Selon le rapport semestriel du Trésor sur la politique des changes, la monnaie chinoise reste sous-évaluée, mais la récente décision de Pékin de désindexer le yuan du dollar est un signal encourageant.
"Délirant" : c'est ainsi que l'ancien chef économiste de Merrill Lynch et actuel spécialiste de la Chine à l'International Strategy & Investment Group (ISI), Donald Straszheim, juge le dernier rapport semestriel du Trésor sur la politique de changes, publié jeudi soir. Trois semaines après la décision de Pékin, le 19 juin, de mettre fin à l'indexation du yuan sur le dollar (rétablie en juillet 2008), le Trésor américain s'est abstenu de désigner la Chine comme un « manipulateur de devise », en misant sur la vague promesse d'une réévaluation progressive. Cette position a été vivement critiquée par plusieurs membres, démocrates et républicains, du Congrès, qui y voient le signe d'un certain laxisme vis-à-vis de Pékin et menacent d'adopter des mesures de rétorsion législatives.
« Ce rapport est aussi décevant que sans surprise. Il est clair qu'il reviendra désormais au Congrès de faire ce qui s'impose : interpeller la Chine pour manipulation de devise », a déclaré le sénateur démocrate Charles Schumer. Le républicain Charles Grassey est encore plus critique : « Tout le monde sait que la Chine manipule sa monnaie. Si le président continue à éviter de le reconnaître, le Congrès devra agir. » Persuadés que le yuan reste sous-évalué de 40 %, plusieurs élus du Congrès militent pour l'adoption d'une nouvelle loi imposant des droits de douane punitifs sur certains produits chinois. Tout en reconnaissant que la désindexation du yuan est une « première étape », le président du comité des voies et des moyens de la Chambre des représentants, Sander Levin, suggère, quant à lui, d'explorer la voie d'une plainte devant l'OMC.
Le bénéfice du doute
« Nous allons continuer à contrôler étroitement l'appréciation du renminbi et à oeuvrer en faveur d'une expansion des exportations américaines vers la Chine et d'un soutien à l'emploi aux Etats-Unis, en étroite collaboration avec le Congrès », a assuré le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, en marge de la publication du rapport. Tout en reconnaissant qu'il faudra du temps pour apprécier la réévaluation du yuan, Washington lui accorde ainsi le bénéfice du doute. Le rapport note que les exportations américaines vers la Chine ont d'ailleurs rebondi plus rapidement au second semestre 2009 (+ 15 % en rythme annuel contre - 13 % vers le reste du monde), progressant même de 40 % au premier trimestre 2010 (contre + 20 % vers le reste du monde). Mais il conclut aussi que l'accumulation continue de réserves de devises étrangères par la Chine (2.454 milliards de dollars à la fin juin) combinée avec la persistance du niveau des excédents courants chinois « suggèrent que le renminbi reste sous-évalué ».
« Le secrétaire au Trésor a, en substance, certifié que la Chine était innocente au deuxième trimestre. Ce faisant, Washington relève la barre pour son propre camp : c'est complètement délirant », a confié, vendredi, l'économiste Donald Straszheim à Bloomberg, rejoignant ainsi le scepticisme des économistes sur l'effectivité de la promesse de réévaluation progressive du yuan à court terme. Certains experts estiment toutefois que Pékin pourra difficilement s'abstenir de toute forme de réévaluation significative d'ici au prochain sommet du G20, à Séoul, les 11 et 12 novembre.
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