L'Express, no. 3138 - en couverture immobilier, mercredi 24 août 2011, p. 44-48,50,52-53
Spécial immobilier : Profitez du marché
Corinne Scemama
Après une année de flambée, le marché se calme. Victime de ses excès, fragilisé par la morosité économique et des conditions de crédit moins favorables, il pourrait subir une décrue plus brutale que prévu. Le dossier de L'Express pour guider acheteurs et vendeurs.
Les Bourses ont beau dégringoler, la croissance flancher, l'austérité pointer son nez, ce propriétaire d'un studio de 28 mètres carrés dans le XXe arrondissement de la capitale ne veut pas en démordre. Son appartement vaut 236 000 € et pas un centime de moins. Il vient d'ailleurs de refuser avec beaucoup de force et un peu de mépris une offre à 230 000 €. Malgré les semaines qui passent sans aucune visite, ce jeune Parisien résiste, sourd aux avertissements de son entourage.
Comme lui, le marché immobilier s'accroche à son passé récent, avec ses hausses vertigineuses et ses surenchères dues à la frénésie des acheteurs. Sans même se soucier des nuages qui s'accumulent depuis le début de 2011. Cet aveuglement, accompagné d'une vraie croyance dans la pierre, crée une situation paradoxale : les transactions reculent sans pourtant que cela s'accompagne d'une décrue des prix. Après une année 2010 époustouflante, ces derniers ont grimpé, en moyenne, de 7 % au deuxième trimestre 2011 en France, et de plus de 20 % à Paris. Une hausse cependant "en trompe-l'oeil", selon Laurent Vimont, président du réseau d'agences Century 21 : elle cache en effet un vrai tassement et de fortes disparités régionales. Si l'Ile-de-France, les Pays de la Loire ou la Basse-Normandie semblent poursuivre leur ascension, l'Alsace, la Bourgogne ou l'Aquitaine accusent déjà des baisses.
Les acheteurs n'attendaient qu'un signe positif
Et ce n'est que le début. En cette rentrée 2011, les signaux de déprime du marché se multiplient, du recul brutal de la demande à la désolvabilisation des ménages, du durcissement de la politique d'octroi des crédits par les banques jusqu'au coup de rabot probable sur les aides gouvernementales (dispositif Scellier et prêt à taux zéro plus). Et la crise de la dette souveraine, qui s'éternise dans la zone euro, ne va rien arranger. L'immobilier a beau être considéré comme une valeur refuge, il n'a guère de chance d'échapper, en 2012, à un environnement économique dégradé.
Fin 2010, la reprise avait surpris par son ampleur et sa rapidité. Le nombre des transactions avait grimpé de 550 000 à 700 000 en un an, et les prix s'étaient envolés, notamment pour les appartements haut de gamme et les secteurs les plus recherchés, comme le centre des grandes villes. Un phénomène inédit et déroutant. "Dans les cycles immobiliers, les phases de repli durent plusieurs années. Après le krach de 1990, le marché n'était ainsi reparti qu'en 1996-1997. Et encore, le redémarrage a été très progressif. Or, cette fois-ci, il a suffi de moins d'un an pour que la crise de 2008-2009 soit effacée", analyse Olivier Eluère, économiste spécialiste de l'immobilier au Crédit agricole. L'explication d'un tel miracle ? Face à la faiblesse de l'offre - notamment dans le neuf - et au déficit chronique de logements, les acheteurs n'attendaient qu'un petit signe positif - en l'occurrence une légère baisse des prix, inférieure à 10 % - pour se lancer à nouveau dans un achat. "Ce sont les secundo-accédants, familles déjà propriétaires de leurs logements, qui ont fait repartir le marché de la revente", souligne Michel Mouillart, professeur à Paris-X. Décidés à profiter d'une éclaircie après deux ans de repli frileux, ils n'ont eu de cesse d'alimenter la hausse, se précipitant pour s'offrir un nouvel appartement et revendre le leur le plus cher possible. Aujourd'hui, "ces ménages déjà propriétaires, qui entretiennent la flambée, représentent 70 % des transactions dans l'ancien", estime Bernard Cadeau, président du réseau d'agences immobilières Orpi. "Et suffisent, à eux seuls, à faire fonctionner le marché", assure Michel Mouillart. Ils ne s'en privent pas. "En embuscade, ces "chasseurs" d'appartements de qualité peuvent se décider à signer en moins d'une heure, négligeant de négocier des prix pourtant élevés", observe Nathalie Naccache, directrice des agences Century 21 Fortis Immo de Paris. Tandis que les plus audacieux n'hésitent pas à surenchérir, appelant parfois directement le propriétaire pour emporter l'affaire.
Un redémarrage trop rapide de l'activité
Les investisseurs, de plus en plus nombreux en France, ont, eux aussi, largement contribué à la récente envolée des prix. Retraite à préparer, recherche d'un placement plus sûr que la Bourse ou encore volonté de posséder un bien tout en restant locataire : l'effet valeur refuge a joué à plein ces derniers mois. Du côté du neuf, les épargnants ont continué, jusqu'à la fin de 2010, à plébisciter le dispositif Scellier, se pressant notamment en décembre dernier pour obtenir la réduction maximale d'impôts. Même engouement dans l'ancien, où les studios et les 2-pièces ont fait exploser les prix au mètre carré - ils sont le plus souvent supérieurs de 20 % à ceux des appartements plus grands - au-delà du raisonnable. Cette quête désespérée de la petite surface a donné lieu à des foires d'empoigne. "Ce studio dans le Marais, proposé à 11 000 € le mètre carré, j'aurais pu le céder vingt fois. Tout le monde le voulait, et lorsqu'il a été vendu j'ai été insultée par des couples en furie", se souvient Nathalie Naccache.
