vendredi 30 janvier 2009
Merkel déroule le tapis rouge à Wen Jiabao - Patrick Saint-Paul
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DIPLOMATIE La chancelière allemande s'est davantage attardée sur les contrats que sur les droits de l'homme avec le premier ministre chinois.
LA CHANCELIÈRE allemande, Angela Merkel, a livré une véritable offensive de charme, hier, à son homologue chinois Wen Jiabao, qui lui faisait l'honneur de sa première visite en Europe depuis la brouille sino-européenne sur le Tibet. Alors que la crise financière a durement touché la première économie européenne, il n'est plus question pour la chancelière de sortir des sentiers battus sur la question des droits de l'homme en Chine. Vue de Berlin, la seule lueur d'espoir pour les exportations allemandes se trouve à Pékin.
Après l'accueil sur tapis rouge avec garde d'honneur et la réception dans la salle à manger privée de la chancelière, réservée aux hôtes de marque, la question du Tibet a été rapidement évacuée. Merkel a appelé le gouvernement chinois à reprendre ses discussions avec le dalaï-lama, chef spirituel en exil du Tibet. « Nous avons évoqué la situation au Tibet et du point de vue allemand, j'ai souligné qu'il serait dans notre intérêt commun que les pourparlers avec le dalaï-lama reprennent », a déclaré Merkel lors d'une conférence de presse conjointe avec Wen.
Quelques heures avant l'arrivée du premier ministre chinois, la ministre allemande de la Justice, Brigitte Zypries, avait préparé le terrain en jugeant que Pékin avait accompli des progrès « irréversibles » en matière de respect des droits de l'homme. Depuis 2007, les peines de mort doivent être approuvées par le plus haut tribunal du pays, une mesure qui a entraîné une « réduction notable » du nombre des exécutions, selon Zypries. Par ailleurs, les avocats ont le droit de rencontrer leurs clients sans permission préalable, et les avocats ont accès aux dossiers de la police concernant leurs clients, a ajouté la ministre.
Berlin a été vacciné contre les excès par une période de glaciation des relations sino-germaniques, provoquée par une réception du dalaï-lama à la Chancellerie en 2007. La Chine avait été particulièrement froissée par ce geste, qui était intervenu seulement trois semaines après que Wen eut reçu Merkel de façon très chaleureuse à Pékin. Après la réception du chef tibétain à Berlin, le gouvernement chinois avait annulé toutes les visites ministérielles et les signatures de contrats avec les entreprises allemandes pendant plusieurs mois.
Wen sait aussi se montrer généreux. Il a lâché que l'escale en Allemagne était l'« étape la plus importante » de sa tournée en Europe, qui évite soigneusement Paris. Il a remercié la chancelière d'être revenue à la politique de son prédécesseur, Gerhard Schröder, d'un pudique « dialogue sur les questions d'État de droit ». Avant de signer cinq gros contrats. Et d'affirmer que l'Allemagne est de nouveau un « partenaire clé » pour la Chine.
Les entreprises allemandes se réjouissent de ce retour à la raison économique, qui prime sur le reste alors que l'Allemagne traverse sa plus grave crise depuis soixante ans. En dépit de la baisse de dynamisme de la croissance chinoise, l'Allemagne compte sur la Chine - troisième importateur de produits germaniques - pour maintenir ses exportations, pilier de son économie.
© 2009 Le Figaro. Tous droits réservés.
DAVOS - Le plan de relance de Barack Obama dépendra de l'aide de la Chine
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Davos s'interroge sur les chances de succès d'Obama
ABSENTS de Davos, Barack Obama et l'ensemble de son Administration n'en sont pas moins perçus comme des héros dont on attend des miracles. Venu remplacer au pied levé Lawrence Summers et James Jones, les conseillers de la Maison-Blanche pour l'économie et la sécurité, l'ancien président Bill Clinton a reconnu que la tâche de son successeur est « d'une complexité époustouflante ».
Il existe un risque que les plans de stimulation budgétaire, y compris les 800 milliards de dollars d'Obama « ne débouchent sur rien », a averti Trevor Manuel, le ministre d'Afrique du Sud, lors d'un débat sur les perspectives 2009. Question iconoclaste, mais qui devient de bon sens dès que l'on met en parallèle les forces dépressives que les programmes de relance sont censés compenser.
Le problème est limpide : « Le monde peut-il vivre avec un consommateur américain frugal ? ». Selon les chiffres mis en avant lors de ce séminaire, il apparaît que les 300 millions de consommateurs des États-Unis contribuent à eux seuls au quart de la demande mondiale. C'est trois fois plus que les achats des 2,4 milliards de Chinois et d'Indiens réunis. Il est donc exclu d'imaginer que ces derniers puissent prendre le relais des premiers, a insisté Zhu Min, le vice-président exécutif de la Bank of China, une banque commerciale entièrement propriété de l'État.
Face aux 10 000 milliards de dollars dépensés l'an dernier par les ménages aux États-Unis, le budget annuel des consommateurs chinois, de l'ordre de 1 500 milliards de dollars, ne fait pas le poids. Or il faut s'attendre d'ici un à deux ans à ce que les Américains réduisent de 1 000 milliards leurs achats, selon les calculs de Zhu Min. Cela en raison à la fois de la montée du chômage et du désendettement absolument nécessaires des ménages outre-Atlantique.
De là à penser que les 800 milliards de dollars de crédit budgétaire du plan Obama ne sont pas à la hauteur de l'enjeu, la crainte n'est pas infondée. « Les emprunts bancaires seront très importants dans le rétablissement général, bien plus que les investissements publics », a affirmé Bill Clinton. Et de rappeler que les banques américaines ont actuellement quelque 600 milliards de dépôts auprès de la Banque de réserve fédérale, pour ainsi dire gelés faute de confiance, au lieu de servir à distribuer des crédits.
