lundi 4 mai 2009

RETRANSCRIPTION AUDIO - Le Tibet est bouclé - Alexandre Adler

Chronique internationale - 12 mars 2009

tilidom.com

Pour Alexandre Adler, la situation au Tibet est liée à la menace que constitue le Xinjiang.

Le 50e anniversaire de l’invasion du Tibet par l’armée chinoise (invasion étant un grand mot puisque le Dalai Lama à l’époque avait reconnu l’appartenance du Tibet à la Chine, mais avec un statut particulier dont il avait toujours joui), ce 50e anniversaire qui devait être la manifestation d’un peuple debout, n’a pas du tout donné lieu aux manifestations et aux émeutes que l’on avait connues à la veille des Jeux Olympiques. Et pour cause. jamais en effet la province n’avait été bouclée ainsi de fond en comble et même bien au-delà puisque des Tibétains des autres provinces chinoises, celles du Qinghai notamment, là où est né le Dalai Lama, ont été cette fois-ci placées sous les mêmes conditions que ceux du Tibet proprement dit – enfin, de la province autonome du Tibet.

Ce n’était pas vraiment une surprise, mais cela montre en tout cas de la part de la Chine une résolution sans faille, surtout à un moment où un président comme Barack Obama est peut-être plus sensible aux suggestions de Hollywood que ne l’était George Bush. Et on sait combien le Dalai Lama est aimé là-bas avec Richard Gere en tête. Donc, on voit bien ce qui c’est passé. Ce n’est pas très important et en même temps, ça ne dit rien des relations entre les Tibétains et la Chine. On sait aussi que ce qui n’a pas été pardonné à Nicolas Sarkozy, c’est d’avoir mis la pression à la veille des Jeux Olympiques pour qu’une négociation s’ouvre ave le Dalai Lama – celle-ci fut de pure forme – mais les Chinois se sont sentis mis un revolver sur la tempe et ils ne le pardonnent toujours pas au président français. [Depuis, la situation a changé]

Peu importe. La question qui se pose véritablement, c’est pourquoi la Chine adopte-t-elle un ton et une attitude aussi intransigeants vis-à-vis d’un pays, le Tibet, dans lequel les conditions d’une autonomie sont réunies et notamment, le Dalai Lama dont la modération contraste avec celle d’un certain nombre de ses partisans (son propre frère par exemple qui fut colonel dans l’armée indienne et qui aimerait bien en découdre davantage) ?
Eh bien, il y a plusieurs raisons à cela : L’intégrité du territoire, le fait d’être respecté, l’exemple de l’Union soviétique, et je crois que l’une des équations cachées de cette affaire qui n’a jamais été soulevée comme il le faudrait : c’est celle du Xinjiang.

En effet, si on laisse de côté le Guangxi qui est une province frontalière du Vietnam qui n’est pas vraiment une province autonome, la Chine connaît deux grands territoires autonomes, parallèles l’un à l’autre, le Tibet et le Xinjiang. Le Tibet est peuplé de Tibétains et le Xinjiang ÉTAIT – car c’est là la situation – peuplé majoritairement de Ouïgours et Kazakhs musulmans et de langue turque. Mais, la colonisation que mène la Chine bat son plein. Aujourd’hui, les hans sont près de 50% au Xinjiang, pays qui par ailleurs connaît une prospection pétrolière intense et qui va déboucher sur la découverte de nouveaux gisements. Bref, la Chine, au fond, pourrait lâcher prise au Tibet, mais elle ne peut pas le faire au Xinjiang, sans aucune condition. Et on sait que les militants Ouïgours sont ceux qui ont mis des bombes à Xi’an, la vieille ville historique, à la veille des Jeux Olympiques, de même que l’on sait qu’ils ont des liens avec des islamistes, avec des pays arabes, notamment l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe comme le Qatar. Bref, il s’agit là d’une menace peut-être plus immédiate sinon plus grave auquel les Chinois sont confrontés.

Or, tout progrès de l’autonomie au Tibet déboucherait sur une autonomie au Xinjiang. La Chine n’en veut pas ce qui ne signifie pas que cette position puisse être définitive.

La vérité, c’est que les Chinois vont devoir négocier dans les quinze années qui viennent, mais qu’ils ne savent pas par où commencer. À un moment donné, Hu Jintao qui avait connu des militants tibétains et des prêtres tibétains lorsqu’il était en poste dans le Gansu, son premier poste préfectoral, était apparu comme l’homme de la conciliation. Il a en effet régné à Lhassa pendant quelque temps, il connaît les problèmes. Il a été à l’origine d’une politique de relance de la religion. Celle-ci n’a pas donné grand chose. Il va bien falloir à un moment ou à un autre que l’ouverture se fasse vers le Dalai Lama. Et pour cela, la Chine a besoin d’être rassurée et notamment de ses relations avec l’Occident.

Si l’Occident utilise la carte tibétaine, la peur de se retrouver dans une position à la Gorbatchev est encore immense, surtout pour un homme comme Hu Jintao qui a la réputation d’être un homme libéral. Voilà pourquoi votre fille est muette.

1 commentaires:

alex a dit…

Bonjour,
Je trouve votre blog très enrichissant, cela change de tout ce que l’on peut lire habituellement sur la Chine. Bonne continuation et merci.