Une situation explosive qui ne pouvait pas éternellement durer. Contrairement aux Etats-Unis, à l'Irlande ou à l'Espagne (où, il est vrai, l'offre est pléthorique), le marché français n'a pas suffisamment purgé ses excès lors de la crise de 2008. Après un redémarrage trop rapide de l'activité, qui n'a pas permis de régler le problème des prix surévalués, il présente aujourd'hui de vrais signes de fragilité. Au deuxième trimestre 2011, les ventes d'appartements neufs ont ainsi plongé de 17 %, après avoir accusé un recul de 21 % au premier trimestre. Tandis que le volume des transactions dans l'ancien connaît lui aussi un tassement. "Le grippage est net et brutal depuis le printemps", observe Thomas Laurentin, PDG du site immobilier Drimki.
Le paradoxe, c'est que ce réajustement n'a pas encore été suivi d'une baisse des prix. D'où un début de blocage, avec notamment un rallongement de la durée des transactions. Aujourd'hui, cette situation "creuse les écarts entre les villes privilégiées et les zones économiques moins favorisées, dans lesquelles la baisse a déjà été engagée", souligne une étude des Notaires de France (1).
En cette rentrée agitée, une correction générale des prix - et pas seulement une stabilisation - paraît inéluctable, avec bien sûr, souligne Olivier Bokobza, directeur général délégué de BNP Paribas Immobilier résidentiel, "un réajustement plus ou moins important selon les régions".
Aujourd'hui, c'est net, "le marché contient déjà en lui les prémices de la baisse", observe pour sa part Stéphane Imowicz, le patron d'Ad Valorem. Il suffit juste de vouloir le voir. D'autant qu'à force d'assister à de fortes hausses de prix dans l'ancien (+ 141 % entre 1998 et 2010) et dans le neuf (+ 84 % pour la même période) et à la remontée des taux, certains ménages commencent à ne plus être capables d'acquérir leur résidence principale.
Les couples modestes chassés des centres-villes
"Les acheteurs ne disposent pas de moyens illimités", martèle Christian Rolloy, PDG de Promogim. "Au-dessus d'un certain budget, ils ne peuvent plus payer. On est en train d'assister à une désolvabilisation lente mais continue de la clientèle", ajoute-t-il. Désormais, les couples modestes et les primo-accédants sont de plus en plus obligés de s'éloigner des centres-villes ou de louer. Century 21 a ainsi calculé qu'en seulement un an l'apport nécessaire pour acheter un appartement, pour un ménage capable de rembourser 1 000 € par mois, était passé de 22 000 à 49 000 €, soit 123 % de plus ! Même le prêt à taux zéro renforcé (PTZ+), très largement utilisé par les ménages aux revenus moyens, ne semble pas suffisant pour s'offrir un logement dans les zones tendues et chères comme l'Ile-de-France.
Atterrissage en douceur ou purge des hausses injustifiées ?
Autant dire que pour la hausse des prix, aujourd'hui déconnectés de toute réalité économique, "c'est la fin de l'histoire", pronostique Frédéric Monssu, président du groupe d'agences immobilières Guy Hoquet. Désormais, les vendeurs, rois de l'année 2010, ne sont plus en position de force. "Les acheteurs reprennent la main", estime Stéphane Atlan, directeur des agences Royalimmo de la capitale. Surtout que, même dans le très haut de gamme, "les acquéreurs ne veulent plus accepter de hausses supplémentaires", affirme Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau. Comme toujours, ce sont les biens médiocres qui souffrent en premier. "Toutes les offres abusives, comme ce 1er étage sombre d'un immeuble du XVIIe arrondissement de Paris, affiché à 12 500 € le mètre carré, ne passent plus", affirme Roger Abecassis, président du groupe Consultants Immobilier. Et les annonces d'appartements avec défauts sont condamnées à traîner en vitrine, puisqu'aujourd'hui "plus personne ne veut prendre de risque", souligne le directeur de l'étude Caraudrey, à Paris. Les vendeurs les plus pressés se voient, eux, contraints à consentir des ristournes. Comme pour ce petit appartement mal conçu du XIe arrondissement de Paris, qui a dû passer de 9 300 à 8 500 € le mètre carré pour trouver preneur.
Le même tassement s'observe dans le neuf. "Le marché est en train de se stabiliser", affirme Guy Nafilyan, PDG de Kaufman & Broad. Voire de ralentir. Et ce malgré un manque criant d'appartements, notamment en Ile-de-France. Un signe qui ne trompe pas : les offres commerciales reprennent de plus belle et vont s'intensifier en septembre, avec notamment des logements exonérés de frais de notaires, pris en charge par les promoteurs.
Pour tous les professionnels, l'affaire semble entendue : les volumes et les prix vont certainement baisser dans les mois à venir. Mais bien malin celui qui peut estimer l'ampleur de la correction. Va-t-on assister, une fois de plus, à "un atterrissage en douceur", comme le pense Bernard Cadeau ? Dans ce cas, le recul des volumes entraînerait (enfin) une baisse de 5 à 10 % des prix, laquelle permettrait de faire revenir les acheteurs et donc de relancer les transactions. Ou alors, morosité économique oblige, la pierre pourrait être contrainte, cette fois-ci, de purger davantage ses hausses injustifiées. Aujourd'hui, ce second scénario semble tout à fait plausible. Car les menaces s'accumulent. D'abord, les aides gouvernementales, qui soutiennent vigoureusement l'immobilier depuis de nombreuses années, sont appelées à fondre : à la recherche d'économies pour réduire le déficit, le gouvernement va être obligé de tailler dans les niches fiscales. En première ligne, le dispositif Scellier, déjà moins intéressant qu'à ses débuts, devrait subir un nouveau coup de rabot en 2012. De quoi décourager encore plus des investisseurs déjà en retrait depuis le début de l'année (le secteur a enregistré une chute de 32 % de ses ventes en Scellier au 1er semestre 2011, selon la Fédération des promoteurs immobiliers). Et provoquer, après une fin d'année 2011 boostée par la perspective de l'amenuisement des avantages fiscaux au 1er janvier 2012, une nouvelle crise dans le neuf. Le PTZ+, destiné aux primo-accédants, risque lui aussi d'être remanié. Un coup dur pour les familles modestes, déjà contraintes de se passer du Pass-Foncier, mesure supprimée depuis un an.
