samedi 22 mars 2008

Il faut aider la Chine - Alexandre Adler

Le Figaro, no. 19795 - Le Figaro, samedi, 22 mars 2008, p. 15

Faisons un rêve. Un mauvais rêve. Celui où le cercle vertueux de la Chine s'interrompt et commence même à se transformer en son contraire, dans les grandes lignes, au moment où vont se tenir ces Jeux olympiques de Pékin, tant attendus. Une partie du cauchemar, nous l'avons d'ailleurs déjà entrevu avec les violences militaires qui ont servi à réprimer l'émeute populaire tibétaine de Lhassa. Mais, une lueur perçue de la lointaine Wall Street, à la tonalité trouble, a également commencé à se manifester.

La Réserve fédérale a, en effet, accordé la priorité au regonflage d'un système financier en déroute en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars dans l'économie américaine. On comprend, cette fois-ci, le point de vue des autorités américaines : de la même manière qu'en 2001, elles ont choisi le refus de la purge et la priorité à la croissance et à l'emploi, quitte à accepter une nouvelle spirale descendante du dollar. Parvenue à ce carrefour très difficile, l'économie américaine va se contracter et, secondairement, connaître de nouvelles difficultés de crédit et un enchérissement spectaculaire de sa facture énergétique.

Pas question pour les autorités monétaires d'enrayer ces tendances en remontant les taux d'intérêt de base, au moins avant les élections présidentielles de novembre 2008. Cela donne tout le temps à l'économie réelle pour ralentir et, à l'intérieur de ce ralentissement, pour préférer des produits américains assez bon marché à des produits étrangers de plus en plus chers. Le coût est certes rude pour les producteurs de bordeaux comme pour les exportateurs européens de high-tech, mais il est beaucoup plus dangereux s'agissant de la Chine. On a, il est vrai, découvert que l'économie chinoise assurait sa croissance vertigineuse en s'appuyant, de plus en plus, sur la dynamique d'un marché intérieur en expansion constante. Mais les surplus commerciaux réalisés pour deux bons tiers sur l'ensemble nord-américain demeurent plus que jamais nécessaires aux excédents de balance commerciale qui financent des investissements de plus en plus lourds, hors d'un système bancaire chinois qui craque de toutes parts.

Ajoutons à ce tableau déjà noir, l'évidence d'une poussée inflationniste de plus en plus mal contenue. Tout y conspire : la bulle immobilière qui s'est formée dans les plus grandes villes, la hausse des salaires nominaux qui enchérit considérablement le coût des produits prioritaires à l'exportation, la nécessité, pour utiliser la vaste main-d'oeuvre à bon marché à l'intérieur, de réaliser de très importants travaux d'infrastructures, tout cela, qui est déjà suffisamment lourd, s'ajoute à un embarras que la Chine a créé elle-même. En effet, son appétit dévorant dans le domaine des matières premières et des hydrocarbures, est le résultat non seulement accéléré, mais aussi de sa faible productivité industrielle.

En gros, si la Chine pouvait atteindre le niveau de Taïwan, l'ensemble des matières premières mondiales verrait son prix baisser d'au moins un tiers. Ces difficultés, si elles réagissent à l'unisson les unes sur les autres, nous conduisent à un ralentissement majeur de l'économie. Il n'y a officiellement rien de tragique à ce type de renversement de cycles. Mais le président Hu Jintao, comme tous les leaders politiques, aura bien du mal à tomber d'accord avec la théorie économique. On se souvient de la démonstration de Michelet selon lequel la Révolution française résultait de la combinaison d'une forte croissance et, dans le même temps, d'une crise imprévue des subsistances qui menaçaient, à court terme, les résultats de cette toute nouvelle prospérité et paralysaient l'appareil fiscal vermoulu de l'Ancien Régime.

Si le pouvoir politique chinois doit supprimer trop vite la drogue dure de l'hypercroissance, ne casse-t-il pas tous les mécanismes de la paix sociale et de l'unité du Parti communiste auxquels il est parvenu depuis environ dix ans ? C'est ici que l'on peut craindre un emballement nationaliste, protectionniste, et répressif d'un appareil politique mal préparé aux réformes démocratiques. Terrorisés par le précédent Gorbatchev, les dirigeants chinois risquent de construire, à marche forcée, un empire autarcique avec la Corée et l'Asie du Sud-Est, poursuivre une chasse néocoloniale à des bassins protégés de ressources au Moyen-Orient, en Afrique, et peut-être même au Venezuela. Enfin, la situation du Tibet, pourtant facile à résoudre avec un dalaï-lama qui obstinément se borne à demander l'autonomie de son pays dans un cadre chinois, ne pourra que s'aggraver.

Finissons le cauchemar, la probabilité pour que tous ces facteurs négatifs s'additionnent, comme dans une thrombose, n'est pas la plus grande mais la nécessité contre-intuitive d'encourager et d'aider le géant chinois, au moment de sa plus grande force apparente, s'impose à toute la communauté internationale et, tout particulièrement, aux États-Unis, au Japon et à l'Europe.

«« On peut craindre l'emballement nationaliste d'un appareil politique mal préparé aux réformes démocratiques »»

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VIDÉO TIBET - Éditorial de Alain Duhamel - L'appel à l'aide du Dalaï-Lama

RTL - Le fait politique, jeudi, 20 mars 2008
Le Dalaï Lama appelle à l'aide la communauté internationale pour qu'elle fasse pression sur la Chine, afin que celle-ci suspende la répression au Tibet. A-t-il une chance d'être entendu ?