« Le divorce impossible »
Une chose est sûre, la stratégie de relance sur le point de se déployer à Washington ne suffira pas à elle seule. « On ne pourra sortir de la crise sans le soutien de la Chine et des pays qui disposent de liquidités. Cette crise financière prouve que l'interdépendance mondiale est la chose la plus importante. Le divorce n'est pas possible », a admis crûment Bill Clinton. Il fait allusion aux centaines de milliards de dollars d'achats de bons du Trésor par Pékin. Ce flux de financement pourrait-il venir à se tarir ?
Pour le moment cette tendance ne se dessine pas le moins du monde si l'on en juge l'étonnante résilience du dollar. La plupart des économistes ici présents, tel Alan Blinder, professeur d'économie à Princeton, et ancien gouverneur de la Fed, attribue cette solidité du billet vert à sa fonction de valeur refuge en période de crise globale.
Pour sa part Wen Jiabao, le premier ministre chinois, n'a nullement brandi, même indirectement, la menace de cessation des achats de titres publics américains. Mercredi soir, lors de son allocution spéciale au Forum 2009, il a affirmé « l'impératif de la coopération internationale en période de crise. Toute confrontation ne ferait que des perdants dans le monde entier, au-delà du cadre bilatéral (sino-américain) ». Malgré tout il a tenu à demander « une plus grande surveillance des pays à monnaie de réserve ». En clair, l'Europe et plus encore les États-Unis, dont la prépondérance reste incontestée à cet égard.
Sans s'être concerté avec son homologue chinois, Vladimir Poutine, le premier ministre russe, a stigmatisé « la dépendance excessive vis-à-vis d'une monnaie unique de réserve, ce qui n'est pas sain ». Ces remises en cause de la suprématie du dollar émanant des chefs de gouvernement des deux émergents les plus puissants expriment en réalité une récrimination assez largement répandue vis-à-vis des États-Unis, notamment en période de crise.
Robin, Jean-Pierre
De gauche à droite : Raila Odinga, premier ministre du kenya, Hoshyar Zebari, ministre des Affaires étrangères d'Iraq, Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, Christiane Amanpour, rédactrice en chef à CNN International, Manouchehr Mottaki, ministre iranien des Affaires étrangères, Abdul Rahim Wardak, ministre de la Défense afghan et Mohamed El Baradei, directeur de l'Agence internationale à l'énergie atomique.
C.Hartmann/Reuters
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CINÉMA - Réinventer le cinéma chinois avec Jia Zhangke
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Le cinéma tient peu de place dans la vie culturelle chinoise, déplore Jia Zhangke. Le public ne se reconnaît pas dans le cinéma d'auteur et le cinéma grand public est superficiel, explique le réalisateur.
Il arrive souvent que l'on parle d'un film "à la Jia Zhangke". Je suis curieux de savoir comment vous définiriez cela.
Jia Zhangke : Il faudrait se garder de coller des étiquettes à un film ou à un réalisateur, c'est forcément réducteur. Certains ont cherché à résumer mes dix années de cinéma ; ils ont trouvé deux expressions pour cela : "marginal" et "Chine d'en bas". Or je déteste ces deux formules. Pour moi, la notion de marginalité a d'abord le sens de minorité, en chinois du moins. Mais, depuis Xiao Wu, artisan pickpocket, ce que je ressens et ce que je m'efforce d'exprimer, c'est l'inverse. J'ai voulu filmer les masses, la vie d'une majorité de Chinois, la vie de gens simples, trop rarement portée à l'écran. De ce fait, quand de tels films sortent, ils semblent particuliers.
Ces films ont été montés en épingle : ils ont été interdits, considérés d'abord comme du cinéma underground, parce que le régime ne les acceptait pas [et ne les diffusait pas], puis primés à l'étranger - on s'est alors mis à les regarder en secret ou à acheter les DVD piratés... C'est ce qui m'a donné une image "marginale", en particulier pour Xiao Wu, artisan pickpocket, où les gens ont pensé que je filmais des marginaux. J'estime que c'est un grand malentendu ! En fait, ces films ne sont marginaux qu'au sein du courant cinématographique dominant en Chine, mais la réalité qu'ils dévoilent, le genre de vie et les gens qu'ils montrent, c'est l'essentiel de notre société.
Quant à la "Chine d'en bas", toute société a forcément une structure, et il faut bien reconnaître sans hypocrisie que notre monde n'est pas égalitaire. Mais ceux qui parlent de cinéma en employant l'expression "Chine d'en bas" s'identifient en fait au pouvoir et se considèrent comme distincts de ceux dont ils parlent, ce qui est très dangereux. Personne n'avoue en faire partie, parce qu'on pense toujours trouver quelqu'un de plus malheureux que soi ; cette "Chine d'en bas" n'a pas sa place dans notre culture sociale, et il ne peut être question d'injustice vis-à-vis de ce groupe social, puisqu'en fait personne ne s'identifie à lui.
Ces étiquettes vous dérangent-elles ?
Oui et non ! En tant que réalisateur, cela ne me dérange pas quand je conçois mes propres oeuvres et que je filme l'univers qui m'est familier, que j'aime et qui m'intéresse. Mais, en tant que travailleur de la culture, cela me gêne beaucoup, surtout parce que cela implique d'adapter ma manière de présenter les choses pour pouvoir ouvrir certaines portes. Je veux, au-delà des expressions ou des conclusions simplistes sur la vie, proposer aux spectateurs une ouverture, ou même simplement aiguiser leur curiosité vis-à-vis des autres et de leur propre vie. Mais même la curiosité n'existe plus.