D'autres incertitudes pèsent également sur le marché. L'évolution des taux d'intérêt, critère essentiel pour la bonne tenue de l'immobilier, devrait être moins favorable (voir page 54). Si les taux, qui ont déjà grimpé de 0,75 % cette année - excluant, selon Empruntis, 15 % d'acheteurs -, poursuivent leur ascension, le marché pourrait totalement se bloquer. "Il existe encore une capacité d'absorption de 1 % supplémentaire. Au-delà, ce sera très compliqué", analyse Olivier Bokobza.
Mais, ce que craignent encore davantage les professionnels, c'est le durcissement - très probable - des conditions d'octroi des prêts, "un vrai sujet de préoccupation", insiste Michel Mouillart. Les banques, en mal de fonds propres (voir page 82), pourraient en effet fermer le robinet du crédit. C'est déjà parfois le cas : certains agents immobiliers ont été récemment confrontés à des refus de dossiers concernant des clients pourtant solvables. Dans ces conditions, le scénario du ralentissement modéré des prix deviendrait totalement obsolète. Et une bulle immobilière, évoquée en mai dernier par le Centre d'analyse stratégique, inquiet des "anticipations à la hausse" du secteur, pourrait alors éclater. Avec à la clef une crise et des prix en chute de 15 à 30 % !
C'est dire que "2012 pourrait être l'année de tous les dangers", affirme Michel Mouillart, entre désordres macroéconomiques, difficultés des banques et enfin période électorale, "qui donne toujours lieu à un attentisme de la part des acheteurs", souligne Bernard Cadeau. Certes, un véritable effondrement n'est pas encore certain. L'immobilier répond à un besoin de sécurisation et reste souvent le dernier rempart face à l'adversité. En tout cas, les Français, amoureux de la pierre, veulent continuer à le croire...
Les chiffres exclusifs du notariat
Pour la 11e année consécutive, L'Express et les Notaires de France renouvellent leur partenariat afin de vous fournir des chiffres exclusifs concernant le marché de l'immobilier. Les notaires disposent en effet d'une mine d'informations d'une valeur sans égale sur le marché français, avec notamment plus de 700 000 mutations immobilières transmises chaque année par les offices de province. Ce sont les seules données qui soient incontestables, puisqu'elles sont fondées sur des transactions effectives : les chiffres que nous publions cette année sont ainsi établis sur 600 000 ventes. Ces informations sont collectées de manière quasi systématique : lors de toute signature, les notaires recueillent près de 80 données précises, dont 25 % décrivent le bien vendu (maison neuve ou ancienne, appartement, terrain à bâtir...), avec sa surface, le nombre de pièces, le prix de vente réel, etc.
Un traitement statistique permet ensuite de calculer, d'une part, des valeurs moyennes (prix moyen au mètre carré), d'autre part, des indices labélisés par l'Insee. Le notariat a ainsi mis en place deux bases de données immobilières, l'une pour l'Ile-de-France (base Bien), l'autre pour la province (base Perval), dont L'Express a tiré des centaines de chiffres exclusifs (arrêtés au 31 mars 2011), que nous publions, notamment quartier par quartier dans les grandes villes de France. Certaines de ces informations peuvent être consultées sur les sites Notaires.fr ou Immoprix.com.
ANCIEN : LA PROGRESSION DES PRIX RALENTIT
NEUF : LE MARCHÉ FAIBLIT
Quand les loyers dépriment
Acôté de l'envolée des prix du marché de la vente, ceux de la location semblent faire du surplace, puisque, selon l'étude Clameur, qui sera publiée le 6 septembre, ils n'auraient progressé que de 0,9 % en un an. Une hausse extrêmement modeste, loin de la flambée du début des années 2000 (plus de 5 % d'augmentation par an), qui marque une nouvelle phase de ralentissement des loyers en France. "Certes, nous observons une reprise de l'activité. Mais la situation reste difficile, avec un taux de vacance important et un net freinage du montant des loyers", affirme Michel Mouillart, professeur à Paris X et auteur de l'étude Clameur. Pire, des villes comme Rennes, Dijon, Bordeaux, Toulouse ou Paris enregistrent même un recul des prix de location. Dans un contexte économique très chahuté, cette décrue s'explique par une vraie chute de la solvabilité des locataires, durement touchés par la crise. Un constat qui se vérifie particulièrement parmi les moins de 30 ans, représentant en 2011, selon Century 21, la moitié des locataires entrants.
Résidences secondaires L'envers du décor
Gilles Lockhart
Une maison à la campagne, un bungalow les pieds dans l'eau : le coup de coeur de l'été peut virer au cauchemar le reste de l'année. Bien réfléchir avant de se lancer dans cet achat plaisir.
T rois millions de résidences secondaires en France... et moi, et moi, et moi ? La tentation est grande de faire comme tout le monde (ou presque) et de s'acheter un petit coin de paradis pour souffler le week-end ou emmener sa tribu en vacances l'été. Etes-vous plutôt mer, comme un tiers des propriétaires, campagne comme un autre tiers, ou encore montagne, ville, arrière-pays ? Le choix est vaste et ouvert à tous les budgets, de 180 000 € pour une maison ancienne à Perros-Guirec à plusieurs millions pour une villa à Saint-Tropez.
Mais le rêve a son revers et les pièges à éviter sont nombreux. La résidence secondaire est un investissement plaisir, deux mots qui ne font pas forcément bon ménage. Plus d'un urbain en quête de nature s'est mordu les doigts d'avoir acheté trop vite. "On découvre un endroit au meilleur moment, sous le soleil, les commerces ouverts...", glisse Jérôme Robin, président du courtier en crédit Vousfinancer.com. Et on se retrouve l'hiver dans une bicoque humide et isolée... "Les Parisiens se tournent facilement vers des maisons avec jardin à 150 kilomètres de chez eux, qui leur coûtent le prix d'un 2-pièces dans la capitale, constate Murielle Gamet, notaire chargée de la stratégie patrimoniale à l'étude Cheuvreux. Cet achat relativement bon marché leur fait oublier les charges d'entretien : gros travaux, toiture... La première année, la mise en conformité du raccordement au réseau d'assainissement, obligatoire depuis le début de 2011, peut ainsi coûter entre 5 000 et 15 000 €..." Dur, dur, si l'on est ric-rac côté finances. Et suffisant pour inciter à prendre ses précautions.