VERSION ÉCRITE

Le Dalaï Lama est un homme sage, sensible, réfléchi. Il vit évidemment très douloureusement la répression terrible qui pèse en ce moment sur son peuple, avec des dizaines de morts, on saura peut être plus tard d'ailleurs que ce sont des centaines, avec les persécutions qui s'annoncent, les arrestations arbitraires. En même temps, il sait parfaitement que derrière ça, l'objectif de la Chine, c'est tout simplement de mettre fin à l'originalité culturelle et religieuse du Tibet. Il sait que la Chine a mobilisé des moyens absolument gigantesques pour cela. Qu'elle a transformé le Tibet en une véritable colonie de peuplement, où les chinois sont maintenant beaucoup plus nombreux que les Tibétains eux-mêmes. Qu'elle veut en faire une sorte de paradis touristique pour arracher la culture originelle du Tibet. Que les enfants et les adolescents tibétains sont élevés de telle manière, qu'on les empêche de croire à ce que tous leurs ancêtres ont toujours, en tout cas au moins, imaginé.

Alors le Dalaï Lama en appelle à la communauté internationale, il doit le faire sans beaucoup d'illusion, il sait très bien que par exemple, le premier Britannique a eu au moins le courage de parler avec le premier ministre chinois, mais que le premier ministre chinois lui a répondu qu'il s'entretiendrait avec le Dalaï Lama à condition que le Dalaï Lama renonce à la volonté d'indépendance et à la violence. Or le Dalaï Lama ne demande ni l'indépendance, ni la violence. C'est donc la carte qu'utilise le Dalaï Lama, mais c'est une faible carte.

Certains proposent le boycott des Jeux Olympiques. Qu'en pensez-vous ?

Beaucoup de mal. Je trouve que c'est une fausse solution, et surtout que c'est une solution qui en réalité, est une solution de lâcheté. Que ce soit évidemment la question des Jeux Olympiques qui permette aujourd'hui de contester la politique de la Chine en matière de Droits de l'Homme, ça va de soi. Qu'on le fasse porter aux sportifs, je trouve que c'est absurde.

D'abord, parce qu'on a déjà essayé plusieurs fois, et que ça ne marche jamais. Deux, parce qu'ils ont toujours la possibilité de s'exprimer, et par des symboles, au contraire, de frapper l'imagination, comme ça s'est déjà fait très souvent. Trois, parce qu'en soi, l'esprit olympique, outre qu'il est populaire, que tout le monde attend de voir les Jeux Olympiques, mais l'esprit olympique c'est l'aboutissement pour les sportifs, et c'est aussi en soi, une idéologie de tolérance et de dialogue.

Mais derrière ça, la vraie question c'est qu'il serait quand même un peu paradoxal, alors que la question chinoise est une question politique, et pas une question sportive, qu'on demande aux sportifs d'en porter le poids, et que pendant ce temps là, les politiques eux, pourraient continuer le petit jeu de la diplomatie, des contrats, des échanges commerciaux. Ça serait réellement se défausser.

Est-ce que le Dalaï Lama a des moyens de pression vis à vis de la Chine ?

Plus qu'on ne le croit, parce qu'il a un moyen de pression essentiel, en dehors de sa liberté de parole, qui est la question de sa succession. S'il démissionnait, et il y songe, il y aurait un autre Dalaï Lama dans sa tradition d'autonomie et d'irrévérence vis-à-vis du pouvoir chinois, qui lui voudrait pouvoir désigner lui-même le prochain Dalaï Lama, évidemment à sa botte.

Auteur : Alain Duhamel



vendredi 21 mars 2008

VIDÉO TIBET - Éditorial de Bernard Guetta - Le sens politique des Tibétains

France Inter - Géopolitique, mardi, 18 mars 2008
On ne sait pas ce qui se passe au Tibet. On sait qu’il y a des troubles, qu’ils ont débuté lundi dernier après une manifestation de moines à Lhassa, la capitale, dont la répression a aussitôt suscité de nouveaux mouvements de protestation. SUITE EN VIDÉO

L'exposition du Victoria & Albert Museum - Vignal Marion

L'Express, no. 2959 - Styles;Le regard de Styles, jeudi, 20 mars 2008, p. 6-7
En couverture de Vision Magazine, le graphiste Chen Man met en scène une créature futuriste. Dans une tenue postmaoïste signée Wang Yiyang, un mannequin prend la pose avec un air hilare. Jamais le visage de la Chine, première puissance mondiale, n'aura été si expressif. Si contradictoire aussi. Dans son exposition baptisée China Design Now, le Victoria & Albert Museum ambitionne de présenter les multiples facettes du réveil créatif chinois.













En couverture de Vision Magazine, le graphiste Chen Man met en scène une créature futuriste. Dans une tenue postmaoïste signée Wang Yiyang, un mannequin prend la pose avec un air hilare. Jamais le visage de la Chine, première puissance mondiale, n'aura été si expressif. Si contradictoire aussi. Dans son exposition baptisée China Design Now, le Victoria & Albert Museum ambitionne de présenter les multiples facettes du réveil créatif chinois. Et ce à travers près de 100 créateurs, dont 95 % de locaux (les outsiders étant, notamment, Herzog & de Meuron, agence auteur du Stade national de Pékin, commandé pour les JO). « Quand les gens considèrent la Chine, la plupart pensent impérialisme ou propagande ; on commence tout juste à envisager que ce n'est pas qu'un pays de producteurs, mais aussi de créateurs », observe Zhang Hongxing, commissaire avec Lauren Parker de l'exposition. Et pourtant Shenzhen héberge une nouvelle génération de graphistes parmi les plus talentueux. Les créateurs de mode s'agitent à Shanghai, tandis qu'à Pékin les architectes s'en donnent à coeur joie. Et ce n'est que le début. Le styliste Wang Yiyang reste lucide sur l'état de la mode dans son pays : « La Chine est en train d'apprendre, nous n'avons pas encore notre propre langage et la plupart des gens passent leur temps à regarder du côté de l'Occident, peut-être en espérant devenir comme ses habitants. » Le créateur, installé à Shanghai, a opté pour une autre démarche : créer un « nouveau style chinois » sans pour autant effacer le passé, mais le regard forcément braqué sur l'avenir.