Comment faire, avec les médias dont nous disposons, pour infléchir cette réalité culturelle ?
L'un des moments les plus pénibles que j'aie vécus, c'était en 2002, au Festival de Cannes, où j'étais allé présenter Plaisirs inconnus. Lors de la conférence de presse après la projection, la présentatrice vedette d'une chaîne de cinéma [chinoise] avait longuement pris la parole pour dire que c'était un film mensonger : nous, les Chinois, ne vivions pas du tout ainsi [le film décrit la vie quotidienne de deux jeunes chômeurs traînant dans les rues d'une petite ville du nord de la Chine] ; beaucoup de nos jeunes pouvaient apprendre l'anglais, l'informatique, partir à l'étranger poursuivre leurs études ; les portes de notre pays étaient grandes ouvertes... Pourquoi ce film décrivait-il ce genre de vie ? Cela relevait du mensonge !
Ces paroles, sans aucun doute sincères, m'ont piqué au vif, car elles m'ont brusquement fait comprendre que, tout en vivant dans le même pays, nous en étions arrivés à ne pas reconnaître l'existence d'une autre réalité que la nôtre. Il faut au moins garder une ouverture d'esprit permettant d'admettre que certaines personnes vivent de telle ou telle manière. Il en va de même en ce qui concerne l'Histoire. Moi, je ne suis pas "de droite", et je n'ai donc jamais été jeté à ce titre en camp de travail. Il nous faut pourtant bien admettre qu'une partie des Chinois a vécu cela [allusion au "mouvement antidroitier" de 1957]. Pour quelle raison ne reconnaissons-nous pas l'existence d'une autre perception, d'autres expériences de vie, d'une autre mémoire nationale ? C'est une gêne dans mon travail.
Comment voyez-vous la réalité ?
On est toujours très influencé par les apparences de l'époque, et cela nous limite. Par exemple, ces dernières années, la communauté internationale comme les Chinois eux-mêmes ont surtout conscience d'une chose : du boom économique de la Chine et de son enrichissement. S'enrichir, c'est le maître mot aujourd'hui. Mais je considère qu'en réalité la pauvreté est un grave souci, et que cette pauvreté est source de très nombreux autres problèmes pour la société chinoise.
Quand la pauvreté rentrera-t-elle à nouveau dans notre champ de vision ? En prendre conscience n'est pas difficile mais, quand on parle de la Chine, et notamment de l'art, on met toujours ce problème de côté. Notre état d'esprit est vraiment bizarre !
Outre la pauvreté, ne peut-on pas parler de la monotonie de l'existence ? Un projet de projection de films en zone rurale devait permettre à chaque village de voir un film par mois. Une enveloppe budgétaire annuelle de plusieurs centaines de millions de yuans était prévue, mais cela a conduit à des malversations. Qu'en pensez-vous ?
La question ne concerne pas seulement les villages, mais aussi les petites villes, les chefs-lieux de district, où il n'y a quasiment pas de grand écran. On peut toujours envoyer des équipes de projectionnistes parcourir la Chine, c'est comme lancer une poignée de sable dans l'océan ; on ne voit pas où ça va. Naturellement, il y a aussi des arnaques, mais ce n'est pas le problème de fond. Il est frappant de voir à quel point la vie culturelle rurale est monotone et insipide. En dehors de la télévision, elle se réduit au mah-jong et aux paris. Les vieux sont couchés à 8 ou 9 heures, que reste-t-il aux jeunes ? Le jeu : tout le monde est réuni dans une activité divertissante, et ce n'est pas tant pour l'argent que pour combattre la solitude. Dans un tel contexte, que peut apporter le cinéma ? Il faudrait d'abord se demander comment le faire entrer dans la vie des ruraux.
La diffusion de films par les chaînes de cinéma peut-elle apporter une solution ?
Non, car pour les jeunes le plaisir de se retrouver l'emporte largement sur celui d'apprécier un spectacle. Ils sont les premiers à se précipiter quand arrivent dans leur village un cirque ou des montreurs d'animaux. Ils ne viennent pas tant pour la représentation que pour être ensemble. Le plaisir du cinéma c'est de partager, de voir un film en groupe. Avez-vous remarqué comment les médias modernes séparent les gens les uns des autres ? Par exemple, avec le home cinema, on passe d'une salle de cinéma accueillant cinq cents personnes à un salon familial en rassemblant quatre ou cinq. Même chose pour le téléphone portable ou l'ordinateur, ils vous isolent, et tout cela réduit les occasions de pratiquer des activités en groupe.
Pour améliorer la vie culturelle en milieu rural, j'ai beau réfléchir, je ne vois pas par quel bout prendre le problème ni comment faire avec une population aussi importante et des ressources aussi réduites... Dans l'état actuel des choses, il me semble difficile que le cinéma parvienne à briser la médiocrité de la vie culturelle dans les campagnes.
Le cinéma chinois est-il adapté à cette population ?