Se passer de crédit, de préférence
La première question à se poser, rappelle Murielle Gamet, est simple : "Avez-vous les moyens de cet investissement ?" L'opération ne doit pas déboucher sur des difficultés de vie. Il faut aussi intégrer cet achat dans une stratégie patrimoniale globale, regarder le poids de l'immobilier dans son portefeuille, voir si c'est le bon moment d'en ajouter ou pas. "Si vous investissez, posez-vous la question de la détention, ajoute Murielle Gamet. Une SCI présente des avantages si vous achetez une maison de famille dans le but de la transmettre aux générations futures. C'est une forme juridique facile à gérer si le bien n'est pas loué. Et la transmission est exonérée des 5,09 % de taxe de publicité foncière : un simple dépôt au greffe suffit."
En attendant, il faut sortir le premier chèque chez le notaire pour procéder à l'acquisition. En se passant de crédit, de préférence. Car les vendeurs toisent les emprunteurs et les banques se sucrent sur leur dos. "Plus la résidence secondaire est chère, moins le vendeur accepte des conditions suspensives d'obtention de prêt, martèle CatherineThomine-Desmazures, directrice de Barnes Biarritz, une agence immobilière haut de gamme. Le vendeur d'une maison à plus de 1 million d'euros ne voudra pas d'un acheteur à crédit. Le vendeur d'un appartement à 600 000 € acceptera peut-être. Mais il demandera une lettre d'accord de principe de la banque."
Quant à la banque, elle profite de cet achat d'impulsion. "Le ticket plus faible et l'approche plaisir rendent l'acquéreur moins enclin à se battre pour décrocher un taux canon, constate Jérôme Robin. Il attend surtout de sa banque une réponse rapide. Celle-ci est donc en position de force pour facturer le crédit à un taux conséquent. On voit des gens qui s'offrent un bungalow dans un camping avec des crédits conso !" Au passage, le banquier malin ajoutera l'assurance de prêt et la multirisque habitation. Coup de bambou assuré !
"Beaucoup de frais ne peuvent pas être déduits !"
Ce n'est que le début des dépenses annexes. Toiture, diagnostics, assainissement, termites, eau, électricité, chauffage, taxes locales et foncières... sans oublier l'essence ou le train pour rejoindre sa nouvelle propriété. "Les acquéreurs ne se rendent pas compte qu'une résidence secondaire entraîne les mêmes charges qu'une principale. De plus, beaucoup de frais ne peuvent pas être déduits !" résume Miguel Espada, patron de Garrigae, une société qui commercialise, dans le sud-ouest de la France, des résidences secondaires assorties de services de gestion locative. Ce spécialiste évalue le coût global d'entretien autour de "1 à 2 % de la valeur du bien par an ; 2 à 4 % si il y a une piscine et un terrain arboré". Conclusion : cela peut rapidement devenir un gouffre.
La solution ? Proposer son bien à la location. Une pratique encore peu répandue : selon Atout France, l'Agence de développement touristique de la France, les propriétaires ne sont que 12 % à le faire "régulièrement". Mais l'équation économique se défend. Pour une acquisition de 300 000 € chez Garrigae, par exemple, le propriétaire touchera 6 000 € de loyer par an net de charges, tout en bénéficiant d'un crédit d'occupation de quinze jours en juillet, plus les vacances de Noël, tous ces paramètres étant réglables sur-mesure. Catherine Thomine-Desmazures estime que "le propriétaire d'une résidence secondaire de 1,5 à 2 millions d'euros avec piscine (sans quoi elle se loue beaucoup moins bien) devra faire face à des charges fixes de l'ordre de 15 000 à 20 000 € par an. Mais il peut en tirer 25 000 à 30 000 € de loyer annuel, tout en occupant lui-même le bien en août". Jérôme Ugo, gérant de l'agence Laforêt Nice Ouest Immobilier, compte nombre de clients qui "achètent des studios ou des 2-pièces entre 200 000 et 250 000 €, y viennent deux à trois semaines par an et les louent de septembre à juin à des étudiants." Encore faut-il bien cibler sa destination (voir l'encadré ci-contre).
Dernière étape : la revente. Elle intervient fréquemment pour des raisons négatives (l'indivision qui ne s'entend pas, un divorce, le manque de liquidités du propriétaire "scotché" en Bourse...) et rarement au mieux du marché, surtout quand on est pressé ! Si la cession a lieu moins de cinq ans après l'achat, la plus-value éventuelle est taxée à 28,1 %. "C'est là, soupire Murielle Gamet, qu'on se rend compte que la résidence secondaire est un investissement secondaire..." Mais tous ces bons moments passés en week-end ou en vacances n'ont-ils pas un prix inestimable ?
Attention aux coins trop tranquilles
Et si l'on suivait la foule ? Trois universitaires de Paris-Dauphine viennent de recenser les "flux entrants et sortants des 100 principales aires urbaines françaises", entre 1999 et 2006. De Paris, avec ses 11,7 millions d'habitants, à Arcachon aux 60 000 âmes. Arcachon qui figure, avec Béziers, Sète, Vannes, Fréjus, Perpignan, Toulouse, Annemasse ou Bastia, parmi la petite dizaine d'"aires" qui ont vu leur population grossir de 10 % ou plus durant la période. Penser que le prix de l'immobilier suit mécaniquement la démographie serait aller vite en besogne. Mais miser sur les endroits, forcément agréables, où affluent les cadres et les retraités aisés, peut se révéler fructueux. Et met à l'abri des retournements de marché, comme dans le Sud-Ouest, soudain boudé par les Anglais. Ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard si Ajaccio, qui remporte la palme de la croissance démographique (+19,3 %), est aussi la ville de France où le prix des maisons a le plus augmenté en 2010, selon les chiffres des notaires : +18,8 %. Avis aux investisseurs.