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jeudi 20 mars 2008

VIDÉO TIBET - Éditorial de Alexandre Adler - Cap sur le Tibet

Le Tibet, la Chine et l'arme du boycott - Bernard-Henri Lévy

Le Point, no. 1853 - Tribune, jeudi, 20 mars 2008, p. 154

Les Jeux olympiques, nous disait-on, auront pour effet mécanique d'ouvrir la Chine au monde et, donc, à la démocratie-les Chinois, sachant qu'ils seront observés, scrutés comme ils ne l'ont jamais été, auront à coeur d'offrir une image décente d'eux-mêmes et de leur régime.

La vérité oblige à dire que c'est très exactement l'inverse qui s'est, pour le moment, produit.

On a expulsé des villes les pauvres et les improductifs.

Accéléré la destruction des hutong, les quartiers populaires du centre de Pékin.

On a, de la sorte, multiplié le nombre des sans-abri qui, s'entassant dans des bidonvilles sans que soit engagée de vraie politique de relogement, ont accentué le phénomène de misère urbaine, d'insalubrité, contre lequel on prétendait lutter.

On a emprisonné, souvent sans procès, des milliers de possibles dissidents.

On a, aux termes de l'article 306 du Code pénal de 1997 permettant d'incarcérer n'importe quel avocat suspecté de « manipuler ou de détruire des preuves », arrêté, kidnappé, mis hors d'état de nuire, les plus courageux de leurs défenseurs.

On a fait le ménage dans la presse.

Acheté au français Thales des antennes paraboliques permettant de renforcer la grande muraille des ondes qui brouille les émissions en chinois des radios anglosaxonnes.

Les émeutes se sont multipliées dans les campagnes, sans que la presse locale s'en fasse l'écho.

Le rythme des exécutions capitales ne semble pas avoir faibli-sans que cela choque outre mesure une presse internationale qui, elle, est pourtant libre d'écrire ce que bon lui semble.

On ne pratique pas moins qu'avant le trafic d'organes prélevés sur les corps des suppliciés.

Il ne reste, dans l'ensemble du pays, pas moins de camps de travail répertoriés par la Laogai Research Foundation.

Bref l'effet « ravalement de façade » n'a eu, soit aucune portée, soit pour unique résultat concret d'intensifier, au contraire, les violations des droits de l'homme.

Et voilà qu'au Tibet s'est déclenchée la répression la plus brutale que la « Région autonome » ait connue depuis celle que mena, il y a dix-huit ans, quelques mois après Tiananmen, l'actuel président chinois, Hu Jinto, qui gagna là sa réputation d'homme de fer et ses galons dans le Parti.

Quelles sont les circonstances exactes de cette répression nouvelle ?

Et quel crédit faut-il accorder à la logorrhée officielle sur le « sécessionnisme » tibétain et la volonté de ses chefs spirituels d'utiliser la caisse de résonance de la période préolympique pour faire entendre, enfin, leur voix ?

A la limite, peu importe.

Car ce qui importe c'est que, comme il y a dix-huit ans, on a froidement tiré sur la foule.

Ce qui importe c'est que la capitale, Lhassa, est, à l'heure où j'écris, transformée en zone de guerre, quadrillée par des forces de police et des blindés, coupée du monde.

Et ce qui importe c'est que les Chinois ont montré, en la circonstance, leur indifférence souveraine aux états d'âme d'un Occident qu'ils méprisent-ce qui importe c'est qu'instruits de notre pusillanimité au plus fort des massacres du Darfour et des violences en Birmanie, ils ont compris, ou cru comprendre, que nous ne bougerions pas davantage s'ils mettaient le Tibet à feu et à sang.

Face à un tel cynisme, je persiste à penser qu'il est encore temps de tenir le langage de fermeté qu'ils nous pensent trop lâches-ou, peut-être, trop dépendants d'eux-pour oser articuler.

Je persiste à dire qu'il n'est pas trop tard pour utiliser l'arme des Jeux afin d'exiger d'eux, au minimum, qu'ils arrêtent de tuer et appliquent à la lettre-en matière, notamment, de respect des libertés-les dispositions de la Constitution sur l'autonomie régionale tibétaine.

Pékin ne cédera pas ? les boycotts, d'une manière générale, ne marchent jamais ? Allons, cher Robert Badinter. On ne sait jamais tant qu'on n'a pas essayé. Nous n'avons rien à perdre si nous essayons-et les peuples chinois et tibétain ont, eux, tant à gagner !

On ne mélange pas sport et politique ? On ne prive pas le monde de cette grande réjouissance que sont les Jeux ? D'accord, amis sportifs. Mais ne renversons pas les rôles. Ce sont les Chinois qui gâchent la fête. Ce sont eux qui bafouent les principes de l'olympisme. Ce sont eux qui font que la flamme qui, dans les jours prochains, sera hissée sur l'Everest passera littéralement sur les corps d'hommes de prière et de paix assassinés. Et c'est à cause d'eux, enfin, c'est à cause des bouchers de Tiananmen et, maintenant, du Tibet, qu'en août prochain, quand vous disputerez vos médailles à des athlètes anabolisés, transfusés, transformés en quasi-robots, vous aurez à courir, lutter, défiler, dans des stades tachés de sang.

Il est encore temps de sauver, et le sport, et l'honneur, et des vies.

Il est encore temps, en prenant le risque, comme vient de le faire Barack Obama, d'évoquer la possibilité, juste la possibilité, du boycott, de dire à la fois oui à l'idéal olympique et non aux Jeux de la honte.

