Réunis en Corée du Sud, pays asiatiques et FMI font un pas de plus pour solder le contentieux de la crise de 1998.
L'Asie redevient le centre de l'économie mondiale ". Jeung-Hyun Yoon, ministre des finances sud-coréen, ne pouvait mieux résumer la fierté des ministres, gouverneurs de banque centrale et économistes réunis les 12 et 13 juillet à Daejeon (Corée du Sud) dans le cadre d'une conférence " Asia 21 ", organisée en partenariat avec le Fonds monétaire international (FMI), pour tirer les leçons de l'éclatante santé de ce continent.
La croissance des pays riches ne devrait pas excéder 2,6 % en 2010, selon le FMI, alors que celle des pays asiatiques atteindrait 7,5 %, notamment grâce à la Chine (+ 10,5 %), à l'Inde (+ 9,4 %) ou à la Thaïlande (+ 7 %). A ce rythme, le produit intérieur brut (PIB) dépassera en 2030 celui des pays du G7, jusque-là les plus industrialisés du monde. Un juste retour de l'Histoire pour le ministre coréen, qui a rappelé que " l'Asie pesait la moitié du produit mondial au seuil de la révolution industrielle, au XVIIIe siècle ".
Cette revanche est d'autant plus goûtée des Asiatiques que la crise de 1997-1998 leur cuit encore, avec son cortège de fuite de capitaux, de plans de sauvetage prescrits par le FMI et de destructions d'emplois. Thaïlandais, Indonésiens ou Coréens lui vouent toujours une solide hostilité pour les effets secondaires de ses médications.
Au sein du groupe dit de " Chiang Maï ", les pays asiatiques tentaient depuis dix ans de créer une sorte de Fonds monétaire régional pour se passer du FMI en cas de crise. Le mode d'emploi de ses 110 milliards de dollars (87 milliards d'euros) de réserve n'est pas encore clair, mais le FMI y est désormais associé. Car la réconciliation entre l'institution de Washington et l'Asie a commencé. Celle-ci, qui souffre d'un afflux dangereux de capitaux étrangers, a apprécié que le Fonds abandonne son hostilité au contrôle des changes, bien nécessaire quand cette invasion provoque inflation et volatilité boursière.
Elle est satisfaite d'entendre le directeur général du FMI regretter implicitement les conséquences sociales de mesures d'austérité massives de 1998. " Nous avons appris à doser les remèdes afin d'en limiter les effets nocifs en matière d'emploi ou de protection sociale ", a déclaré Dominique Strauss-Kahn, à Daejeon, tout en rappelant que la bonne santé d'aujourd'hui doit beaucoup au fait que les prescriptions passées du Fonds ont permis au continent de disposer d'un système bancaire sain.
L'Asie se félicite que le FMI prépare un assouplissement de ses formules de facilité financière, par exemple en cas de graves déséquilibres des balances de paiement, pour lui épargner l'humiliation de conditions drastiques posées à l'apport de liquidités. Le sommet du G20 de Séoul étudiera ces réformes en novembre.
Il aura aussi au menu la réforme des quotas et des voix au sein du FMI, qui entrera en vigueur en 2011. Elle doit mieux faire coïncider le poids économique des pays avec leur poids politique au sein de l'institution. L'Asie devrait être la grande bénéficiaire du transfert annoncé de 5 % des voix détenus par les pays développés - notamment européens - vers les pays émergents ou en développement. L'Asie, qui représente environ 28 % du PIB mondial, ne détient actuellement que 20 % des droits de vote au FMI.
Au printemps 2010, M. Strauss-Kahn a donné un autre gage : il a nommé un Japonais, Naoyuki Shinohara, ancien vice-ministre des finances, au poste de directeur général adjoint; et enrôlé comme conseiller spécial un Chinois, Min Zhu, gouverneur adjoint de la banque centrale de son pays. Entré en fonctions voici deux mois, ce dernier a repris, à Daejeon, l'analyse du FMI sur la politique que l'Asie doit mener pour consolider sa croissance : " Au cours des prochaines années, la croissance sera molle dans les pays industrialisés, dont la demande en produits venus d'Asie ne progressera guère. Il faut changer notre modèle de croissance. La consommation domestique et les investissements doivent se substituer aux exportations comme moteur de nos économies. "
Mais les deux tiers de la population mondiale vivant avec moins de 2,5 dollars par jour sont asiatiques, même si les pourcentages de pauvres varient d'un pays à l'autre (de 0,4 % à 55 %).
D'autre part, l'Asie contribue pour un tiers aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle a du chemin à faire avant d'atteindre une vitesse de croisière qui la mette à l'abri des chocs économiques ou environnementaux. Elle a autant besoin d'un FMI rénové que celui-ci a besoin de son dynamisme pour contrebalancer les économies européenne et américaine en petite forme.
Alain Faujas
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