Paris bulle-t-il ?
Corinne Scemama
Les prix se sont envolés dans la capitale, qui a battu tous ses records. Mais l'heure de la pause - voire d'une correction - pourrait bientôt sonner.
A Paris, la hausse ne semble pas avoir de fin. Après une année 2010 marquée par une nette remontée des prix, la capitale a poursuivi, au début de 2011, sa folle ascension, dopée par des investisseurs prêts à payer de minuscules studios à prix d'or. Un nouvel emballement qui a fait exploser un marché déjà en surchauffe (+ 21 % en un an), excluant les primo-accédants et les ménages aux revenus moyens. Cette euphorie, entretenue par une offre nettement inférieure à la demande, fait aujourd'hui de Paris "l'une des capitales les plus chères du monde, au même titre que Londres ou New York", affirme Me Christian Lefebvre, président de la chambre des notaires de Paris. Le prix moyen du mètre carré y a dépassé 8 000 €.
Cependant, à force de prendre la Ville lumière pour une valeur refuge hors concours, les étrangers et les familles aisées devraient se méfier. Avec des prix en hausse de 185 % depuis 1998, la bulle qui s'est formée sur la capitale pourrait bien éclater, surtout dans un contexte économique anxiogène. Une menace que les acheteurs commencent à prendre au sérieux, hésitant devant les appartements surévalués et repoussant leur acquisition. Comme en témoignent la récente baisse significative du nombre de transactions (- 12 % en juillet) et le retour des négociations sur les biens médiocres. Histoire de prouver que, finalement, si les Parisiens peuvent être bobos, ils ne sont pas pour autant gogos...
Ier, IIe, IIIe, IVe Luxe suprême
Vivre au coeur de la capitale est désormais un luxe réservé aux étrangers et aux familles (très) fortunées, parisiennes, provinciales ou expatriées. Marché de pénurie, les quatre premiers arrondissements ont, plus que les autres, profité de l'euphorie de la fin de 2010 et du début de 2011, affichant des hausses de prix supérieures à 20 %. Avec des surenchères vertigineuses sur les studios et petits 2-pièces : très demandés par les investisseurs amateurs de belles hauteurs sous plafond et de poutres apparentes, ces appartements s'arrachent le plus souvent pour être aussitôt loués à de riches visiteurs américains ou italiens. En revanche, à 10 000 e le mètre carré, l'ardeur des acheteurs commence à retomber, notamment sur les grandes surfaces qui flirtent avec des prix stratosphériques.
Petit arrondissement prisé des touristes, attirés par ses boutiques de luxe, ses bistrots et ses appartements à l'élégance patinée, le Ier ne connaît pas la crise : les étrangers et les provinciaux n'hésitent pas à payer de 11 000 à 12 000 e le mètre carré (voire plus) pour un pied-à-terre autour du Palais-Royal et du jardin des Tuileries. Comme cet Américain qui vient de s'offrir un 160-m2 rue d'Alger pour 1,8 million d'euros. Tandis qu'un Français s'est précipité pour devenir propriétaire de ce 55-m2 très clair de la rue Saint-Honoré à 600 000 e. Des sommets que les Halles, longtemps décriées, n'ont pas encore atteints. Et ce même si la cote de ce secteur (8 500-9 000 e) ne cesse de monter.
Récemment, un Parisien a eu un coup de coeur pour un 53-m2, situé au 1er étage d'un immeuble de la rue des Lombards, présenté à 450 000 e. Reste que l'embellissement du quartier, avec la restructuration du forum des Halles, prévue pour 2016, risque de changer la donne.
Ancien fief des grossistes en vêtements, le IIe arrondissement a, lui aussi, bénéficié de l'euphorie de la fin 2010 qui a fait grimper les prix à 9 000 e le mètre carré. Stimulés par l'attrait du quartier piétonnier de Montorgueil, où la demande se fait pressante, les vendeurs en ont profité pour imposer leur loi en proposant leurs biens à 11 000 e le mètre carré. Pas toujours avec succès. Car, si les studios et 2-pièces se vendent cher, comme ce 37-m2 de la rue Montorgueil, cédé 360 000 e, "les grandes surfaces commencent à souffrir du marché haussier", souligne Nathalie Naccache, directrice des agences Century 21 Fortis Immo. Ainsi cette maison de 160 m2 dans le Sentier ne trouve pas preneur à 8 200 e le mètre carré. Même hésitation du côté des Grands Boulevards, de plus en plus branchés, où les prétentions des vendeurs (parfois 10 000 e le mètre carré) commencent à bloquer les transactions.
Qu'il est loin, le temps où le IIIe arrondissement constituait le "Marais des pauvres" ! Aujourd'hui, ce n'est plus seulement la place des Vosges et ses artères de charme, comme la rue du Foin, qui flambent, dépassant largement les 10 000 e le mètre carré ; le quartier Bretagne (+20,6 % en un an), plus bobo que jamais, a lui aussi battu des records. Tout comme les Arts-et-Métiers, qui rattrapent le reste de l'arrondissement. Un mouvement accéléré par la flambée des petites surfaces, que les acheteurs se disputent, à l'instar de ce 32-m2 de la rue des Gravilliers, parti à 298 000 e en une heure. Les grandes surfaces avec défauts ont, elles, davantage de mal à se vendre à de tels niveaux. Ainsi cet appartement sombre et bas de plafond du boulevard Sébastopol, qui, à 10 000 e le mètre carré, ne reçoit aucune visite.