Jadis, les spectateurs chinois avaient la solide habitude d'aborder les scénarios sous l'angle d'un discours collectif, et les textes leur fournissaient d'ailleurs matière à cela ; il existait une correspondance entre les oeuvres et les attentes du public. Depuis les années 1990, la création a évolué vers une démarche très individualiste ; en particulier au cinéma, l'expérience personnelle est devenue primordiale, et les procédés esthétiques ou le langage choisis par un individu ne peuvent plus être uniformisés. Cependant, avec ces changements dans la création, l'inertie de toute une culture fait que les Chinois ne sont plus en phase avec les textes. Les spectateurs ont du mal à s'habituer rapidement à des scénarios aussi différents. La réaction la plus élémentaire consiste pour le spectateur à dire : je ne comprends pas ce que tu racontes. Avant, on saisissait ce que montrait le cinéma : le sang était toujours bouillant ; les réformes, une arme à double tranchant ; le loess, les racines de notre peuple ; le sorgho rouge, un air de liberté... Quand la création devient une affaire très personnelle, quand on ne trouve plus de liens directs avec soi, quand la culture met en valeur des sentiments et une perception individuelle infiniment différents des siens, on en arrive à ne pas comprendre. Ce que les gens ne comprennent pas, ce n'est pas l'histoire, c'est qu'ils ne trouvent pas de cadre explicatif familier. C'est en ce sens que je dis que notre culture doit s'adapter peu à peu à l'individualisme, mais pas à l'aveuglette, il faut qu'elle apprenne petit à petit à faire face à une vraie expression personnelle.
On dit souvent que vous êtes un opposant au cinéma grand public. Est-ce le cas ?
Je m'intéresse beaucoup à ce que fait l'industrie du cinéma grand public en Chine, et j'approuve ce qu'elle produit ; je ne suis pas contre l'industrie, ni contre les gros budgets ou les grosses productions. Ce n'est pas à l'industrie cinématographique en tant que telle que je m'oppose, mais à une idéologie véhiculée et manipulée dans les films, qui s'associe en cela au pouvoir. Cela porte atteinte à de grands principes sociaux. Tout le monde croit que je m'oppose au cinéma commercial à gros budget. Je n'en suis pas un adversaire.
Pour remédier à la faiblesse de l'industrie cinématographique chinoise, beaucoup proposent de tourner davantage de grosses productions et des films commerciaux à moyen budget. Qu'en pensez-vous ?
C'est surtout pour le talent des gens de l'industrie cinématographique que j'ai de l'estime. Le cinéma commercial repose sur des talents. Aujourd'hui, à l'exception de deux ou trois cinéastes de Chine populaire, les réalisateurs de grosses productions sont tous des Hongkongais ou des Taïwanais. C'est le cas de Peter Chan Ho-Sun, de John Woo (Wu Yusen), d'Ang Lee (Li An) et de Tsui Hark (Xu Ke), et c'est particulièrement vrai pour les films de kung-fu et le cinéma d'art et d'essai. En fait, la grosse production réunit les meilleurs talents de toutes les régions chinoises. Mais je ne vois pas où est le moteur qui permette l'émergence de jeunes créateurs chinois, que ce soit en Chine populaire ou dans la région.
Les films commerciaux les meilleurs sont des films qui ont été conçus en se fondant sur l'expression des sentiments et les considérations artistiques, et ont employé ensuite des procédés les rendant accessibles à tous pour exprimer leur philosophie. Par exemple, dans Le Parrain, Le Seigneur des anneaux ou Star Wars, le réalisateur prend comme point de départ une réflexion philosophique et sentimentale très poussée.
Qui dit gens différents dit choix d'expression cinématographique différents. Certains aiment les films d'auteur ou les films expérimentaux, d'autres préfèrent un genre plus industrialisé. Mais l'industrie ne vit pas de ses seules ressources, elle repose aussi sur des sentiments et une philosophie. Pourquoi les films de science-fiction et les dessins animés chinois ne parviennent-ils pas à se développer ? Tout le monde dit que c'est du fait de leur manque d'imagination, mais ce n'est qu'une toute petite partie du problème ; le plus important, c'est que ces films manquent de fondement philosophique.
Certains estiment que les conditions sont loin d'être réunies en Chine pour la création de chaînes de salles de cinéma.
Pourquoi ne peut-on pas mettre en place ces chaînes ? Ce n'est pas faute de spectateurs, mais faute de films. Dans ce genre de cinémas, on projette des films 365 jours par an, et même ceux d'un pays comme la France ne parviennent pas à s'alimenter avec la seule production nationale, mais eux ont le droit d'importer librement des films de toutes les régions du monde. Ce n'est pas le cas en Chine, où nous sommes soumis à des restrictions très strictes [avec une liste annuelle de films étrangers autorisés par l'administration]. Si l'on voulait vraiment mettre en place un réseau de salles de cinéma, il faudrait d'abord obtenir du gouvernement qu'il ouvre plus grand la porte.
On dirait qu'il existe un décalage de plus en plus marqué entre le cinéma chinois et la réflexion moderne, alors qu'il doit pourtant être un art particulièrement engagé dans son temps.
C'est lié à la capacité des réalisateurs en tant que groupe social. Or la réflexion que l'ensemble du cinéma chinois est capable d'apporter à la société n'est pas très fournie. Mais ce n'est pas une raison pour supprimer tous les efforts en ce sens. Quand j'étais à l'Institut du cinéma, j'ai été frappé par une remarque du professeur et réalisateur Xie Fei, qui nous avait conseillé de penser et de lire davantage, ajoutant que le niveau d'ensemble du cinéma chinois était équivalent à celui de la littérature de gare. Je pense qu'il voulait parler de notre niveau culturel.
Xu Baike
Bingdian (Pékin)
Courrier international
(Paris)
1997 Unknown Pleasures/Xiao Wu
2000 Platform
2002 Plaisirs inconnus
2005 The World
2007 Still life
2008 24 City (sortie en salles en France le 18 mars).