Il est minuit moins cinq, là aussi

Bernard-Henri Lévy

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mercredi 19 mars 2008

VIDÉO TIBET - Éditorial de Pierre Haski - La Chine, l'harmonie et les JO: le grain de sable tibétain


Rue89/Europe1 - Éditorial, mardi, 18 mars 2008
C’est la crise que Pékin n’attendait pas. Les événements sanglants du Tibet ont fait voler en éclat un des mythes de la propagande chinoise: celui de l’"harmonie" entre les 56 nationalités qui constituent le milliard 300 millions de Chinois.

Les Tibétains, petit grain de sable de quelques millions d’âmes, ne pèsent pas lourd dans cet ensemble. Mais ils n’ont pas pour autant l’intention de disparaître sous le rouleau compresseur économique, culturel et humain, de cette Chine en plein essor. A Lhassa, la capitale tibétaine, les Hans, le groupe dominant en Chine, sont majoritaires ou en passe de l’être, et ont transformé ce coeur traditionnel du bouddhisme tibétain en une ville moderne, matérialiste -en un mot: chinoise. Le dalaï lama parle carrément d’un "génocide culturel".

Comme en Birmanie voisine à l’automne dernier, les moines bouddhistes ont pris l’initiative des protestations. Mais au Tibet, les événements ont tourné à un double affrontement sanglant: d’un côté la violence des Tibétains contre tout ce qui était identifié comme Chinois: les passants ou les magasins... De l’autre une répression impitoyable des forces de l’ordre contre un soulèvement intolérable. Résultat: 16 morts officiellement, des dizaines voire des centaines de victimes selon les groupes tibétains en exil. Et une chasse à l’homme engagée au Tibet à l’issue de l‘ultimatum qui expirait lundi soir à minuit pour la reddition des jeunes protestataires.



VERSION MONTAGE-VIDÉO



Le moment n’est évidemment pas indifférent. Pour les Tibétains comme pour tous ceux qui veulent faire entendre leur cause face au pouvoir chinois, il y a aujourd’hui une fenêtre d’opportunité, qui se refermera à l’issue des JO, fin août. Les projecteurs sont braqués sur la Chine, et le resteront pendant les cinq prochains mois.

Pour les Tibétains, c’est l’occasion de lancer un cri d’alarme face à ce qu’ils vivent comme une situation coloniale, même si Pékin considère le Tibet comme Chinois pour l’éternité, et si le dalai lama, le chef spirituel exilé, ne demande pas l’indépendance mais une réelle autonomie, promise par Mao mais vite bafouée.

La question n’est plus de savoir si ces Jeux seront politisés: ils le sont déjà. Le réalisateur Steven Spielberg s’est retiré de l’organisation de la cérémonie d’ouverture pour protester contre la politique chinoise au Darfour. Les appels au boycott risquent de se multiplier, même s’il faut noter que le dalai lama lui-même ne le demande pas. L’embarras est de plus en plus évident dans le monde occidental à l’approche de ces jeux piégés.

Dans ce climat, le pouvoir chinois a deux choix. Il peut se draper dans sa dignité froissée et s’appuyer sur sa force indéniable, en interne comme dans ses rapports avec le reste du monde. De l’autre, il peut tenir ses promesses non tenues d’ouverture, et sortir de cette crise par le haut, en particulier dans ses relations avec les Tibétains. L’expérience indique, hélas, que c’est plutôt la première solution qui primera.

Pierre Haski


PHOTO : Gilles Sabrié

vendredi 14 mars 2008

A quelques mois des JO, pourquoi le Tibet se révolte - Pierre Haski

Rue89 - Chinatown, vendredi, 14 mars 2008
Le sang a coulé à Lhassa, la capitale du Tibet. A quelques mois des Jeux olympiques de Pékin, le Tibet et à travers lui la question des droits de l'homme, se trouvent propulsés à la "une" des journaux du monde entier - sauf en Chine où c'est la session parlementaire qui fait les gros titres, les événements de Lhassa étant superbement ignorés. SUITE

Face au péril écologique, Pékin crée un ministère de l'environnement - Brice Pedroletti

Le Monde - International, samedi, 15 mars 2008, p. 6
Soucieuse d'intensifier sa lutte contre la pollution et le gaspillage énergétique, la Chine va donner à l'Agence d'Etat de protection de l'environnement (State Environment Protection Agency, SEPA), l'agence de protection de l'environnement, le statut d'un ministère. La décision devrait être entérinée samedi 15 mars à la clôture de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire (ANP). SUITE

PHOTO : Gilles Sabrié

CINÉMA - Les tribulations de deux Suisses en Chine - Norbert Creutz

Le Temps, no. 3121 - Culture, samedi, 15 mars 2008
Documentaire étonnant, «Bird's Nest - Herzog et de Meuron en Chine» parle d'architecture et d'hommes, d'art et de politique, d'Occident et d'Orient (extrême). A l'origine, le «nid d'oiseau» (bird's nest) était plutôt un bol avec couvercle... Mais la Chine a l'art de s'approprier, d'adapter à ses besoins et à sa manière de penser tout ce que l'Occident lui propose. Ainsi en va-t-il du déjà fameux stade de Pékin, emblème des futurs Jeux olympiques commandité aux architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron. SUITE

CITATION - Droits de l'homme : Pékin dénonce l'arrogance américaine

Les Echos, no. 20131 - Dernière, vendredi, 14 mars 2008, p. 18
La Chine a répliqué hier au rapport du département d'Etat américain accusant les Etats-Unis d'arrogance et d'hypocrisie, tout en qualifiant l'invasion de l'Irak de « plus grand désastre humanitaire du monde contemporain ». Un rapport officiel dénonce ainsi « le double langage et la véritable hypocrisie des Etats-Unis sur la question des droits de l'homme ». Les Etats-Unis ont « piétiné la souveraineté d'autres Etats », indique le rapport.