Plébiscité par les Italiens, le IVe a poursuivi sa prodigieuse ascension, avec des prix en hausse de 25 % sur un an. Quartier parmi les plus chers de la capitale, au côté de Saint-Germain-des-Prés et des Invalides, le Marais historique, réputé pour son charme sans égal, ses belles demeures de caractère aux poutres apparentes, continue à séduire au-delà du raisonnable. Récemment, un 27-m2 à rénover entièrement, rue Beautreillis, est parti à 350 000 e, soit 13 000 e le mètre carré. "C'est devenu n'importe quoi", se lamente le directeur de l'Etude Caraudrey, rue Saint-Antoine, qui note néanmoins un retour à la prudence du côté des acheteurs, davantage enclins à négocier ces prix excessifs. Ou à quitter le quartier.
Ve, VIe Si rare, si cher
L'esprit Rive gauche souffle encore. Avec ses inconditionnels prêts à payer à prix d'or le moindre mètre carré compris entre le Panthéon et Saint-Germain-des-Prés, les Ve et VIe restent des arrondissements recherchés et d'autant plus chers que les propriétaires, très attachés à leur quartier, donc pas pressés de vendre, entretiennent la pénurie.
Pour le Quartier latin, ce fut "une année folle", s'exclame Gauthier Fontaine, de l'agence Century 21 Luxembourg. Prisé des provinciaux et habituellement plus sage que le VIe, le Ve a connu un mouvement d'euphorie inédit, dû en partie au report des acheteurs du VIe arrondissement. L'afflux de cette clientèle plutôt fortunée a contribué à faire grimper les prix de plus de 20 % (de 9 000 à 12 000 e le mètre carré). Comme pour ce 40-m2 du Val-de-Grâce, vendu à 460 000 euros en une seule journée. Aujourd'hui encore, l'engouement pour cet arrondissement aux allures provinciales et peuplé d'écoles de prestige ne se dément pas. Même si les agents immobiliers observent depuis avril un retour au calme, alimenté par le refus des acheteurs de dépasser la barre symbolique des 12 000 e le mètre carré.
Détrôné par le VIIe, le VIe n'est plus l'arrondissement le plus cher de la capitale. Mais peu s'en faut, puisque, en 2011, calcule Stéphane Atlan, directeur de l'agence Royalimmo, "le ticket d'entrée a augmenté, se situant entre 10 000 et 13 000 e le mètre carré". A ces prix, les appartements de bonne facture se vendent rapidement, comme ce 100-m2 de la rue de Sèvres, cédé 1,3 million d'euros, ou ce 27-m2 au rez-de-chaussée sur jardin, acheté, lui, à 15 500 e le mètre carré ! Des records souvent battus par les biens exceptionnels, qui se négocient jusqu'à 25 000 e le mètre carré. Pourtant, depuis quelques mois, cet arrondissement convoité souffre d'une vraie baisse du nombre des transactions : les propriétaires rechignent à mettre en vente, même à prix d'or, leurs biens. Et puis, souligne Eric Vincent de l'agence Emile Garcin Rive gauche, "la clientèle étrangère est beaucoup moins présente".
VIIe, VIIIe, XVIe, XVIIe Valeurs en or
Les beaux quartiers de l'ouest de la capitale, valeurs sûres dans un marché en surchauffe, ont été cette année très recherchés, autant par les étrangers que par les Français fortunés. Au point que les ventes d'appartements haussmanniens, avec parquet, moulures et cheminées, ont battu des records.
Sacré arrondissement le plus cher de Paris, le VIIe a troqué ses clients américains et italiens contre des Russes, des Chinois ou des Qatariens prêts à s'offrir des biens haut de gamme à plus de 20 000 e le mètre carré. Comme ce 225-m2 présenté par Féau et cédé à 5,2 millions d'euros. Les prix des appartements plus "standards" tournent, eux, autour de 12 000 e le mètre carré, 14 000 e et plus aux Invalides et boulevard Saint-Germain. Récemment, un 130-m2 de la rue de Bourgogne a ainsi été vendu 2 millions d'euros. "Aujourd'hui, même si les étrangers représentent de 15 à 30 % des transactions, ce sont plutôt les Français en quête de placement sûr qui achètent", souligne Claude Delannoy, directeur de l'agence Laforêt du VIIe.
Dans le VIIIe arrondissement, les prix, élevés, ont certes continué à grimper (+ 17 %), mais ils restent dans la limite du raisonnable, puisqu'ils tournent entre 10 000 et 12 000 e le mètre carré. "Contrairement à sa réputation, c'est un quartier stable, moins enclin aux fluctuations du marché que les autres", affirme Denis Martin, directeur de l'agence Laforêt de la rue de Berri. Du coup, dès qu'un vendeur veut obtenir plus de 12 000 e le mètre carré, il y parvient rarement. "Surtout depuis deux mois, où les biens trop chers sont pénalisés", souligne Nathalie Garcin, directrice de l'agence Emile Garcin Rive droite. Une exception ? Les petites surfaces autour des Champs-Elysées, prisées par la clientèle moyen-orientale, prête à s'offrir des studios à 15 000 e le mètre carré. Ou cet appartement de l'avenue Montaigne payé 26 000 e le mètre carré par un acheteur chinois...
Autre valeur sûre avec ses appartements haussmanniens de qualité, le XVIe a connu une belle envolée à la fin de 2010, avec des hausses comprises entre 20 et 25 % : aujourd'hui, les prix se négocient, hors biens exceptionnels, entre 9 000 et 13 000 e le mètre carré. Dans cet arrondissement aussi BCBG que bling-bling, ce sont les appartements de 150 m2 à 1,5 ou 2 millions d'euros qui sont le plus demandés. Un budget confortable que les acheteurs ne veulent désormais plus dépasser. D'où un allongement de la durée des transactions et, selon Stéphane Atlan, directeur de l'agence Royalimmo de la place Victor-Hugo, "une stabilisation des prix".