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Une parodie de justice dans l'affaire du lait frelaté - Li Ping
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Li Ping
Apple Daily (Hong Kong)
Malgré l'ampleur du scandale et le nombre des victimes, les hauts fonctionnaires et les responsables politiques ont échappé à toute sanction. Un état de fait qui provoque l'ire de l'opinion publique.
Un premier jugement a été rendu le 22 janvier, à Shijiazhuang, capitale de la province du Hebei, dans l'affaire du lait en poudre contaminé à la mélamine qui a fait au moins six morts et provoqué des problèmes rénaux chez près de 300 000 nouveau-nés en Chine. Certes, deux agriculteurs ont été condamnés à mort, Tian Wenhua, l'ancienne PDG de la société Sanlu qui a produit et écoulé le lait contaminé, a été condamnée à la prison à vie, et le groupe en faillite a été condamné à verser une amende de 49,30 millions de yuans [5,4 millions d'euros], mais ce verdict est-il rassurant ? Pas sûr, d'autant que les tribunaux persistent à refuser de recevoir les demandes de dédommagement des familles et que les hauts fonctionnaires impliqués dans cette affaire continuent d'échapper à la justice.
Les deux agriculteurs condamnés à mort ont été reconnus coupables d'avoir nui à la sécurité publique par des pratiques dangereuses et d'avoir commercialisé des produits alimentaires toxiques. En revanche, le chef d'accusation retenu contre les dirigeants de Sanlu, dont Tian Wenhua, étant d'avoir mis en vente des produits frelatés, ils encourraient la perpétuité comme peine maximale. Autrement dit, ils étaient sûrs dès le départ d'échapper à la mort. Pourtant, après avoir reconnu le 1er août que leur lait contenait de la mélamine, les dirigeants de Sanlu ont continué à en produire jusqu'au 12 septembre, soit plus de 900 tonnes au total, dont 813 tonnes ont été vendues. Pourquoi ces gens-là n'ont-ils pas eux aussi été reconnus coupables d'avoir produit et vendu des produits toxiques ?
En réalité, le fait que tous les tribunaux de Chine refusent de recevoir les demandes de dédommagement dans cette affaire prouve que l'instruction n'a été qu'un simulacre, qu'elle était manipulée en coulisses par le gouvernement et la commission juridique et politique du Parti communiste. Le lait contaminé a fait des victimes dans presque toutes les provinces chinoises. Normalement, la Cour suprême aurait dû ordonner une délocalisation du procès pour éviter toute ingérence des pouvoirs publics du Hebei dans son déroulement. Mais les autorités n'ont même pas pris la peine de sauver les apparences. En d'autres termes, l'affaire peut être close sans sortir de la province. On n'a aucunement à craindre qu'un procureur, un juge ou un avocat irrespectueux demande des détails sur les dessous explosifs de l'affaire !
Dans un rapport écrit adressé le 2 août à la mairie de Shijiazhuang, le groupe Sanlu reconnaissait avoir décelé de la mélamine dans des poudres de lait dont il avait demandé le retour. Le problème est que non seulement la mairie n'a pas exigé de Sanlu l'arrêt de sa production, mais qu'elle s'est opposée à un rappel des produits et a même décidé d'étouffer l'affaire, afin d'éviter toute plainte des consommateurs ou toute insistance des médias sur le sujet. Même si le secrétaire du Parti pour la municipalité de Shijiazhuang, Wu Xianguo, le maire Ji Chuntang et deux de ses adjoints ont été limogés, pourquoi le procureur n'a-t-il pas poursuivi ces hauts fonctionnaires pour manquement à leur devoir ? Pourquoi la cour ne les a-t-elle pas cités à comparaître ?
En Chine comme à l'étranger, la presse se demande si ce n'est pas par crainte que le scandale ne ternisse la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, le 8 août, que les autorités ont étouffé jusqu'en septembre l'affaire du lait contaminé. De nombreuses questions se posent : ces hauts fonctionnaires avaient-ils lu le rapport du groupe Sanlu ? Quand Wu Xianguo et Ji Chuntang se sont-ils réunis pour en discuter ? A qui en ont-ils référé ? Pourquoi le gouverneur du Hebei, Hu Chunhua [nommé à ce poste en avril 2008 par Hu Jintao, dont il est proche], n'a-t-il pas été inquiété ?
La population est-elle vraiment satisfaite du comportement du gouvernement provincial ? Essayons de savoir ce que pensent les citoyens qui se sont vu interdire l'accès au tribunal pour assister au procès, les familles d'enfants malades qui ne peuvent demander de dédommagements devant les tribunaux, les familles de victimes chassées et battues pour avoir tenté d'exposer leurs doléances en haut lieu !
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Le trafic d'organes se porte bien - Geoffrey Cain
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Far Eastern Economic Review (Hong Kong)
Malgré l'arrestation de quelques trafiquants, le commerce illégal de reins et de coeurs se poursuit dans toute la région. Une réalité qui incite certains Etats à se doter d'une législation adaptée.
Un inconnu l'a abordé pour lui proposer du travail, raconte Mohammad Salim à la chaîne de télévision indienne NDTV. On l'a ensuite conduit dans une pièce sombre à la peinture écaillée où deux hommes armés lui ont fait une injection. Il a alors perdu connaissance, pour se réveiller plus tard avec une douleur au flanc, sous le regard d'un médecin. On venait de lui prélever un rein. Les hommes lui ont versé 50 000 roupies [790 euros] en échange de cet organe. Mais, à cause de la douleur, il a été incapable de travailler pendant des mois.