DÉBAT - Notre main tendue à la Chine doit être ferme - Etienne de Montety

Le Figaro, no. 19788 - Le Figaro, vendredi, 14 mars 2008, p. 16
Madame Rama Yade et monsieur Bernard Laporte, nous tenons d'abord à vous remercier pour votre engagement en faveur des droits de l'homme en Chine. Votre tribune, parue dans Le Figaro du 28 février, témoigne de l'attention que la France y porte, à moins de six mois de l'ouverture des Jeux olympiques. Rappeler les insuffisances en la matière, est essentiel. Demander à la Chine qu'elle y remédie réellement, n'est pas moins nécessaire. SUITE

Les places boursières chinoises de Hong Kong, Shanghai et Shenzhen dégringolent - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20131 - La crise monétaire et financière, vendredi, 14 mars 2008, p. 4
A Shanghai, Hong Kong et Shenzhen, les investisseurs semblent craindre un nouveau resserrement de la politique monétaire chinoise. Ils s'inquiètent aussi de la multiplication des mauvaises nouvelles aux Etats-Unis. L'indice composite de la Bourse de Shanghai repasse sous les 4.000 points. SUITE

PHOTO : Gilles Sabrié

Pékin intensifie sa campagne d'intimidation des contestataires - Bruno Philip

Le Monde - International, mardi, 11 mars 2008, p. 17

Cinq mois avant les Jeux olympiques de Pékin (8-24 août), le régime chinois poursuit sans faiblir sa politique d'intimidation à l'égard de tous ceux qui menacent de gâcher la fête au nom de la défense des libertés d'expression du citoyen. Dernier exemple en date : l'enlèvement, jeudi 6 mars à Pékin, par des policiers en civils, de l'avocat Teng Biao. SUITE

PHOTO : L'avocat Teng Biao lors d'une manifestation à Berlin en décembre 2007. Marcus Brandt / Reuters

INTERNET - La Chine dépasse désormais les États-Unis - Julie Desné

Le Figaro, no. 19788 - Le Figaro Économie, vendredi, 14 mars 2008, p. 30
L'écart s'était sérieusement resserré en 2007, cette fois, il s'est inversé. La Chine abrite désormais la première population mondiale d'internautes, avec 228,5 millions d'utilisateurs, dépassant les États-Unis qui devraient en compter 217,1 millions. Tel est le calcul de l'institut BDA, basé à Pékin. SUITE

PHOTO : Natalie Behring

jeudi 13 mars 2008

RETRANSCRIPTION AUDIO - Un débat de politique étrangère en Chine - Alexandre Alder

France culture - Chronique internationale, mercredi, 12 mars 2008

Finalement, les Jeux Olympiques ont l’effet que beaucoup attendaient : ils ont obligé la Chine à faire un pas en avant. Jusqu’ici, le pays était entièrement concentré sur sa croissance économique, sa prospérité, les moyens dont partageaient les fruits. C’étaient donc des débats de politique intérieure et à fleurets mouchetés parce que le Parti Communiste ne tolère pas encore de débats ouverts sur ces questions qui prévalaient.

Et voici que, effectivement, le succès prévisible des Jeux Olympiques, en tout cas, le rapproche, entraîne un débat sur la place de la Chine dans le monde qui ne peut plus être la même – tout le monde en convient – après cette phase d’hyper croissance qu’elle vient de traverser.
Et ici, les questions qui sont soulevées sont d’un plus haut intérêt. Il est en effet évident qu’on retrouve à l’intérieur du pouvoir chinois un clivage que l’on connaît bien : celui des mondialistes et des alter mondialistes.
Les mondialistes, c’est d’abord le Premier ministre, Wen Jiabao, lequel n’a cessé de prôner pour la Chine une politique d’apaisement pour les États-Unis, de rapprochement avec la communauté internationale, de présence forte aux Nations Unis. Et l’on voit que, à plusieurs reprises, le Président Hu Jintao a arbitré en sa faveur notamment dans la crise de Birmanie, où la Chine n’a pas soutenu les militaires birmans qui espéraient beaucoup d’un soutien de Pékin lorsque la répression des bonzes eut été atteint son point culminant, et même au Darfour, on a vu la Chine choisir un profil beaucoup plus bas, les premières sanctions contre l’Iran ont été votées au Conseil de sécurité, et, enfin - c’est là où la Chine a joué un rôle important - la Corée du Nord a été contrainte peu à peu de renoncer à son programme nucléaire et va continuer à se débattre comme elle le pourra, mais la présence chinoise a assuré, quand même, la décroissance de ce phénomène.
Et bien, tout le monde n’est pas d’accord. En particulier dans une revue d’un grand intérêt, un général de la sécurité d’État qui s’appelle Yang Xuetong et un amiral considéré comme le cerveau de l’État major de l’armée chinoise, Yan Min, proposent une autre approche de la diplomatie chinoise, peut-être plus dangereuse. L’un et l’autre ont été baptisés par les Américains de néo-conservateurs à la chinoise, car ils ne croient ni à l’ONU, ni au multilatéralisme. Mais en revanche, certaines de leurs propositions sont beaucoup plus fines que celles des néo-conservateurs américains.
Yang Xuetong, en particulier, général de la sécurité d’État, n’a cessé de faire le lobbysme pour une grande organisation régionale asiatique incluant par conséquent l’Asie du Sud-Est, l’ASEAN, les deux Corées et, malgré tout, le Japon. Mais, avec l’idée de faire de l’ASEAN, un partenaire permanent de la Chine comme le sont l’Allemagne et la France, et du Japon, un témoin muet comme la Grande-Bretagne garantissant quand même l’ouverture de cette communauté sur le monde, mais en excluant vigoureusement les États-Unis et l’Australie, ce qui est un objectif de politique étrangère bien clair.
En réalité, le projet de Yang Xuetong, c’est le projet d’une grande Chine régionale, avançant aussi ses pions en Afrique et cherchant à créer une sorte de grand marché autarcique qui rappelle furieusement la zone de coprospérité des expansionnistes japonais des années 30, mais en plus subtiles, évidemment !
Il y a simplement un petit codicille aux propositions de l’amiral et du général : presque tous les pays qui sont envisagés comme partenaires de cette grande zone, de cette Chine étendue, depuis la Corée du Sud jusque la plupart des pays d’Asie du sud-est, Birmanie et Vietnam exceptés - et bien sûr Taiwan - tous ces pays sont à des degrés divers engagés dans la démocratisation. Elle n’est pas parfaite, mais si déjà la Chine atteignait le niveau de démocratie qui règne en Indonésie ou en Thaïlande, ce serait un immense progrès. Aussi, en apparence, ce projet peut être considéré comme néo-impérial. En réalité, une Chine qui se rapproche du reste de l’Asie ne peut pas rester la dernière lanterne rouge de la démocratisation. C’est pourquoi le débat en Chine aujourd’hui n’est qu’apparent. Ce sont des contournements de la question essentielle : démocratisation de la Chine. Elle ne tardera pas à venir notamment avec les Jeux Olympiques.

