Le Monde - International, mardi 14 juin 2011, p. 6D'incessantes escarmouches, une cyberguerre par pirates informatiques interposés et des manoeuvres militaires à tirs réels programmées, lundi 13 juin, par la marine vietnamienne : les tensions montent entre Pékin et Hanoï en mer de Chine du Sud, sur fond de course aux ressources énergétiques et halieutiques autour de deux archipels à la souveraineté contestée, les Paracel (Xisha en Chinois) et les Spratly (Nansha en Chinois).Début juin, un chalutier et deux bateaux de surveillance chinois ont été accusés par le Vietnam d'avoir " intentionnellement " sectionné, pour la seconde fois en un mois, les câbles d'un navire vietnamien d'exploration pétrolière qui se trouvait, selon Hanoï, en zone économique exclusive vietnamienne. La Chine affirme que le navire de PetroVietnam croisait au large des Paracel, un archipel que Pékin contrôle depuis 1974 mais qu'Hanoï revendique. Fin mai, des garde-côtes chinois auraient ouvert le feu sur des chalutiers vietnamiens à proximité de l'île Da Dong contrôlée par les Vietnamiens, dans un autre archipel disputé plus au sud, celui des Spratly.
Le 9 juin, Nguyen Tan Dung, le premier ministre vietnamien, a réaffirmé la " souveraineté maritime incontestable du Vietnam sur les deux archipels " des Paracel et des Spratly. Les manoeuvres navales prévues lundi se tiendront à environ 250 kilomètres des Paracel.
La version anglaise du quotidien chinois Global Times dénonçait, lundi, une "
démonstration de force " du Vietnam pour " défier Pékin ". Des pirates informatiques ont attaqué le site du ministère des affaires étrangères vietnamien, y plaçant un drapeau chinois.
Pour la seconde fois en huit jours, des manifestations antichinoises ont eu lieu au Vietnam, dimanche, devant l'ambassade de Chine à Hanoï ainsi que devant le consulat général chinois à Hô Chi Minh-Ville. Les manifestants, une cinquantaine dans la capitale et 250 dans l'ancienne Saïgon, brandissaient des drapeaux vietnamiens. Sur des panneaux, on pouvait lire : " Cessez de violer le territoire vietnamien. " Vêtu d'un T-shirt rouge frappé de l'étoile jaune de la République socialiste du Vietnam, l'un d'entre eux, Quoc Dat, 30 ans, a déclaré : " nous manifestons pour la paix. (...) Si les Chinois nous envahissent, ils perdront. "
Dans un pays où le droit de manifester est sévèrement contrôlé, ces rassemblements sont instrumentalisés par les autorités, la question des relations sino-vietnamiennes étant des plus sensibles. Cela rappelle les protestations chinoises de l'automne 2010, après l'arrestation d'un capitaine de chalutier chinois par les Japonais au large des îles Senkaku, contrôlées par Tokyo mais revendiquées par Pékin. Outre le Vietnam, la Chine est en conflit avec les Philippines, la Malaisie, Brunei et Taïwan sur la question de l'archipel des Spratly. Pékin y contrôle une dizaine d'îlots, Hanoï une vingtaine et chacun des autres pays une poignée.
La Chine, dotée de nouveaux moyens logistiques et militaires pour asseoir ses prétentions, redouble d'agressivité. " Les pays d'Asie du Sud-Est l'acceptent mal, car ils y voient la remise en cause, par la Chine, du consensus de 2002, à Phnom-Penh, qui prévoyait une sorte de code de conduite et un développement commun des ressources. Or la Chine prend sans cesse des décisions unilatérales, explique au Monde, depuis Hongkong, le sinologue Jean-Pierre Cabestan. Le Vietnam et les Philippines ont eux aussi décidé de réagir plus visiblement, certainement encouragés par l'attitude américaine qui, depuis 2010, prône un règlement multilatéral des questions de souveraineté en mer de Chine du Sud, au grand dam des Chinois ."
Brice Pedroletti et Bruno Philip
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