ordinaire des groupes de télécoms. Ericsson vient d'attaquer ZTE pour violation de brevets 2G et 3G en Italie, au Royaume-Uni et en Allemagne. Huawei a récemment mis un terme à sa procédure contre Nokia Siemens Networks, qui risquait de s'emparer de technologies brevetées par Huawei en rachetant certains actifs de Motorola Solutions. Le groupe aspire désormais à la « normalité ». Avec 10 % de son chiffre d'affaires consacrés à la R&D, il s'enorgueillit de nombreuses innovations et n'a pas besoin de casser les prix pour gagner des marchés. Arrivé tard dans le mobile, Huawei n'avait pas de propriété intellectuelle dans la 2G, peu dans la 3G, mais il participe à part entière au processus de standardisation actuel de la 4G. « Nous avons beaucoup investi dans le LTE et possédons 15 % des brevets essentiels », estime Song Liuping.
Huawei veut aussi montrer patte blanche aux Etats-Unis. Une étrange malédiction frappe le groupe, qui n'a encore jamais signé de contrat avec un grand opérateur américain. Il a pourtant réalisé 700 millions de dollars de chiffre d'affaires sur place l'an dernier, avec 1.000 employés. En octobre, Sprint-Nextel était sur le point de choisir Huawei, mais l'administration Obama l'en a dissuadé. De même, toutes les tentatives d'achat d'entreprise outre-Atlantique se sont soldées par un refus du comité chargé d'agréer les investissements étrangers sensibles (CFIUS), de 3Com à 3Leaf. L'équipementier est soupçonné d'être un agent du gouvernement de Pékin, car son fondateur, Ren Zhengfei, est un ancien de l'armée populaire de libération. « Il y a des rumeurs sur nos supposés liens militaires avec le gouvernement chinois. Elles ne sont pas vraies. Nous sommes une entreprise 100 % privée et notre principal centre d'intérêt est le business », rétorque Song Liupin. « Monsieur Ren a quitté l'armée depuis longtemps. Il y a des militaires retraités aux Etats-Unis qui travaillent dans des entreprises privées ! » assène-t-il. Huawei ne prend plus de pincettes et parle désormais dans ses réunions avec les analystes de « protectionnisme ».
Solveig Godeluck
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