CINÉMA - Tang Wei, une actrice chinoise punie pour un rôle de "traîtresse" - Pierre Haski

Rue89 - Chinatown, mercredi, 12 mars 2008
Tang Wei est une des jeunes actrices qui montent dans le cinéma chinois depuis son premier rôle fracassant dans "Lust Caution" d'Ang Lee, auréolé du Lion d'or à Venise l'an dernier. Mais elle vient d'être abattue en plein vol par les autorités chinoises justement pour avoir accepté ce rôle.

Le couperet est tombé à la faveur d'une pub anodine pour une crème de beauté, interdite de diffusion à la télévision, et retirée par la cyberpolice de tous les sites internet chinois qui l'avaient relayée.

Dans "Lust Caution", Tang Wei joue le rôle d'une jeune Chinoise, membre d'un groupe de résistants amateurs à l'occupation japonaise de la Chine, qui reçoit pour mission de séduire un "collabo" des Japonais pour mieux l'assassiner. Mais à la dernière minute, elle cède à la passion et sauve le "traître".

Le film avait déjà subi un premier assaut de la censure en raison des scènes de sexe trop nombreuses et trop explicites au goût des prudes apparatchiks du Parti. Puis la critique s'est déplacée sur le fond: la morale du film -l'amour plus fort que le patriotisme- était inacceptable et indéfendable. D'autant que le réalisateur, Ang Lee ("Tigres et Dragons", "Brokeback Mountain") est Taiwanais, même s'il a tourné son film dans les studios d'Etat de Shanghaï, avec tous les soutiens et feux verts officiels nécessaires.

Résultat: Ang Lee a été blacklisté dans les médias chinois, qui n'ont même plus le droit de mentionner son nom. Tandis que Tang Wei vient de découvrir qu'elle en subit elle aussi les conséquences avec cette pub bannie, alors qu'elle avait été annoncée par la marque chinoise à grand renfort de publicité, y compris un article sur le site de Xinhua, l'agence officielle chinoise.

Cette affaire montre que malgré une tentative d'assouplissement ces dernières années, la censure cinématographique chinoise a encore de beaux jours devant elle. D'autant que le patron de la SARFT (Administration d'Etat pour la radio, le cinéma et la télévision) venait de déclarer, dans une autre affaire, qu'il ne punissait jamais les actrices pour les films dans lesquels elles avaient tourné, même quand ceux-ci étaient bannis.


Le ski, une nouvelle passion chinoise - Brice Pedroletti et Bruno Philip

Le Monde - Page Trois, jeudi, 13 mars 2008, p. 3
En quelques années, Pékin est devenue la capitale du ski en Chine. Dix stations situées à moins de 80 km fonctionnent toutes avec de la neige artificielle. Elles sont assaillies de skieurs le week-end. En quelques années à peine, la capitale chinoise est devenue celle du ski en Chine : on compte dix stations situées à moins de 80 km de la capitale - la plus proche est à 35 km - et une demi-douzaine d'autres dans la province voisine du Hebei.

Vous savez faire du ski ? Vous voulez un professeur ? Je peux vous apprendre... " A Nanshan, station de ski au nord de Pékin, les moniteurs ont le bagou des vendeurs à la sauvette : la leçon de ski est à 100 yuans (10 euros) l'heure, mais seuls 10 yuans vont dans leur poche. " On ne trouve pas toujours de clients, beaucoup veulent essayer par eux-mêmes ! ", se plaint Wang Sai-ying, 26 ans, le bonnet enfoncé sur les oreilles. Comme la plupart des 160 moniteurs de la station, elle a appris le ski dans un collège spécialisé du nord-est de la Chine, dont elle est originaire.

Si la pratique du ski y est là-bas un peu plus ancienne, c'est pourtant à Pékin qu'elle trouve un emploi. En quelques années à peine, la capitale chinoise est devenue celle du ski en Chine : on compte dix stations situées à moins de 80 km de la capitale - la plus proche est à 35 km - et une demi-douzaine d'autres dans la province voisine du Hebei.

Aménagées sur les collines au nord et à l'est de la capitale, fonctionnant toutes avec de la neige artificielle - Pékin reçoit très peu de précipitations en hiver -, elles sont assaillies de skieurs le week-end : un samedi de début janvier, la station de Yugang, qui a ouvert en 2006, a vu affluer 8 000 visiteurs, près de 2 000 de plus que sa capacité de location en matériel. Réalisant qu'ils ne pourraient skier, les mécontents entreprirent, par dépit, de bloquer les remontées mécaniques. La police dut intervenir pour que la station les rembourse.

