Un jeune Français de 28 ans, Claude Maréchal, a fait le pari de séduire les Chinois du nord de la Chine où tout reste à faire dans le commerce du vin.
Claude a réussi son pari ! Son premier conteneur de 10 000 bouteilles de beaujolais est arrivé au port de Dalian il y a quelques jours. Moins d'un an après son arrivée dans cette grande ville industrielle du nord de la Chine, il commence à imposer « son vin » et il espère ne pas s'arrêter en si bon chemin. « Tous les produits français jouissent ici d'un prestige associé au luxe et les Chinois ont les moyens financiers de se les offrir », explique Claude Maréchal, 28 ans, dans sa nouvelle boutique bien située sur l'avenue de la Victoire, à Dalian. « Dans ces provinces du nord de la Chine, le terrain est pratiquement vierge en ce qui concerne le vin, tout reste à faire et j'ai le luxe de pouvoir "éduquer" les clients chinois à d'autres vins que le bordeaux dont l'image domine aujourd'hui le marché. »
Ainsi ce jeune pionnier du beaujolais a organisé en moins d'un an plus d'une vingtaine d'événements promotionnels afin de se faire connaître : dégustations de vin dans les hôtels prestigieux de la ville, invitations d'hommes d'affaires influents, émissions sur les chaînes de télévision nationale ou locale comme CCTV ou Dalian TV. Sans oublier non plus les multiples radios très friandes de sujets un peu exotiques avec un invité français qui saura parler du vin avec amour et romantisme, autres éléments de séduction pour les produits français. « Pour l'instant, j'ai la chance d'être encore le seul dans la région et je suis sidéré par la faculté de découverte et de curiosité des Chinois. Ils ne demandent qu'à goûter, voir, écouter et sont prêts à se lancer dans de nouvelles aventures de façon très émotionnelle, sur un coup de coeur, d'autant que certains d'entre eux sont très fortunés. » Pour l'heure, Claude Maréchal se contente de vendre ses bouteilles entre 450 et 900 yuans (50 et 100 €). Le vin est un luxe, mais les Chinois s'enrichissent et dans les grandes villes comme Pékin, Shanghaï, Hangzhou, Dalian, le niveau de vie ne cesse de progresser.
Claude Maréchal tient à changer l'image du beaujolais considéré en Chine comme un vin de table, somme toute très simple. Lorsqu'il a proposé son projet l'année dernière à la Société des beaujolais Dupeuble, une entreprise familiale d'une dizaine d'employés en France, « cinq jours après ils m'ont dit "banco"... l'aventure chinoise pouvait se poursuivre ». Quelques mois auparavant, cet ancien étudiant en commerce international à l'université de Clermont-Ferrand s'était lancé dans une affaire d'import-export avec la Chine basée à Lyon. Il importait de Chine des lecteurs MP3 et il avait reçu les MP4 avant tout le monde en France. Mais l'affaire a mal tourné et il s'est retrouvé à la case départ. « C'est le côté français qui m'a joué un mauvais tour, pas la partie chinoise. J'avais fait une erreur et déposé le bilan. Je me suis mis ensuite à prospecter les marchés porteurs en Chine. Le vin m'a semblé être le secteur où beaucoup restait encore à faire et je me suis lancé », raconte-t-il.
Depuis, il n'a rien perdu de son enthousiasme, au contraire. « Ici, lorsque je me lève le matin, je me sens optimiste et plein d'énergie. Dans les rues, lorsque j'entends éclater des pétards je me dis que c'est un nouveau magasin ou restaurant qu'on inaugure. L'effervescence enveloppe la ville. Cette frénésie communicative vous prend et ne vous lâche plus. » Aujourd'hui, la seconde phase de son projet est en marche. Il a trouvé une partenaire, Mme Guan Ying, ancienne acheteuse d'alcools et de vins pour une grande société de supermarché chinoise, qui s'est mise à son compte depuis un an. Elle vend d'autres vins venus du monde entier mais elle s'est engagée à mettre en avant son beaujolais. Elle aimerait bien que « Le Château Dupeuble », nom de la boutique, fasse des petits dans toute la Chine.
Depuis son arrivée en Chine, ce jeune Français a appris à aimer ce pays. « Il y a encore de l'avenir ici, tout reste à faire, même si je suis conscient que le système chinois n'est pas parfait. Mais tout le monde essaye de s'en sortir, de réussir... Nous traitons trop les Chinois avec condescendance en France, ce ne sont pas nos esclaves, car s'ils fabriquent nos chaussures, ils font beaucoup mieux que ça ! Ils progressent en tout et j'ai appris ici à être plus humble vis-à-vis d'eux. Lorsque je rencontre un planteur de cacahuètes qui me demande de lui raconter le vin français alors qu'il n'avait jamais rencontré d'Occidentaux auparavant, le moment est magique et merveilleux. Je les écoute aussi et j'apprends. »
De plus en plus autonome grâce à sa maîtrise de la langue, Claude s'est marié avec une jeune femme chinoise très traditionnelle et qui se montre solidaire de son aventure professionnelle. Une fois les barrières linguistiques dépassées, les obstacles culturels se franchissent progressivement, avec plus ou moins de bonheur mais Claude apprend et s'intègre. « Ma vie est ici, désormais. Sur le marché du vin, nous avons encore une fenêtre d'une bonne dizaine d'années de prospérité. » Mais il sait que la concurrence risque d'être de plus en plus rude. D'autres Français vont venir, d'autres pays vinicoles pointent également leur nez et les Chinois, qui apprennent aussi très vite, s'organiseront tôt ou tard eux-mêmes pour monter leur propre filière d'importation. « Déjà, j'en vois certains qui s'y connaissent plus que moi. C'est maintenant qu'il va falloir s'accrocher. »
DORIAN MALOVIC
Une bouteille de vin par personne et par anLe marché du vin en Chine ne cesse de progresser, mais il semble que le vin français reste le favori des nouveaux riches qui ont les moyens de se l'offrir. Selon les derniers chiffres publiés par Ubifrance, la structure française d'aide à l'export, les importations de vins français comptent pour 50 % du marché total chinois. En 2003 pourtant, les importations de vins français n'arrivaient pas à la 20e place.
Alors que le vin produit en Chine domine encore 90 % du marché, la consommation, toujours en hausse, promet encore un bel avenir aux importations. Une étude du Centre international de recherche sur les vins et spiritueux (IWSC), publiée il y a un mois, montre que le marché chinois du vin a augmenté de 100 % entre 2005 et 2009 et qu'il va encore croître de 20 % jusqu'en 2014.
La consommation de vin en Chine atteint aujourd'hui une bouteille par personne et par an mais la Chine a une population de 1,4 milliard d'habitants ! Ce qui représente un doublement de la consommation par rapport à 2005. Et dans ce marché, le vin français commence à prendre sa part.
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