Amit Kumar, le médecin responsable de ce prélèvement, a fini par être appréhendé. Mais le trafic d'organes demeure un marché juteux en Asie. Dans la région, les reins sont facturés entre 25 000 et 60 000 dollars [de 20 000 à 47 000 euros], les poumons et les coeurs pas moins de 150 000 dollars. Mais, contrairement aux trafics de drogue ou d'êtres humains, aux mains de seigneurs de guerre véreux, le commerce d'organes est le fait de praticiens de Chennai [l'ancienne Madras], de Manille ou d'Islamabad au carnet d'adresses étoffé, et d'intermédiaires hâbleurs habitués des bidonvilles de ces grandes villes.
Les progrès médicaux, la corruption et la pauvreté galopante ont chacun à sa façon contribué à l'expansion du marché des organes en Asie, les "touristes en attente de greffe" étant de plus en plus nombreux à court-circuiter sans grand mal les listes d'attente au Pakistan, en Inde, en Chine et aux Philippines. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 10 % des transplantations dans le monde seraient réalisées illégalement. Avant l'adoption au Pakistan, en 2007, d'une loi interdisant de tels actes chirurgicaux sur des étrangers, l'Institut de transplantation et d'urologie de la province du Sind, dans le sud-est du pays, estimait que les bénéficiaires des quelque 2 000 transplantations annuelles de rein étaient à 75 % des touristes médicaux étrangers. En Chine, a révélé la revue médicale britannique The Lancet, 90 % des organes utilisés dans les 11 000 greffes annuelles ont été prélevés sur des condamnés à mort exécutés.
Que les plus pauvres vendent leurs reins n'est pas une nouveauté. Et il arrive qu'on les leur prélève sans rétribution. Certaines accusations remontent ainsi au début des années 1990, époque à laquelle la police d'Agra, dans l'Etat indien de l'Uttar Pradesh, avait découvert qu'une clinique gérait un commerce de cornées et de reins qu'elle collectait auprès de lépreux. Au lendemain du tsunami de 2004, 150 habitants de la province indonésienne de Banda Atjeh avaient déclaré avoir vendu un rein pour pouvoir reconstruire leur maison.
Avec l'arrestation, début 2008, du Dr Amit Kumar, surnommé par la presse "le médecin de l'horreur" pour avoir prélevé illégalement plus de 600 reins, et celle, en septembre de la même année, du magnat singapourien Tang Wee Sung, qui avait tenté d'acheter un rein pour 300 000 dollars, le trafic d'organes est passé au premier plan des préoccupations de l'OMS.
L'Iran, seul marché réglementé au monde
Les conséquences pour les groupes concernés peuvent être, il est vrai, dévastatrices : les donneurs rétribués se retrouvent dans l'incapacité de travailler pendant de longs mois, privés des soins postopératoires indispensables et, au bout du compte, dans une précarité financière pire qu'avant l'opération. La crise économique et la flambée des prix des denrées en 2008 n'ont pas amélioré la situation. Mais ce n'est pas de l'économie en berne que pourrait venir la plus lourde menace, estiment certains médecins, mais d'une nouvelle législation américaine autorisant la mise à l'essai de programmes de vente d'organes. En vertu de cet Organ Clarification Act, adopté en 2008, les donneurs pourraient se voir indemnisés sous la forme d'une rétribution financière ou d'une assurance santé gratuite à vie. Cette loi ravive en outre un vieux débat : faut-il légaliser ou prohiber la vente d'organes, ou trouver une solution intermédiaire ? "Imaginons qu'un Etat, disons la Pennsylvanie, adopte une règle et qu'un autre, par exemple le Michigan, en prenne une autre. Les donneurs d'organes afflueront-ils dans l'Etat proposant le meilleur prix de vente au donneur et le plus avantageux au receveur ?" s'interroge le Dr Francis Delmonico, professeur de chirurgie à la faculté de médecine de Harvard. "Dans une économie mondialisée, pourquoi n'y aurait-il pas des différences de prix similaires entre le Pakistan et le Moyen-Orient ? Pourquoi les Américains achèteraient-ils un rein à Providence, la capitale du Rhode Island, si cela leur revient moins cher au Pakistan ?"
Au Pakistan, néanmoins, un tel achat est désormais difficile. La répression engagée depuis peu a en effet permis de juguler le trafic de reins, notoirement florissant par le passé. Un an après l'interdiction, en 2007, des greffes sur les étrangers, le nombre total de transplantations réalisées au Pakistan s'est effondré, passant de 2 000 à 700, souligne le Dr Farhat Moazam, directeur du Centre pakistanais d'éthique et de culture biomédicales. Ceux qui s'opposaient à un marché réglementé se sont empressés de mettre en avant cet exemple comme celui à suivre.
Les mêmes seraient déçus par la situation qui prévaut de l'autre côté de la frontière, en Iran. Là, le marché est encadré. L'Iran peut ainsi se targuer d'avoir le seul marché de la greffe réglementé au monde, et une offre d'organes abondante, le gouvernement garantissant aux donneurs 1 200 dollars et une assurance santé gratuite. Malgré cette rémunération, les autorités parlent de "partage" d'organes. Les intermédiaires et les courtiers sont interdits, et les donneurs potentiels ne sont pas autorisés à faire de la publicité pour leurs reins. Ce qui n'empêche pas certains d'entre eux, en particulier s'ils sont d'un groupe sanguin rare, de réclamer aux receveurs des dessous-de-table allant jusqu'à 10 000 dollars, donnant finalement à ce commerce légal des airs de marché noir.
