Pékin a investi 1.500 milliards de dollars de ses réserves de change dans la dette des Etats-Unis. Le gouvernement affirme vouloir diversifier ses investissements mais se retrouve contraint d'acheter massivement des bons du Trésor américain.
Lorsque les autorités centrales chinoises, et notamment Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale, ont remis en question, fin mars, juste avant le G20, le rôle hégémonique du dollar dans l'économie mondiale et évoqué une nouvelle monnaie de réserve contrôlée par le Fonds monétaire international (FMI), beaucoup d'analystes ont compris que le pays allait rapidement tenter de casser sa dépendance au billet vert. Ils ont pour l'instant été déçus. La Chine vient, au contraire, d'accélérer ses achats de dette américaine. Sur le seul mois de mars, elle aurait acquis 23,7 milliards de bons du Trésor américain. « Le gouvernement a bien lancé plusieurs avertissements et autres ballons d'essai, mais, concrètement, il leur est très difficile de révolutionner leur politique monétaire. Ils sont coincés », résume un expert européen.
La Chine, qui enregistre depuis le début des années 2000 d'énormes surplus commerciaux, a dû gérer l'arrivée dans le pays des colossaux flux de dollars gagnés par ses exportateurs. Pour empêcher une appréciation de sa propre monnaie, le yuan, et protéger les prix bas des productions « made in China », la banque centrale a massivement racheté ces devises qui inondent le pays. Selon les derniers calculs de Brad Setser, un chercheur du Council of Foreign Relations, elle aurait ainsi accumulé ces dernières années 1.500 milliards de dollars, sur un montant de devises étrangères total estimé à 2.300 milliards de dollars.
Pour faire fructifier cet argent, la Safe, l'organisme public de gestion des réserves de change, a massivement investi aux Etats-Unis et particulièrement dans la dette américaine. Brad Setser estime que le pays détenait ainsi, à la fin mars, près de 760 milliards de dollars de bons du Trésor américain, 489 milliards d'obligations d'agences (Fannie Mae, Freddie Mac, Ginnie Mae...), 121 milliards d'obligations d'entreprises ou encore 104 milliards de dollars d'actions américaines.
Placements risqués
Mais, avec la crise, Pékin s'inquiète pour la sécurité de ses investissements. Il craint notamment que l'envolée des déficits américains ne pousse à la baisse la valeur du dollar, et donc la valeur globale des placements de la Chine. S'il cherche bien à diversifier ses investissements, le pays a jusqu'ici peiné à trouver des marchés aussi vastes et liquides capables d'absorber ses énormes placements en dollars.
De multiples acquisitions d'actifs miniers ou énergétiques ont été annoncées, mais elles demeurent limitées par rapport au rythme d'accumulation des dollars. Les achats d'or ont été renforcés mais peinent, eux aussi, à suivre le rythme de hausse des réserves de change du pays. Ils représentent aujourd'hui moins de 2 % du montant total de ces réserves contre 4 % en 2002.
Pour casser sa dépendance au dollar, Pékin semble désormais vouloir promouvoir l'utilisation de sa propre devise dans les échanges internationaux. Depuis décembre, le pays a signé six accords d'échange de devises, impliquant 650 milliards de yuans (95 milliards de dollars), avec la Corée du Sud, Hong Kong, la Malaisie, la Biélorussie, l'Indonésie et l'Argentine. Mais, ces « swaps », pointent les experts, ne pourront pas séduire le commerce international tant que le pays n'aura pas accepté de rendre le yuan totalement convertible et ne le laissera pas flotter librement. Une perspective que refuse toujours Pékin, paniqué à l'idée de voir sa monnaie s'apprécier et son modèle économique basé sur une production bon marché s'écrouler.
YANN ROUSSEAU
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