A Nanshan, l'une des premières stations construites autour de Pékin, en 2001, trois télésièges donnent accès à une demi-douzaine de pistes, dont une " noire ", sur la plus haute des collines. Un jeune pisteur décourage les skieurs manquant d'expérience de s'y engager : " Il y en a beaucoup qui ne se rendent pas compte de la pente, et ils restent coincés ! ", dit-il. La dénivelée a beau n'être guère supérieure à 200 mètres, on trouve aussi, à Nanshan, un champ de bosses et une zone de snowboard (avec tube, rampes et tremplins), tandis que les amateurs de sensations fortes peuvent s'essayer au deltaplane (suspendu à un câble) ou filer sur une luge, en hurlant, le long d'un toboggan de 1 300 mètres qui descend du haut de la station - pour 3 euros. Un grillage délimite les pistes enneigées, les séparant des collines terreuses qui les entourent et d'une ferme avec poules et cochons.

Ce " parc de neige ", à l'entrée duquel tout visiteur doit débourser 20 yuans (2 euros), est la création d'un entrepreneur privé, Lu Jian : coiffé d'une casquette de base-ball qui porte le nom de La Plagne, ce quinquagénaire fut dans une autre vie haut fonctionnaire à Zhongnanhai, la cité interdite du pouvoir chinois. Lors d'une mission officielle au Canada au début des années 1990, il découvre Whistler, la station des Rocheuses canadiennes. L'idée germe dans sa tête d'introduire le ski en Chine. Envoyé en formation à Oxford, il est nommé à son retour en Chine président de Cifco (China International Futures), le géant public chargé d'acheter des matières premières sur les marchés mondiaux.

En 1996, il convaincra son employeur d'investir dans la station de Yabuli, dans le Heilongjiang (Mandchourie) : " Yabuli fonctionnait comme une entreprise d'Etat et n'a jamais vraiment été rentable. Et puis c'est très à l'écart, ça n'a pas pu devenir une destination de masse ", raconte-t-il dans l'un des chalets en bois qui sert de restaurant à Nanshan. A l'époque, la Chine compte à peine 500 skieurs, pour la plupart des professionnels - contre 3 millions à 5 millions de " sorties de ski " estimées aujourd'hui.

Pour Nanshan, M. Lu a rassemblé des fonds privés et affirme qu'il a voulu " prouver que le ski, ça peut marcher en Chine ". Sa station avait attiré 60 000 skieurs l'année de son lancement et 120 000 la saison dernière. Cette année, il table sur une fréquentation de 130 000 à 140 000 skieurs - au point d'avoir décidé de diminuer d'un tiers son budget publicitaire.

Nanshan et les autres stations de Pékin sont visiblement destinées à un public urbain aisé. " Cela reste un loisir pour la classe moyenne supérieure, estime M. Lu. On en voit arriver avec de grosses voitures, il y a des gens qui ont réussi dans les affaires. " Il montre au loin un homme de dos, en anorak et bonnet : " Le type, là-bas, c'est l'acteur Xia Yu. Il y a pas mal de gens du cinéma, l'actrice Zhang Ziyi l'héroïne de Tigre et Dragon - aussi vient de temps en temps. " Le dépliant de la station annonce une zone d'accueil VIP, des restaurants parmi les meilleurs, et des chambres " avec cheminée " dans un chalet en bois. En réalité, le service est bas de gamme, et les fausses cheminées électriques ont du mal à réchauffer des pièces glaciales : qu'importe, à trois quarts d'heure de Pékin, on vient à Nanshan pour skier.

Surtout, tout est fait pour simplifier la vie des nombreux débutants (60 % des skieurs le week-end) qui n'ont ni matériel ni tenue : après avoir réglé son forfait et payé sa caution, on se rend aux guichets qui distribuent skis, chaussures, anorak, gants, et même casque et masque - pour une quinzaine d'euros (en semaine, et si l'on a réservé) -, soit à peine le double, en moyenne, du tarif pratiqué par le moindre site touristique en Chine. Le week-end, sans réservation, il peut toutefois en coûter jusqu'à 36 euros.

La station, qui offre 6 000 équipements, tourne alors à plein. On croise de tout au pied des pistes, des bandes de jeunes en goguette qui partagent un moniteur, aux étudiants sud-coréens ou japonais, accros au snowboard, en passant par les couples avec leur enfant unique, mais aussi des groupes venus en comité d'entreprise, tous affublés de l'anorak de Nanshan, et un nombre croissant de passionnés.

" Le ski, c'est complètement nouveau, et ça me plaît. Si on se débrouille bien, ce n'est pas très cher. Il y a des forums sur Internet où l'on réserve sa place dans un minibus, ça coûte 3 euros ", dit Wang, le visage caché derrière un passe-montagne bleu. Débutant, il n'a pas voulu prendre de leçons, mais apprend en regardant des vidéos sur Internet. Il vient pour la troisième fois et s'en tient aux pistes vertes, qu'il dévale droit comme un I. Les Chinois les plus fortunés vont ailleurs : le tiers des 300 chambres du Club Med hiver de Sapporo, au Japon, sont désormais occupées par des Chinois, la plupart en provenance de la région de Pékin, selon une responsable de la société à Shanghaï - pour un tarif de 1 000 euros par semaine.

Si le boom des stations de ski a fait baisser les prix, il suscite des polémiques de plus en plus vives parmi les défenseurs de l'environnement, rapportait le China Daily début février : Pékin manque cruellement d'eau, et la neige artificielle y apparaît comme un grand luxe. Les autorités municipales ont donc imposé aux opérateurs toutes sortes de normes pour le recyclage de la neige. Et décrété un moratoire sur la construction de stations autour de Pékin : leur nombre ne doit pas dépasser dix.