Geoffrey Cain
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jeudi 29 janvier 2009
La leçon sino-russe au monde en crise - Jean-Jacques Roth
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Le World Economic Forum s'est ouvert avec les discours successifs des premiers ministres chinois et russe. Ils désignent les responsables de la crise, Etats-Unis en tête, et proposent leurs remèdes.
Ce sera 8%. Le chiffre le plus attendu de ce début d'année est tombé de la bouche du premier ministre chinois Wen Jiabao, en ouverture du Forum économique de Davos où il a fait escale, après sa visite de travail à Berne (LT du 28.01.09) et dans le cadre d'une tournée dans plusieurs capitales européennes.
Huit pour cent de croissance chinoise en 2009, alors que le dernier trimestre 2008 n'a affiché que 6,8%, un chiffre qui a fait craindre un essoufflement fatal du dernier moteur économique mondial. Ces 8% représentent la fourchette haute que les observateurs espéraient sans trop y croire. L'objectif est pour Wen Jiabao «nécessaire et atteignable» même s'il demandera un «gros effort». Mais de premiers signes de réchauffement sont apparus en janvier, avec une augmentation de la consommation des ménages.
Confiance, donc. Cette ambition est à l'image du message délivré par le premier ministre, qui a vanté la santé de son système financier et longuement détaillé les mesures prises par son gouvernement depuis l'éclatement de la crise financière. Réformes structurelles, plan de relance, programmes sociaux, la Chine s'est attaquée aux symptômes de la crise comme à ses racines profondes, assure-t-il. Mais ce long catalogue administré par Wen Jiabao devant les 2500 participants du WEF est aussi une leçon au monde en crise, et au monde qui a généré la crise. Pour lui, celle-ci doit son origine à des «politiques macroéconomiques non appropriées» suivies par des pays consommant trop et n'épargnant pas assez, par des pays n'ayant pas assuré une bonne surveillance de leurs marchés financiers, par des pays dont les agences de notation n'ont pas fait leur travail. Suivez le doigt levé de Wen Jiabao: c'est évidemment aux Etats-Unis que revient la responsabilité du chaos. Alors que la Chine, par sa politique «active et responsable», contribuera à la «croissance et à la stabilité du monde»
Quelques heures plus tard, en ouverture cette fois officielle du Forum, le premier ministre russe Vladimir Poutine a, sur les origines de la crise, fait une analyse quelque peu différente. «On a tendance à concentrer les critiques sur les Etats-Unis, je ne le ferai pas», a-t-il dit. Et pour cause, puisque la Chine et les Etats-Unis forment, selon lui, le couple responsable du déséquilibre, avec d'un côté celui «qui imprime l'argent nécessaire à financer sa consommation excessive» et de l'autre celui qui «fabrique des produits bon marché et encaisse les devises».
Tout oppose l'impassibilité de Wen Jiabao à la tension de Vladimir Poutine, le discours structuré du premier et celui plus décousu du second. Le danger est pourtant le même pour les deux leaders: c'est le retour du protectionnisme pour Wen Jiabao, celui de l'isolationnisme pour Vladimir Poutine. Ils en appellent à «la modération», signe éloquent du risque de la voir s'effacer devant l'ampleur des pressions.
L'un et l'autre proposent leur catalogue de solutions, qui passent sans surprise par un renforcement de la régulation et de la surveillance du système financier mondial, de nouvelles plateformes de coopération internationale et une redistribution des pouvoirs au profit des économies émergentes. Vladimir Poutine y ajoute une mise en garde impérieuse à l'adresse des pays occidentaux acculés à apporter un soutien public à leur système bancaire en péril: il faut prendre garde à ne pas «s'ingérer dans la vie économique, à ne pas avoir une foi aveugle dans les pouvoirs de l'Etat». Rappelant ce que l'économie administrée a coûté à son pays, il regrette de voir à l'oeuvre «une volonté de diluer l'esprit d'entreprise». Frisson dans la salle des «global leaders»: qui eût imaginé pareil discours il y a six mois encore?
Wen Jiabao et Vladimir Poutine se répondent encore avec deux proverbes. «C'est en tombant de l'arbre qu'on apprend à marcher», a dit le Chinois. «On se renforce en marchant», a dit le Russe. La crise est donc facteur d'opportunités, aussi. Mais si chacun s'accorde à demander un monde d'après-crise plus respectueux de l'écologie et des nouveaux pouvoirs, nul n'en dessine précisément les contours. Vladimir Poutine propose au surplus un système de sécurité énergétique mondial «entre tous les acteurs de la chaîne» afin d'établir une base normative et juridique qui permettrait d'éviter les crises récemment traversées, et de stabiliser les prix. «Ce serait une création aussi importante que la Communauté du charbon et de l'acier», précurseur de la Communauté européenne. Il exige enfin une moindre dépendance vis-à-vis du dollar et un meilleur contrôle des critères d'émission de la principale monnaie de réserve.
Et le président Barack Obama? Absent de Davos, il aura entendu Vladimir Poutine se réjouir de travailler avec lui - et au moment où il s'exprimait à Davos, la Russie annonçait qu'elle différait le déploiement de missiles à Kaliningrad pour saluer le changement d'attitude de la nouvelle administration américaine. Wen Jiabao a, lui, souligné avec moins d'effusion que «le maintien des bonnes relations entre la Chine et les Etats-Unis sont dans l'intérêt du monde». Tout reste à faire.
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La répression s'amplifie au Tibet - Pascale Nivelle
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81 arrestations en deux semaines.
