Le climat des affaires se dégrade : lois discrétionnaires, opacité des appels d'offres, avantages aux groupes locaux.
Plus d'une longue semaine d'attente aura été nécessaire à Google pour obtenir de la Chine le renouvellement annuel de sa licence d'exploitation. Pékin l'a finalement accordée vendredi 9 juillet, neuf jours après la date d'expiration et alors qu'un bras de fer oppose depuis plusieurs mois le géant de l'Internet américain au gouvernement chinois, entre cyberattaques et problèmes de censure. Les déboires de Google, mais aussi l'affaire du minier anglo-australien Rio Tinto, sont aujourd'hui les symptômes les plus spectaculaires d'un durcissement du climat des affaires pour les entreprises étrangères présentes sur le marché chinois.
Interventionnisme politique, application discrétionnaire des lois, opacité des appels d'offres, contrefaçon... Les groupes occidentaux semblent tolérer de moins en moins ces règles du jeu bien particulières. La frustration grandit comme en témoigne cet aveu amer du patron de General Electric, Jeffrey Immelt, lors d'un dîner avec des industriels italiens, début juillet : « Je suis très préoccupé par la Chine », affirmait-il, disant y rencontrer « les pires conditions de travail depuis vingt-cinq ans. » Le patron du conglomérat américain n'a pas apprécié de voir ses propos rapportés en « une » du Financial Times. Mais si la discrétion reste de mise pour une entreprise souhaitant se développer en Chine, le ras-le-bol de M. Immelt semble très largement partagé.
C'est ce qui ressort d'une enquête publiée fin juin par la chambre de commerce européenne à Pékin. Parmi les quelque 500 entreprises ayant participé à l'étude, presque 80 % d'entre elles se disent confiantes sur l'évolution de la croissance chinoise. Pourtant, seules 34 % sont enthousiastes quant aux perspectives de bénéfices. « Un hiatus », souligne le président de la chambre, Jacques de Boisséson.
Bien sûr, la hausse des coûts salariaux et la concurrence croissante des groupes chinois expliquent ce pessimisme. « Mais il y a aussi la façon arbitraire dont la réglementation est appliquée, une concurrence qui n'est pas équitable entre compagnies européennes et chinoises », poursuit-il. Ainsi, près de 40 % des entreprises sondées s'attendent à une augmentation des mesures discriminatoires. Elles ne sont que 10 % à croire à une amélioration.
Fin 2009, l'inquiétude s'est accrue avec l'apparition d'une nouvelle directive favorisant « l'innovation indigène » - donc chinoise - pour l'attribution de marchés publics. « Ils l'ont finalement retirée, mais en précisant qu'ils travaillaient à une autre version », indique M. de Boisséson.
Déjà, le lourd et peu transparent processus de certification (CCC) requis pour toute une série de produits est un véritable casse-tête. Sans compter les procédures pour répondre aux appels d'offres qui, dans certains secteurs, sont assortis de critères excluant de facto les étrangers. Pour les fins connaisseurs du milieu des affaires chinois, la tendance n'est pas près de s'inverser. Les Occidentaux risquent de devoir se faire à ces méthodes, car la compétition sera toujours plus rude.
« On leur déroulera de moins en moins le tapis rouge », affirme Jacques Gravereau, président de l'institut HEC Eurasia. « Pendant longtemps, les Chinois ont cherché à attirer les capitaux et les technologies étrangères, rappelle-t-il. Mais maintenant qu'émergent leurs propres multinationales, ils veulent les protéger quitte à contourner les règles de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] quand cela les arrange, de façon très adroite. »
C'est le cas de l'éolien. Pékin a d'ambitieux projets pour développer cette énergie et y a beaucoup investi en 2009 dans le cadre de son plan de relance. Pourtant, aucun fabricant d'éoliennes étranger n'a remporté de contrat à cette occasion. Alors qu'en 2005 les Occidentaux possédaient 75 % de ce marché en Chine, ils sont depuis systématiquement écartés au profit des sociétés nationales.
Autre cas de figure : celui de l'acier. Le leader mondial du tube sans soudure, Vallourec, très actif en Chine, aime à contrôler toute la chaîne de fabrication de ses fameux tubes. Pourtant, le groupe français qui voulait ouvrir sa propre aciérie s'est vu opposer une fin de non-recevoir. Priorité aux sidérurgistes locaux.
Se développer ailleurs
Dans certains secteurs comme l'automobile, les compagnies désireuses de s'implanter en Chine sont tout bonnement contraintes à la coentreprise. Avec la menace de connaître, au bout du compte, un scénario à la Danone : la « trahison » du partenaire qui, par des circuits parallèles ou après rupture du pacte, distribue de son côté les produits élaborés ensemble.
Pourtant, les entreprises ne peuvent ni ne veulent bouder ce gigantesque marché qui compte « 80 millions de consommateurs très solvables », selon M. Gravereau. Ainsi, Peugeot a conclu, vendredi, sa deuxième joint-venture avec un partenaire chinois, le constructeur Changan.
Début juillet, M. Immelt indiquait que la Chine restait importante pour General Electric. Mais qu'il réfléchissait aussi, dorénavant, à se développer ailleurs, en Afrique, au Moyen-Orient ou en Amérique latine...
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