En Chine, Skype à son tour accusé de surveiller ses clients
La filiale chinoise de Skype filtrerait les messages jugés politiquement sensibles de ses utilisateurs. Le groupe se dit piégé par son partenaire chinois.
Comme les autres géants occidentaux de l'Internet ayant tenté une percée en Chine, la société Skype, contrôlée par eBay, se retrouve, à son tour, accusée d'avoir collaboré avec les autorités de Pékin à la mise en place d'un vaste réseau de surveillance des communications locales. Selon une étude d'universitaires canadiens, rendue publique en fin de semaine dernière, TOM-Skype, la filiale chinoise de Skype constituée dès 2005 avec le hong-kongais TOM Online, aurait laissé la « cyber-police » chinoise surveiller, filtrer puis surtout enregistrer des messages échangés par les utilisateurs du logiciel de communication via Internet. Réussissant à infiltrer des serveurs chinois, les experts du « Citizen Lab » de l'Université de Toronto ont découvert les archives de messages jugés politiquement sensibles par le pouvoir communiste ainsi que les données personnelles d'utilisateurs ayant participé à des conversations sur des thèmes trop « brûlants » aux yeux de Pékin. Comme dans la plupart des affaires de censure en Chine, les communications surveillées semblent souvent centrées sur le Tibet, la secte Falun Gong, le Parti communiste ou encore l'indépendance de Taiwan. La gestion du tremblement de terre dans le Sichuan ainsi que le scandale du lait contaminé à la mélamine semblent aussi faire l'objet d'une surveillance particulière depuis quelques semaines. Ce week-end encore, les utilisateurs de Tom-Skype tapant, en mandarin, l'un de ces mots clefs ou les noms de leaders politiques chinois voyaient leurs messages automatiquement annulés.
Visiblement embarrassé par la révélation de cette affaire, Skype, qui revendique 69 millions d'utilisateurs en Chine, mais peine toujours à devenir rentable dans le pays, a présenté ses excuses avant d'affirmer que cette atteinte à la protection de la vie privée était le résultat de modifications apportées à son insu par son partenaire, TOM Online, une filiale de la société TOM Group, contrôlée par Li Ka-shing. La filiale d'eBay a par ailleurs indiqué qu'elle allait demander des explications à son partenaire, qui n'a jamais nié le filtrage de certains mots - obligatoire dans le pays - mais n'avait jamais évoqué le stockage de messages sensibles.
Moins zélé, TOM Group s'est contenté, dans un communiqué, d'expliquer « qu'en tant que société chinoise, elle n'a fait qu'adhérer aux règles et réglementations en vigueur en Chine dans ce type d'opérations ». Un argument qu'ont avancé tous les groupes impliqués dans les précédentes affaires de censure. En 2005, Yahoo! avait lui aussi affirmé qu'il ne faisait qu'obéir à la législation chinoise lorsqu'il avait communiqué aux autorités de Pékin des informations permettant d'identifier le journaliste économique Shi Tao. Utilisant une adresse Yahoo!, le reporter avait envoyé à des confrères étrangers des e-mails évoquant les nouvelles restrictions mises en place par le gouvernement chinois contre les médias. Il a été condamné à dix ans de prison pour divulgation de « secrets d'Etat ».
YANN ROUSSEAU DE NOTRE CORRESPONDANT À PÉKIN.
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