La maison de luxe italienne est toujours détenue par les descendants du fondateur
La cinquième tentative devrait être la bonne. Le groupe de luxe italien Prada, qui avait initialement envisagé une entrée en Bourse le 28 septembre 2001, n'avait depuis cessé de retarder ce projet, en attendant de meilleures conditions de marché. Les attentats du World Trade Center, les épidémies et la crise financière sont la cause des reports. Mais le conseil d'administration du groupe a enfin donné son feu vert, jeudi 27 janvier, à l'opération.
Après une valse-hésitation entre Milan, Londres, New York et Hongkong, c'est l'ancienne colonie britannique qui a été choisie comme place de cotation pour ce groupe familial qui compte, outre Prada, les marques Miu Miu, les chaussures Church's et Car Shoe.
Avec ce choix, la maison montre qu'elle mise sur une forte expansion en Asie et pense y trouver plus facilement des capitaux qu'en Europe ou aux Etats-Unis. Ce qui lui permettrait notamment de se délester d'une dette importante, estimée à un peu plus de 1 milliard d'euros, conséquence d'une série d'acquisitions hasardeuses dans les années 1990.
L'eldorado asiatique n'est pas un vain mot pour ce groupe, qui y réalise aujourd'hui 40 % de ses ventes - dont 19 % en Chine. Rien qu'au premier semestre de son exercice 2010-2011, le chiffre d'affaires de Prada a explosé de 47 % en Asie. Toujours grâce à ce marché, le bénéfice net a triplé sur les neuf premiers mois de l'exercice, à 156 millions d'euros. La plupart des analystes s'accordent à penser que la Chine deviendra, dans le meilleur des cas d'ici à cinq ans, le principal marché du luxe.
La griffe a d'ailleurs présenté, samedi 22 janvier à Pékin, pour la première fois hors d'Italie, sa collection printemps-été 2011. Un défilé ultrachic au Musée de l'académie des beaux-arts, doublé d'un événement mondain en diable, auquel participaient les actrices Gong Li et Maggie Cheung. Le groupe compte aussi ouvrir un studio de design à Hongkong cette année.
La saga de Prada est restée jusqu'à présent strictement familiale : le capital de ce groupe fondé en 1913 par Mario Prada est toujours à 94,89 % entre les mains de la famille et de Patrizio Bertelli, directeur général du groupe et mari de Miuccia Prada. La styliste n'est autre que la petite-fille du créateur, qui avait ouvert sa première boutique dans la galerie milanaise Vittorio-Emanuele, à deux pas du Dôme. Ce temple fort onéreux du bon goût est toujours en activité. La maroquinerie s'est étoffée peu à peu avec les vêtements, les chaussures, les lunettes, le parfum...
Seize boutiques en Chine
Seule une banque, l'italienne Intesa Sanpaolo, détient actuellement 5,11 % du groupe. Elle a d'ailleurs été choisie, comme le Crédit agricole, Uni Crédit et Goldman Sachs, pour cornaquer cette mise en Bourse. Prada a sans doute analysé celle, réussie, du groupe de cosmétique L'Occitane en mai 2010, le premier français coté à Hongkong. L'année dernière, cette place a été la plus prisée pour les introductions en Bourse, avec 31,8 milliards de dollars américains (23,2 milliards d'euros) levés par des sociétés européennes et nord-américaines.
Sans donner de précision sur le montant du capital qui sera coté - un seuil de 30 % est évoqué par des analystes - ni sur le calendrier - avant l'été ? -, la direction de Prada veut poursuivre son expansion. Plus de 85 nouvelles boutiques, dont seize en Chine, doivent être inaugurées cette année, s'ajoutant aux 325 magasins détenus en propre dans 65 pays.
Après avoir subi de plein fouet la crise en 2009, Prada s'est relevé et devrait annoncer prochainement un chiffre d'affaires annuel supérieur à 2 milliards d'euros. Il vise les 3 milliards en 2014 grâce aux pays émergents. Selon des analystes interrogés par Reuters, Prada pourrait être valorisé entre dix et quinze fois son bénéfice avant impôts, ce qui, en s'appuyant sur les résultats semestriels de 2010, donnerait une fourchette comprise entre 4,5 et 6,7 milliards d'euros.
Nicole Vulser
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