Plus vivant et plus mélangé que le XVIe, le XVIIe a bien profité de la flambée enregistrée début 2011, puisque les prix s'y échelonnent entre 9 000 et 12 000 e le mètre carré du côté de la place des Ternes, tandis qu'ils se négocient autour de 8 000 à 9 000 e le mètre carré aux Batignolles et à 7 500 e aux Epinettes. Pourtant, dans ces quartiers aux allures de village, les prix semblent avoir atteint un pic. "On note un revirement depuis Pâques : les transactions deviennent moins faciles", observe Richard Tiberghien, directeur de l'Etude Wagram. Au début de l'été, un 120-m2 situé place des Ternes a dû passer de 10 000 e à 9 000 € le mètre carré pour trouver preneur.
IXe, Xe En classe supérieure
Autrefois repaires des jeunes couples à la recherche de leur premier achat, les deux arrondissements centraux du nord de la capitale deviennent des secteurs chers, prisés par une clientèle moins bobo mais plus fortunée. Un mouvement conforté par la nouvelle hausse des prix, de 16 à 26 % selon les quartiers, enregistrée début 2011.
Le IXe n'est plus un arrondissement populaire. Découvert par les familles françaises aisées, séduites par son esprit village et ses restaurants branchés, le secteur bat des records - 10 000 e le mètre carré -, notamment autour de Saint-Georges. En face du musée de la Vie romantique, rue Chaptal, un 69-m2, impeccable et avec un balcon filant mais au 5e sans ascenseur, a été cédé 750 000 e, soit 10 900 e le mètre carré. Tandis que, rue Blanche, un 100-m2, avec une vue sur Paris à 360 degrés, s'est vendu 1,15 million d'euros. Pour autant, les acheteurs du IXe ne sont pas prêts à surpayer les biens. "Il faut que le prix soit justifié. Surtout depuis deux, trois mois, où les biens médiocres ont du mal à partir", souligne Dominique Fleury, directeur de l'Etude Saint-Georges. Ainsi, un rez-de-chaussée de 37 m2 avec travaux a dû rester longtemps sur le marché avant d'être acheté 220 000 e, soit 7 750 e le mètre carré. Du côté du faubourg Poissonnière, les prix ont également grimpé : un appartement de 80 m2 situé au 1er étage, entièrement à refaire, est parti à 8 000 e le mètre carré.
Le Xe n'est plus un recours pour les exclus du Marais et de la Bastille. Poursuivant son ascension, le quartier a vu ses prix grimper de 20 % en un an, entre 7 000 e le mètre carré, pour la gare du Nord et Barbès, et de 8 000 à 10 000 e le mètre carré pour les Grands Boulevards ou le canal Saint-Martin. Un exemple ? Il n'a fallu qu'un après-midi pour vendre 400 000 e ce 44-m2, situé rue Martel. Même engouement pour les petites surfaces, très recherchées par les investisseurs : un studio de 17 m2 près de Saint-Vincent-de-Paul est parti à 156 000 e. Mais, attention, la donne commence à changer. "Tout ne se vend plus aussi facilement. Les cadres supérieurs deviennent exigeants", observe Patrick Nicaud, de l'agence Century 21 Magenta-La Fayette. Surtout pour les biens avec défauts, qui se négocient désormais autour de 6 000-6 500 e le mètre carré. De quoi revenir faire de bonnes affaires dans cet ex-quartier populaire.
XIe, XIIe Coup de chaud
Les quartiers de l'est de la capitale, toujours aussi branchés, ont connu une année exceptionnelle, avec des hausses de prix de 15 à 30 % ! Un emballement dû en grande partie aux investisseurs qui ont acheté à prix d'or des petites surfaces à retaper.
Le XIe, arrondissement animé par de nombreux micromarchés recherchés, a connu l'ivresse des sommets fin 2010 et début 2011, avec des prix au mètre carré entre 9 000 et 10 000 e pour le triangle Bastille, République, Oberkampf, de 7 000 à 8 200 e du côté de Voltaire ou encore de 6 500 à 7 500 e autour de Belleville. Des valeurs tirées vers le haut par les ventes de petites surfaces, devenues excessivement chères. Comme ce 28-m2 cédé 250 000 e à un quadragénaire, au grand dam des dix autres candidats prêts à renchérir. De leur côté, les appartements familiaux continuent à bien se vendre, comme ce 77-m2 au 3e sans ascenseur, boulevard Beaumarchais, cédé 660 000 e. Mais cela ne signifie pas que les acheteurs sont devenus fous. "Dans le XIe, à partir de 1 million d'euros, les clients se font rares", affirme Eric Dewisme, directeur de l'agence Bastimo. D'autant que le marché commence à donner des signes d'essoufflement. Dans le haut de la rue Oberkampf, par exemple, si les prix tournent autour de 7 000 e, les biens avec défauts peuvent désormais se négocier entre 6 000 et 6 500 e le mètre carré.
Mais qu'est-il arrivé au XIIe, l'un des arrondissements les plus sages de la capitale, avec ses familles discrètes et ses espaces verts ? Sans crier gare, le secteur s'est mis à bouger et à se transformer, accueillant de nouveaux habitants, souvent plus jeunes et plus branchés. Revers de la médaille : cet engouement a fait flamber les prix (entre 7 000 et 10 000 e le mètre carré). Outre les studios et les 2-pièces, plutôt chers, comme ce 13-m2 à 135 000 e ou ce 42-m2 à Nation à 420 000 e, les appartements plus grands séduisent les familles venues de l'ouest de la capitale. L'une d'entre elles s'est ainsi offert un 68-m2, du côté de Dugommier, à 568 000 e. Tandis qu'un couple s'est acheté un 67-m2 dans une résidence récente de standing, près du métro Michel-Bizot, pour 585 000 e. Mais le secteur à privilégier est, selon Joëlle Amoyal, directrice de l'agence Immo'land, la porte Dorée, qui s'affiche déjà en moyenne entre 8 000 et 8 500 € le mètre carré : "Avec le tramway qui arrive en 2012, le quartier va encore prendre de la valeur", assure-t-elle...
XIIIe, XIVe, XVe On se calme !
C'est peu de dire que les arrondissements du sud de la capitale ont bénéficié de l'euphorie qui s'est emparée du marché parisien fin 2010. Dans ces quartiers résidentiels, les prix ont gagné jusqu'à 32 %, rattrapant parfois la cote des secteurs centraux de Paris.
