jeudi 4 août 2011

Les cybercafés chinois contraints à l'espionnage - Julie Desné

Le Figaro, no. 20841 - Le Figaro, jeudi 4 août 2011, p. 6

Pékin veut les obliger à se doter d'un logiciel permettant de traquer les activités d'un internaute pendant sa connexion.

Nouveau tour de vis sur la Toile chinoise. Pékin veut contraindre les établissements publics offrant une connexion sans fil (Wi-Fi) à se doter d'un logiciel espion. Pour une somme allant de 2 000 à 6 000 euros, à la charge des cafés et restaurants concernés, le service permet de traquer toutes les activités d'un internaute pendant sa connexion. La police peut notamment recevoir des relevés des sites consultés et identifier les lecteurs ou auteurs jugés subversifs. Confrontés à cette obligation d'investir une somme importante, de nombreux établissement préfèrent résilier simplement leur abonnement Wi-Fi. « Nous avons suspendu notre connexion sans fil depuis déjà une semaine. Le logiciel demandé par les autorités est trop cher pour nous », confie une employée d'un café du district de Haidian à Pékin, jointe par téléphone.

D'autres ignorent encore la nouvelle règle mise en place par les censeurs du Parti, comme ce petit café du quartier de Xicheng, toujours dans la capitale. « Je n'ai pas entendu parler de cette réglementation. Pour l'instant nous avons toujours le Wi-Fi », explique le barman. Mais des sanctions pourraient rapidement tomber.

Des intérêts économiques

Selon le quotidien proche du pouvoir China Business News, la violation de cette nouvelle mesure est passible d'une amende de plus de 500 euros, voire d'une fermeture temporaire pouvant atteindre six mois « dans les cas graves ». Sur le très populaire réseau social Weibo, équivalent de Twitter en Chine, le sujet était déjà étroitement contrôlé hier. Une recherche par mot-clé montrait qu'une soixantaine de messages avaient été supprimés par les censeurs, pour n'en laisser que trois encore accessibles. Derrière cette affaire, le China Business News soupçonne des intérêts économiques, notant que la société qui vend les onéreux logiciels, Rainsoft, connaît bien la Sécurité publique, qui veut imposer ces nouvelles règles aux cafés. Les deux entités entretiennent déjà une étroite collaboration dans de nombreuses provinces chinoises.

La police aurait alors juste eu besoin de faire un peu de zèle abondant dans le sens d'un pouvoir très jaloux du contrôle qu'il exerce sur la Toile. Le Parti évoque régulièrement la lutte contre la pornographie, le trafic de drogue ou les paris en ligne, interdits en Chine, pour justifier les nombreuses restrictions imposées sur le réseau chinois. Mais face au succès des microblogs, le gouvernement central craint surtout les admonestations des internautes. D'autant que ces deux dernières semaines ont été éprouvantes pour les dirigeants chinois. La collision meurtrière de deux trains dans la province du Zhejiang, voisine de Shanghaï, a littéralement déchaîné l'opinion publique. Même les médias les plus officiels ont osé des unes critiques à l'égard du pouvoir et de son manque de transparence, tandis que les sites Internet mobilisaient la Toile pour demander des comptes aux autorités.

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