La campagne s'intitule «Frapper fort» et vise à créer «un bon environnement social» au Tibet, entre le Nouvel An chinois, célébré lundi, et le tibétain qui doit l'être le 25 février. Depuis le 18 janvier, plus de 200 policiers ont ratissé jour et nuit bars, hôtels et appartements, 8 424 personnes ont été interrogées et 81 arrêtées. Les suspects sont accusés de vol, de prostitution ou de détenir des faux papiers, mais pas seulement. Deux personnes ont notamment été arrêtées pour avoir téléchargé de la «musique réactionnaire» ou tenu des «propos réactionnaires» sur leurs téléphones portables. En décembre, 59 personnes avaient déjà été arrêtées au Tibet, dont certaines pour ce motif. Selon les organisations protibétaines, ces arrestations s'ajoutent à des centaines d'autres, perpétrées depuis les émeutes de mars. Des manifestations pacifiques avaient dégénéré, et la répression avait fait près de 200 morts et 1 000 blessés selon les exilés. Pékin avait reconnu 21 morts, tous du côté des forces de l'ordre.
Pour les organisations protibétaines, Pékin, très nerveux à l'approche du cinquantième anniversaire du soulèvement tibétain de mars 1959, intensifierait la répression. Selon International Campaign for Tibet (ITC), la campagne a pour but «d'intimider les Tibétains». Le pouvoir, qui devra également affronter en juin le 20e anniversaire des événements de Tiananmen, a récemment durci son contrôle : 1 500 sites Internet ont été bloqués depuis début janvier, sous couvert d'une «campagne morale de lutte contre la pornographie et les vulgarités».
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DOCUMENTAIRE - Une heure sur terre - Chine, la dernière voix
Le Nouvel An chinois: fête gâchée par la crise
VIDÉO - Fipa 2009 : Living with Van Gogh
mardi 27 janvier 2009
DERNIÈRE IMAGE DE SUISSE - Wen jiabao en visite officielle
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Suisse et Chine évoquent le libre-échange - D.S. Miéville
La Chine et la Suisse vont entamer l'étude de faisabilité d'un accord de libre-échange. Un groupe de travail commun a été mis sur pied, qui commencera ses travaux à partir de l'été. Il y a longtemps que la Suisse attend cette ouverture, qui constitue le point d'orgue de la visite officielle à Berne du premier ministre chinois Wen Jiabao. Ce dernier a été reçu mardi par Hans-Rudolf Merz, accompagné de Doris Leuthard, Pascal Couchepin et Micheline Calmy-Rey.
Une importante mobilisation, donc, pour cette visite de travail d'une forte délégation chinoise, qui a quitté Berne en soirée pour le Forum de Davos. Cette visite bernoise s'inscrit dans une tournée des capitales européennes destinée à approfondir les relations et à créer un lien de confiance entre la Chine et le Vieux Continent, qui verra Wen Jiabao se rendre également en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne et à Bruxelles.
Il s'agit de la première rencontre officielle au plus haut niveau depuis la fameuse visite d'Etat du président Jiang Zemin en mars 1999 (lire ci-dessous). Le climat en a été bien différent, à en juger la satisfaction exprimée mardi à Berne par les deux parties. Une rencontre qui s'est déroulée dans une atmosphère extrêmement amicale, et au cours de laquelle la délégation chinoise a multiplié les messages positifs, a assuré Hans-Rudolf Merz. Une rencontre entre de vieux amis et de bons partenaires entretenant des relations fructueuses, a commenté pour sa part Wen Jiabao.
La crise financière et économique a été au centre de ces entretiens, de même que l'approfondissement des relations économiques. La Chine et la Suisse doivent combattre la crise la main dans la main, a assuré le premier ministre chinois. En tant que principale place financière mondiale, la Suisse a vocation à participer aux discussions du G-20, où se déroulent les débats sur l'amélioration du cadre normatif, ont rappelé, dans ce contexte, ses interlocuteurs helvétiques.
Pour la Chine, la Suisse est un partenaire intéressant, avec un poids économique et financier assez conséquent pour lui permettre d'amasser de l'expérience en matière de libre-échange, une tête de pont, en quelque sorte, sur le continent européen. Pour l'économie, un tel accord avec la Chine constituerait, après celui qui va être signé avec le Japon dans les semaines à venir, un nouvel ancrage dans cette partie du monde.
A l'occasion de cette visite, Doris Leuthard et le ministre chinois du Commerce, Chen Deming, ont également signé un nouvel accord bilatéral sur la protection des investissements, qui remplace des dispositions datant de 1986. Vu le chemin parcouru depuis lors par la Chine, ce premier traité s'avérait largement dépassé. Il n'offrait par exemple pas de traitement national aux investisseurs de l'autre partie et ne prévoyait qu'un accès très limité au mécanisme d'arbitrage international. Les principales dispositions de l'accord signé mardi concernent le traitement des investissements étrangers par l'Etat hôte, le transfert du capital et des revenus de l'investissement, l'indemnisation en cas d'expropriation et des procédures de règlement des différends. Il permettra aux investisseurs suisses, se félicite le Département fédéral de l'économie, de figurer parmi les premiers à bénéficier d'une protection de droit international de haut niveau sur le marché chinois.
Cet accord devrait renforcer l'attractivité du marché chinois pour les entreprises suisses. Plus de 300 d'entre elles sont installées en Chine et y emploient près de 110 000 personnes. Avec cinq milliards de francs, la Suisse est le 15e investisseur étranger dans ce pays. L'approfondissement des relations économiques devrait également renforcer les investissements chinois en Suisse, qui demeurent à ce jour modestes. Les deux parties se promettent également de développer les échanges dans les domaines de la culture, de l'environnement, de la technologie et du tourisme. Le dialogue sur les droits de l'homme sera tout aussi bien poursuivi.
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