Plutôt hétérogène, le XIIIe a vu ses prix grimper pour atteindre 7 500 à 8 500 e le mètre carré, voire 10 000 e à la Butte-aux-Cailles et aux Gobelins. Des niveaux qui découragent les primo-accédants, autrefois nombreux dans cet arrondissement populaire. D'autant que les petites surfaces s'envolent, comme ce studio bien agencé de 26 m2 cédé à 239 000 e, soit plus de 9 000 e le mètre carré. Les appartements familiaux se vendent également bien, notamment du côté de Tolbiac, où un beau 4-pièces de 91 m2, en parfait état, est parti à 795 000 e sans négociation. Mais, depuis quelques mois, souligne Richard Mellul, directeur de l'agence Lutèce Immobilier, "les acheteurs deviennent de plus en plus sélectifs et refusent de dépasser les 9 000 e le mètre carré". Une prudence qui les pousse aussi à bouder les tours "chinoises", même si elles se négocient à 5 500 e le mètre carré, comme ce 70-m2 de la porte de Choisy vendu 379 000 e avec parking.
Les prix se sont envolés dans le XIVe, gagnant près de 25 %, pour se situer entre 8 000 et 9 500 e le mètre carré. Et pas seulement pour les studios très prisés, tel ce 31-m2 au 5e sans ascenseur, situé au métro Pernety, cédé à 263 500 e. Les grands appartements ont, eux aussi, pris de la valeur, notamment du côté d'Alésia, où ils atteignent allègrement les 9 000 e le mètre carré. Malgré tout, "le marché se calme", souligne Christine Fumagalli, directrice de l'agence Orpi Alésia-Didot, et "on assiste à un retour de l'échelle des valeurs entre les différents quartiers", estime-t-elle. Ainsi, si Denfert-Rochereau cote 10 000 e le mètre carré, le parc Montsouris vaut 9 000 e et la porte d'Orléans, recherchée depuis l'arrivée du tramway, se vend à 8 000 e le mètre carré. Pour trouver moins cher, il faut se diriger vers la porte de Vanves, où les appartements se négocient à 7 000 e le mètre carré, malgré des projets d'aménagement prometteurs.
"C'est fou, le XVe a rattrapé le XVIe", s'étonne encore Axel Arcas, de l'agence CPH Immobilier. Avec des prix entre 8 000 et 10 000 e le mètre carré, le XVe n'est plus une alternative pour les jeunes cadres et n'accueille plus de primo-accédants. D'autant que l'engouement pour les petites surfaces ne se dément pas : récemment un 24-m2 de la rue Saint-Charles s'est vendu 219 000 e, tandis qu'une studette de 14 m2 de la rue Gutenberg, au 6e sans ascenseur, a été cédée 140 000 e. Mais, attention, l'euphorie semble bel et bien terminée depuis le printemps. D'où un retour aux négociations, comme pour ce 46-m2 du quartier Saint-Charles, qui, proposé à 380 000 e, a finalement trouvé preneur à 345 000 e...
XVIIIe, XIXe, XXe Ultimes refuges
Derniers bastions contre la hausse de l'immobilier, les trois arrondissements du nord-est de la capitale connaissent un engouement peu commun. Ils attirent notamment des familles venues du centre de Paris chercher des biens abordables ou encore des investisseurs en mal de rentabilité.
Métissé et multiple, le XVIIIe arrondissement a vu ses prix grimper de 15 à 20 %, notamment pour les studios. "Ils représentent chez nous 1 vente sur 2", affirme Tahar Hadjadj de l'agence Connexion. Récemment, un 22-m2 de la rue Ernestine a été cédé 143 000 e, tandis qu'un 36-m2, situé près de la mairie, a été vendu 262 000 e. Des valeurs, parfois excessives, portées par l'arrivée de familles du XIVe ou du XVe, de bobos, de journalistes et de cadres qui y trouvent encore des appartements à prix raisonnables, comme ce 75-m2 du boulevard Barbès, parti pour 580 000 e. Les plus audacieux tentent la Goutte-d'Or, encore meilleur marché. Mais attention à la revente.
Les Parisiens découvrent enfin le XIXe, arrondissement le moins cher de la capitale. Beaucoup sont venus du XIe et du XIIe pour s'offrir des appartements plus spacieux et de la verdure pour 6 000 à 7 500 e le mètre carré. Et si les Buttes-Chaumont restent la valeur sûre du secteur - un 25-m2 s'y est vendu 170 000 e -, d'autres quartiers deviennent très recherchés comme la rue la Villette ou Télégraphe, où les prix tournent autour de 7 000 e le mètre carré. Dernièrement, un superbe 55-m2 au 5e étage d'un immeuble récent de standing, avec une terrasse de 25 m2 et un parking, s'y est vendu 370 000 e.
Paradis des bobos qui apprécient sa vie de quartier et ses bars branchés, le XXe a connu une période euphorique début 2011, où les prix se sont envolés, parfois à plus de 8 000 e le mètre carré, comme pour ce 20-m2 parti à 180 000 e. Si Gambetta reste le must de l'arrondissement, avec des prix entre 7 000 et 7 500 e le mètre carré, la campagne à Paris (porte de Bagnolet) séduit de plus en plus les acheteurs, grâce à ses ruelles charmantes et ses maisons négociées à 9 000 e le mètre carré. "Nous avons récupéré une nouvelle clientèle de jeunes et de cadres", souligne Jean-Claude Hennel, directeur de l'agence Les Pavés du XXe. Des acquéreurs prêts à s'offrir un 60-m2 à 350 000 e ou un pavillon de 51 m2 à 470 000 e. Les plus audacieux pourront, eux, parier sur le sud du XXe, près de la place de la Réunion, où les prix se négocient autour de 6 000 e le mètre carré. En revanche, ils doivent éviter les résidences des années 1970 : elles ont mal vieilli et ne sont plus cotées du tout.
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