Bruno Philip et Brice Pedroletti

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mercredi 12 mars 2008

Avant les Jeux, un projet d'«attentat» déjoué pour Pékin - Pascale Nivelle

Libération, no. 8350 - Monde, mardi, 11 mars 2008, p. 14
À cinq mois des Jeux, le Parti communiste chinois agite le spectre du terrorisme dans la province musulmane du Xinjiang. La police chinoise a tué et arrêté plusieurs militants islamistes qui préparaient une offensive terroriste contre les Jeux olympiques de Pékin, a révélé hier le numéro un du PC de la province du Xinjiang, voisine de l'Afghanistan et du Pakistan. SUITE

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Un délégués de la province du Xinjiang lors de la séance annuelle du parlement chinois, le 9 mars à Pékin. Claro Cortes / Reuters

Le dalaï-lama dénonce la répression " inimaginable " de Pékin au Tibet - Bruno Philip

Le Monde - International, mercredi, 12 mars 2008, p. 6
Le dalaï-lama a prononcé, lundi 10 mars, depuis la ville indienne où il est en exil, un discours d'une rare virulence contre le régime de Pékin à l'occasion du 49e anniversaire de sa fuite de Lhassa, qu'il avait dû quitter précipitamment en 1959 après un soulèvement manqué de la population de la capitale tibétaine contre l'armée d'occupation chinoise. SUITE

PHOTO : Le dalaï-lama - ici, le 10 mars 2008 à Dharamsala - a toujours dénoncé la répression de la Chine au Tibet. Manan Vatsyayana / AFP


CINÉMA - Le nazi qui sauva les Chinois de Nankin, héros de cinéma

Le Monde - Culture, mercredi, 12 mars 2008, p. 33
Regroupé derrière une lourde porte de bois, un petit groupe d'hommes et de femmes occidentaux sont plongés dans une discussion animée, observant à travers un judas ce qu'on imagine être, hors champ, des troupes armées, prêtes à tirer. Un homme d'une cinquantaine d'années, grand, affublé de lunettes rondes, ordonne que le portail soit ouvert.

Il neige ce jour-là, l'équipe doit se contenter de quelques scènes cadrées serrées, pour être " raccord " avec les plans des jours précédents. On est dans la région de Shanghaï, dans un décor qui figure, grandeur nature, une partie de la ville de Nankin, un autre jour d'hiver, il y a exactement soixante-dix ans. John Rabe, film réalisé par Florian Gallenberger, un réalisateur allemand de 35 ans et coproduit par la France et la Chine, est en tournage depuis bientôt quatre mois.










Des cinq films de fiction annoncés pour 2008 sur le sac de Nankin (un américain, trois chinois et un allemand), qui débuta en décembre 1937 avec la prise de la capitale chinoise par l'armée japonaise et se solda, au bout d'un peu moins de deux mois, par plusieurs centaines de milliers de victimes, celui-ci a une résonance particulière.

TÉMOIGNAGE PRÉCIEUX

C'est le seul réalisé par un cinéaste allemand, et qui donne une telle place à la figure de John Rabe, expatrié au long cours et membre du Parti nazi, dont le journal intime, découvert il y a seulement une dizaine d'années, fournit un témoignage précieux sur un événement historique qui continue d'envenimer les relations entre la Chine et le Japon. Iris Chang, l'auteure sino-américaine du Viol de Nankin (Editions Payot) qui contribua à la découverte du manuscrit de John Rabe, le décrivit alors comme l'Oskar Schindler de Chine.

En cet hiver 1937, John Rabe est le représentant de Siemens à Nankin. " Tout à coup, le destin lui offre un rôle. Siemens lui ordonne de quitter la ville, mais il reste, devient ce personnage inhabituel, plus grand que nature, qui, nuit et jour, risque sa vie pour protéger des Chinois, s'interpose entre les soldats japonais et leurs victimes, criant aux Japonais qu'il allait informer Hitler de ce qu'ils faisaient ! ", raconte l'acteur Ulrich Tukur, qui interprète Rabe aux côtés notamment de Steve Buscemi et d'Anne Cosigny.

Dans ses lettres à Adolf Hitler, John Rabe demande l'aide du Führer pour mettre fin aux " atrocités inconcevables contre la population civile sans défense " commises par les Japonais - lettres qui lui vaudront d'être arrêté par la Gestapo à son retour en Allemagne.

TERRAIN MINÉ

Parce qu'il est nazi et que l'Allemagne est l'alliée du Japon, John Rabe dirige le comité d'expatriés occidentaux qui impose à l'armée japonaise une zone de sécurité dans la partie de la capitale chinoise où les puissances occidentales ont leurs ambassades et divers intérêts. Sorte de ghetto à l'envers, la zone de sécurité abritera quelque 250 000 Chinois de Nankin qui auront la vie sauve.

Dans une des scènes d'ouverture du film, John Rabe déroule un grand drapeau représentant la croix gammée dans le parc de l'usine Siemens et pousse les Chinois qui ont trouvé refuge chez lui à se cacher dessous pour échapper aux bombardements. " Une croix gammée, symbole pour nous du mal, qui sert à sauver la vie des gens, ce n'est pas banal ! ", opine l'acteur Daniel Brühl, qui joue le diplomate Rosen.

Le maniement de ce genre de symbolique a longtemps été vu comme un terrain miné en Allemagne. " On a affaire à cette nouvelle vague de réalisateurs allemands, décomplexés par rapport à leur histoire, et qui abordent le cinéma de manière très contemporaine ", juge Nicolas Traube, le coproducteur français du film.

En Chine, le montage du projet, qui a le statut de film chinois et donc est soumis à la censure, ne fut pas aisé. " Il y avait le risque que trop de films traitent du sujet, et les autorisations ont pris du temps car la Chine et le Japon étaient en plein effort de réconciliation ", constate une responsable de la production chez Huayi Brothers.

En dehors de John Rabe, dont la sortie est attendue fin 2008, seul Nanking Nanking, du jeune réalisateur chinois Lu Chuan, est en cours de tournage.

Brice Pedroletti

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